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Note de synthèse - mise à jour 2013 : Secteur céréalier

16 décembre 2013

1.         Contexte et principaux enjeux

Les niveaux élevés et la volatilité des prix des céréales sont un sujet d’inquiétude majeure pour les gouvernements des pays ACP, et ce même dans les régions où la corrélation entre les prix mondiaux et locaux est faible. En conséquence, la recherche de l’autosuffisance alimentaire au niveau national est une question qui a pris de l’importance : produire davantage que ce que le pays consomme et consommer davantage que ce que le pays produit. Les prix élevés affectent à la fois l’accès aux denrées de base et la compétitivité des produits de l’élevage commercialisés (en grande partie la volaille). 

Les mesures prises à l’échelle nationale visant à renforcer la production alimentaire du pays peuvent aller à l’encontre des engagements de politique commerciale tant au niveau intrarégional qu’interrégional. Par ailleurs, elles peuvent renforcer les contraintes existantes, liées aux infrastructures, sur une production, un stockage, une distribution et une transformation efficaces des produits céréaliers pour les marchés régionaux. D’autres facteurs peuvent constituer des entraves au développement du commerce intra-régional céréalier : des normes nationales divergentes, des inquiétudes liées à l’application des normes, un manque de transparence dans l’application des accords commerciaux régionaux (p. ex. la corruption aux postes frontaliers).

Pris ensemble, ces facteurs peuvent contribuer à une orientation extrarégionale des achats et de la commercialisation des céréales et saper la construction de chaînes d’approvisionnement intrarégionales.

Bien que des initiatives soient prises pour lever ces contraintes, la conciliation des différentes mesures prises au niveau national et des efforts déployés pour renforcer l’intégration régionale des marchés céréaliers constitue un défi majeur.

Au niveau de l’UE, un régime commercial régulé est maintenu dans le secteur céréalier, dont l’objectif est de protéger les marchés internes de la concurrence des marchés mondiaux, où les prix sont plus bas. Alors que la structure des paiements de la Politique agricole commune (PAC) de l’UE est modifiée depuis 1992, la valeur nominale du soutien par hectare aux producteurs céréaliers européens reste largement inchangée. Les réformes ont entraîné une réorientation de la production vers le marché et ont donné aux producteurs européens les moyens de profiter de la demande mondiale croissante.

Les politiques européennes liées aux agrocarburants ont eu un impact sur l’attractivité commerciale relative des cultures céréalières et d’oléagineux pour les producteurs européens. Dans ce contexte, tout changement dans ces politiques pourrait influencer les choix des producteurs lors de l’ensemencement. Les politiques européennes dans ce domaine ont cependant moins d’importance que celles des États-Unis dans le secteur céréalier.

Dans l’ensemble, l’UE continue d’appliquer un cadre politique qui maintient la production céréalière européenne à des niveaux plus élevés qu’ils ne le seraient sans ce soutien. Cependant, dans un contexte de croissance des prix mondiaux, une telle politique peut permettre de limiter les tensions sur les prix.

2.         Récents développements

2.1       Développements du secteur céréalier à l’échelle mondiale

Les prix du maïs ont fortement augmenté au milieu de l’année 2012, progressant de 24,6 % entre juin et juillet, en raison d’une grave sécheresse aux États-Unis. À partir d’août 2012, ils ont commencé à chuter, et en mars 2013 ils avaient retrouvé leur niveau de mars 2012. Par la suite, les baisses de prix ont été suivies d’un redressement des prix, mais la tendance générale reste à la baisse.

De juin à novembre 2012, les prix mensuels moyens du blé ont progressé de 39 %, avant de baisser de 14 % pendant la période allant jusqu’à février 2013. Les prix de février 2013 étaient cependant supérieurs de 26 % aux prix de février 2012. Depuis cette date, les prix du blé ont continué à baisser, et cette tendance devrait se poursuivre durant l’année 2013 en raison d’une hausse de 2 % de l’ensemencement en blé. Les prix du blé resteront cependant à des niveaux historiquement élevés, puisque les stocks sont tombés « à leur plus bas niveau depuis 2007/08 » (voir article Agritrade «  Perspectives pour les prix du blé en 2013 », 24 février 2013). Pour les principales céréales, les prix continueront par conséquent à osciller autour de niveaux élevés.

Alors que la coordination par le biais du Système d’information sur les marchés agricoles du G20 (AMIS) semble avoir diminué les réactions de panique face aux pénuries dues à la météo, en limitant les augmentations de prix (voir article Agritrade «  Premiers succès pour l’initiative AMIS du G20 et la coordination interna... », 18 février 2013), les niveaux de prix moyens de juillet 2012 à février 2013 dépassaient encore les pics enregistrés en juin 2008.

Les prix élevés de 2012 auraient contribué à un processus de « destruction de la demande » sur certains segments de marché, avec un déclin de 11,8 % de l’utilisation de céréales dans le secteur des agrocarburants des États-Unis en 2012. Cependant, Rabobank maintient que la saison 2013/14 verra « la plus forte progression annuelle de la demande mondiale en céréales », qui aboutira à un ratio stocks/utilisation au niveau mondial « substantiellement en dessous de la moyenne sur 10 ans (qui était de 17,2 %), et une faible perspective de reprise » (voir article Agritrade «  Perspectives pour les prix du maïs en 2013 », 18 mars 2013).

Ces évolutions ont des implications importantes pour les pays ACP qui restent vulnérables aux chocs des prix mondiaux. Selon l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), depuis 2002, 12 pays ACP sont passés du statut d’exportateur net à celui d’importateur net de produits alimentaires.

Les prix élevés du blé affecteront probablement fortement les principaux pays ACP importateurs de blé, tels que le Nigeria, lequel donne davantage d’importance aux mesures obligeant l’introduction de farine de manioc dans les farines. De telles initiatives semblent gagner en popularité dans des pays ACP plus petits, avec des essais également à la Barbade, qui prévoit de tester les utilisations possibles de farine de manioc dans les produits de la boulangerie.

Dans l’ensemble, Rabobank a mis en garde contre des prix des produits alimentaires atteignant « de nouveaux records en 2013 », l’économie mondiale entrant dans une période d’inflation des prix liée aux produits agricoles, ce qui explique pourquoi « la sécurité alimentaire reste une question très sensible dans de nombreuses régions » (voir article Agritrade «  Rabobank met en garde contre une éventuelle hausse des prix des denrées... », 28 octobre 2012). En raison de ce type de pronostic, les responsables de la FAO et de l’OMC ont appelé les gouvernements à « s’abstenir d’entretenir des réactions de panique chez les acheteurs et d’appliquer des restrictions à l’exportation ».

2.2       Développements du secteur céréalier de l’UE

Une évaluation des réformes du secteur céréalier depuis 2003, financée par la CE, a montré à la fois les modifications apportées aux politiques et la continuité du cadre politique européen. Depuis 2003, les paiements par exploitation ont été largement découplés de la production, et les achats à l’intervention ne soutiennent plus les prix de marché européens. Cependant, l’UE continue d’utiliser les achats à l’intervention comme une mesure de type « filet de sécurité » et se garde le droit de recourir encore aux restitutions à l’exportation (bien qu’elles n’aient pas été utilisées dans le secteur céréalier depuis 2008). Le principal élément de continuité de la politique européenne est le régime commercial céréalier, dans lequel l’UE a conservé une série de mesures aux frontières, notamment des tarifs douaniers à l’importation variables et des quotas tarifaires spécifiques par produit, afin de « protéger le marché interne des importations à des prix inférieurs sur les marchés mondiaux », tout en satisfaisant les besoins des consommateurs (voir article Agritrade «  Impact des réformes sur le secteur céréalier de l’UE », 12 mai 2013).

Cependant, selon une évaluation par la CE des mesures dans le secteur céréalier appliquées dans le cadre de la PAC, alors que la structure des paiements aux producteurs céréaliers a été « radicalement changée », « la valeur nominale des aides par hectare couplées et découplées [a] à peine changé ». Étant donné les niveaux élevés des prix sur les marchés mondiaux, les paiements au titre de la PAC contribuent dorénavant moins aux revenus des céréaliers.

Malgré les niveaux relativement élevés des prix mondiaux des produits de base, « il subsiste des États membres dans lesquels (…), en moyenne, les producteurs auraient bénéficié de revenus très faibles s’ils n’avaient pas reçu les aides couplées et découplées ». Ainsi, il semble que les politiques sectorielles de l’UE dans le secteur céréalier continuent de maintenir la production céréalière à des niveaux plus élevés qu’en l’absence de telles mesures de soutien.

D’après l’évaluation, après les réformes, les décisions de production des agriculteurs européens ont répondu davantage aux « signaux des prix internationaux » qu’à la structure du soutien de la PAC. Étonnamment, les réformes politiques ont abouti à une plus grande volatilité des prix dans l’UE que sur les marchés céréaliers mondiaux, ce qui a amené les transformateurs, négociants et producteurs à utiliser davantage les outils de gestion des risques liés aux prix. Une autre conséquence des réformes a été la réduction considérable des importations européennes de substituts aux céréales pour le secteur de l’alimentation animale (– 70 %).

En ce qui concerne les effets des réformes sur les marchés extérieurs, l’évaluation indique que « la décision de ne pas fournir de restitutions à l’exportation a aidé à dépasser les contraintes pesant dans le cadre de l’OMC sur les exportations subventionnées, et ceci a généré une hausse de la part des exportations nettes de l’UE dans les exportations mondiales totales de céréales. » Ainsi, « la part de l’UE dans les exportations mondiales totales de blé et de farine a progressé de 5,2 % à 7,7 % entre la période précédant la réforme et celle suivant la réforme », l’UE augmentant de cette manière sa contribution aux importations d’Afrique subsaharienne. 

2.3       Le secteur céréalier et les agrocarburants

La pression grandissante pour une révision de la politique de l’UE en matière d’agrocarburants pourrait avoir des implications pour le secteur céréalier. Les obligations en matière d’agrocarburants, par exemple, ont vu une hausse de 26 % des surfaces cultivées en oléagineux, ainsi qu’une expansion de la production allemande de maïs d’ensilage pour le biogaz (utilisant 11 % de la surface agricole utile totale en Allemagne).

En septembre 2012, les responsables de la FAO, du Fonds international pour le développement agricole (FIDA) et du Programme alimentaire mondial (PAM) ont appelé à des ajustements en matière d’utilisation des cultures alimentaires pour la production d’agrocarburants. Les leaders des milieux d’affaires du secteur privé ont soutenu cet appel. Toujours en septembre, le gouvernement français a plaidé pour « une pause dans le développement des agrocarburants entrant en concurrence avec les produits alimentaires », et l’établissement d’un plafond de 7 % sur l’utilisation des agrocarburants basés sur des cultures. Un tel plafond serait en accord avec les efforts de la CE pour « imposer une limite sur l’utilisation des agrocarburants basés sur les cultures ».

En octobre 2012, les propositions de la CE ont appelé à mettre fin à « toutes les subventions aux agrocarburants basés sur les cultures après 2020 ». Une telle mesure impliquerait une utilisation du colza et du blé limitée à 5 % de la consommation d’énergie totale dans le secteur européen du transport, et l’augmentation « de la part des agrocarburants avancés n’utilisant pas de terres ». 

L’industrie européenne des agrocarburants a critiqué les propositions de la CE, maintenant que les politiques européennes en la matière n’ont que très peu d’impact sur les prix mondiaux des céréales (en comparaison avec les politiques des États-Unis), puisque les quantités utilisées par cette industrie sont relativement faibles. Par exemple, les prix élevés des céréales atteints en 2012/13 ont entraîné une contraction de l’utilisation des céréales secondaires aux États-Unis pour la production d’agrocarburants qui est supérieure à la quantité totale annuelle de céréales européennes utilisée pour la production de bioénergie. Malgré tout, toute révision des obligations en matière d’agrocarburants pourrait freiner l’expansion prévue de l’utilisation de céréales pour leur production en Europe.

2.4       Développements en Afrique centrale et de l’Ouest

Situation du secteur céréalier dans la région

En mars 2013, la FAO prévoyait une production moyenne, voire supérieure à la moyenne, dans les deux principaux pays producteurs de céréales de la région d’Afrique centrale, le Cameroun et la République centrafricaine, mais une production régionale totale correspondant au niveau de 2011. Ainsi, « le gros des besoins nationaux en céréales » a été importé au Gabon et en République du Congo.

Tableau I : Production de céréales secondaires de l’Afrique de l’Ouest et centrale (en milliers de  tonnes)

  2010 2011 2012 (estimation)
Afrique de l’Ouest 47 600 42 000 47 400
Afrique centrale 3 300 3 200 3 200

Source : FAO, Crop prospects and food situation, n° 1, mars 2013.

En Afrique de l’Ouest, « la situation générale en matière de sécurité alimentaire s’est améliorée de manière significative », et la production céréalière a augmenté de 12,9 % en 2012. Cependant, en fonction des pays, les évolutions étaient variables. Bien que les prix soient restés élevés dans certaines zones, dans l’ensemble, les prix des céréales secondaires ont baissé, étant donné « les restrictions interrégionales imposées sur les mouvements des produits de base ». La production céréalière brute pour la saison 2012/13 dans le Sahel et en Afrique de l’Ouest a été estimée à 54,6 millions de tonnes, en hausse de 16 % par rapport à la saison précédente et de 1 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

Tableau II : Position en matière d’importations de céréales des pays à faible niveau de revenu et à déficit alimentaire en Afrique de l’Ouest et du Centre (en milliers de tonnes)

 

2011/12 ou 2012

(importations effectives)

Importations nécessaires totales 2012/13 ou 2013
Afrique de l’Ouest 14 718 14 145
Afrique central 2 061 2 109

Source : FAO, Crop prospects and food situation, n° 1, mars 2013

S’attaquer aux contraintes liées au commerce régional des céréales

Une analyse publiée par la Banque mondiale suggère que le commerce intrarégional de céréales au sein de la Communauté économique des pays d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se situe bien en dessous du potentiel de la région, la plupart des importations nationales de céréales provenant d’autres régions (97 % du maïs, 79 % du sorgho et 62 % du mil). La production de maïs est de plus en plus considérée comme viable au plan commercial, enregistrant la saison dernière une hausse de 30 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

Des problèmes similaires existent pour le commerce intrarégional d’intrants, pour lequel les réglementations nationales continuent de prévaloir sur les accords régionaux. Il semble que les contraintes sur les achats et le commerce régionaux d’intrants poussent leur coût à la hausse, et ainsi ne permettent pas une amélioration des rendements. Pourtant, un schéma de libéralisation des échanges s’applique au sein de la CEDEAO sur le commerce des céréales et des intrants. Les acheteurs et les négociants à grande échelle potentiels continuent de rencontrer des difficultés pour garantir les permis et les certificats nécessaires pour s’approvisionner au niveau régional. Ce type de difficultés favorise l’augmentation des coûts du commerce intrarégional de céréales, et rend l’approvisionnement au niveau régional non concurrentiel.

La note publiée par la Banque mondiale a identifié un certain nombre de domaines d’action potentiels, notamment :

  •       le renforcement de la libéralisation du commerce au plan opérationnel par :

a)    l’abandon ou l’établissement d’une plus grande transparence dans l’utilisation des interdictions saisonnières d’exportation ;

b)    la promotion d’une plus grande transparence des régimes de licences d’importation et d’exportation ;

c)    le démantèlement des frais de transit ;

d)    la suppression des barrages routiers illicites et la lutte contre les actes de corruption par les fonctionnaires des douanes ;

  •       la promotion d’une plus grande harmonisation des normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) et de sécurité des aliments, et la création de normes de base supplémentaires pour le commerce des céréales ;
  •       la clarification et la diffusion des exigences en matière d’origine des produits dans le cadre du Schéma de libéralisation des échanges.

Étant donné le caractère fondamental de beaucoup de ces défis, à court terme, il conviendrait peut-être de se concentrer sur le soutien à fournir aux négociants pour qu’ils puissent faire face à ces contraintes (des recommandations similaires sont sorties de la conférence organisée par la CEDEAO et l’USAID en janvier 2013, à Accra, sur le commerce transfrontalier). L’USAID et la Banque mondiale soutiennent la « Borderless Initiative », un projet important à cet égard (voir article Agritrade «  Examen des contraintes qui pèsent sur le commerce régional des céréales... », 12 mai 2013).

Les approches divergentes du développement du secteur céréalier local

Les développements en 2012/13 ont montré des divergences d’approche entre les pays de la région pour favoriser le développement du secteur céréalier en Afrique de l’Ouest.

Une analyse du secteur céréalier béninois publiée par le département américain de l’Agriculture (USDA) en janvier 2013 décrit les engagements politiques du Bénin visant à favoriser une augmentation de la production agricole, suite à la crise des prix alimentaires de 2008. Un soutien important est fourni par le gouvernement pour la production et la commercialisation des céréales, à travers la distribution gratuite de semences, la fourniture d’engrais subventionnés, et l’achat et le stockage du maïs via des agences gouvernementales. Cependant, on estime qu’environ 30 % de la production de céréales secondaires est perdue après la récolte. En accord avec les objectifs du Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine (PDDAA), environ 11,8 % du budget national sont consacrés à l’agriculture, et notamment au coton qui continue à jouer un rôle dominant. Ces mesures, mises en œuvre avec le soutien des bailleurs de fonds, ont entraîné une hausse de la production céréalière (maïs + 12,2 % et sorgho + 45,8 % depuis la saison 2010/11).

La politique du gouvernement a pour objectif de faire du Bénin un exportateur majeur de céréales d’ici à 2025. Dans le nord du Bénin, on estime que plus de la moitié de la production de maïs nationale est exportée vers le Niger et le Mali, alors que dans le sud les négociants nigérians poussent les prix locaux du maïs à la hausse. Par conséquent, dans certaines régions du pays, des échanges intrarégionaux reposant sur le secteur privé ont déjà lieu, ce qui soulève la question de la répartition des coûts et bénéfices des programmes de soutien à la production céréalière du Bénin. 

En 2012/13, le Nigeria a mis en place des mesures importantes, avec l’objectif de réduire la facture des importations de produits alimentaires. En plus des programmes traditionnels de subventions aux intrants, des mesures tarifaires ont été appliquées afin de favoriser l’introduction de manioc dans la farine de blé dans le secteur de la boulangerie. En juillet 2012, le gouvernement nigérian a annoncé :

  •       une réduction du droit de douane sur les enzymes fortifiant le manioc de 10 % à zéro ;
  •       l’imposition d’un droit additionnel de 15 % sur le blé importé, augmentant le droit à 20 % ;
  •       l’imposition d’un droit additionnel de 65 % sur la farine de blé, augmentant le droit effectif à 100 % ;
  •       l’octroi d’un accès en franchise de droits pour les machines et équipements requis pour la transformation et le mélange du manioc.

Par ailleurs, le gouvernement importe des usines de transformation du manioc à grande échelle de la Chine pour stimuler la transformation locale. L’objectif est d’avoir 10 % de farine de manioc dans la farine de blé d’ici à juillet 2013, et 40 % d’ici à 2015. Cependant, l’effet immédiat a été d’augmenter de 20 % les prix de la farine de blé.

L’utilisation de hausses importantes des tarifs douaniers pour promouvoir la production locale est une caractéristique de plus en plus présente de la politique agricole nigériane. L’USDA maintient que les parties prenantes sont réticentes à suivre la politique de mélange obligatoire du gouvernement, à cause des « expériences négatives passées » d’initiatives politiques similaires (voir article Agritrade «  Le débat sur l’utilisation de la farine de manioc dans le pain s’intensi... », 6 août 2012). Aussi, des articles de presse indiquent que des difficultés sérieuses sont rencontrées pour rééquiper, former à nouveau et adopter des techniques de transformation nouvelles dans le secteur de la boulangerie.

Alors que le Nigeria est le plus grand producteur de manioc au monde, les objectifs d’expansion de l’utilisation locale de manioc dans le secteur de la boulangerie pourraient entrer en conflit avec le lancement d’initiatives pour exporter le manioc et les produits à base de manioc. En août 2012, des exportations de 1,1 million de tonnes étaient annoncées vers la Chine, ainsi que des contrats pour l’approvisionnement de 500 000 tonnes de manioc annuellement vers l’Australie. Cela soulève la question du caractère approprié du marché visé par le Nigeria dans ses efforts pour développer le secteur du manioc (voir article Agritrade «  La politique tarifaire du Nigeria sur le mélange de manioc et de blé sus... », 18 novembre 2012), de même que des interrogations quant au rôle de la politique tarifaire dans la promotion et le soutien d’une production céréalière élevée. 

En septembre 2012, le FIDA a fait état d’une troisième approche pour la promotion du secteur céréalier adoptée en Afrique de l’Ouest, à savoir celle du Sénégal qui vise à promouvoir l’utilisation de contrats de vente à terme entre les producteurs de mil, les transformateurs et les négociants, afin de renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement céréalières. L’objectif de ces contrats à terme est de réduire les incertitudes liées aux prix et d’augmenter l’investissement réalisé sur les exploitations, à travers une amélioration de l’accès au crédit (voir article Agritrade «  Signature d’un contrat de vente pour aider les producteurs de céréales à... », 28 octobre 2012).

Cependant, l’utilisation de contrats de vente pour l’achat de récoltes futures pourrait nécessiter le renforcement du cadre légal et institutionnel afin que les contrats soient effectivement appliqués. Si l’approche fonctionne pour le mil, les accords contractuels à terme seront étendus à une série d’autres céréales, en prenant en compte les spécificités des différentes chaînes d’approvisionnement. Alors que de nombreux gouvernements reconnaissent l’importance de renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement des céréales, l’infrastructure requise pour un fonctionnement efficient des chaînes nationales et régionales n’est pas toujours présente.

2.5       Développements en Afrique australe et de l’Est

Situation du secteur céréalier dans la région

Selon la FAO, en Afrique australe, les perspectives pour la récolte de céréales de 2013 sont « dans l’ensemble satisfaisantes », bien qu’une recrudescence de chenilles légionnaires menace la production dans certaines régions. Dans l’ensemble, les rendements devraient augmenter, excepté dans les zones affectées par la sécheresse ou les inondations, où des tensions sur les prix apparaissent. 

En réponse aux prix élevés du maïs, l’Afrique du Sud va augmenter son ensemencement de 3 % , et la production totale devrait atteindre 13 millions de tonnes. À la suite de précipitations mal réparties, une récolte plus faible est attendue en Namibie, après la récolte exceptionnelle de la saison précédente.

En Afrique de l’Est, une situation analogue est observée, voire avec une production supérieure à la moyenne, mais aussi des différences considérables entre les pays. Les perspectives de récolte sont particulièrement critiques au Kenya (où l’apparition d’une nécrose du maïs mortelle est source d’inquiétudes) et dans certaines régions d’Éthiopie. Cependant, la situation générale en matière de sécurité alimentaire en Afrique de l’Est est considérée comme s’améliorant, avec une production de céréales à des niveaux proches des niveaux record – environ 12,4 % au-dessus de la moyenne des cinq dernières années.

Au sein de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE), se dessine à plus long terme la tendance d’une production céréalière qui augmentera plus rapidement que la croissance de la population. Cependant, l’environnement politique de la CAE n’est pas perçu comme propice à l’expansion de la production de maïs au-delà des besoins de consommation de la région. En effet, les opportunités d’exportation sont très limitées en raison de la concurrence des producteurs à bas coûts tels que l’Afrique du Sud (voir article Agritrade «  La production et le commerce du maïs au sein de la CAE examinés par l’USDA », 16 septembre 2012).

Tableau III : Production céréalière agrégée des pays d’Afrique australe et de l’Est (en milliers de tonnes)

  Blé Céréales secondaires
  2010 2011 2012 2010 2011 2012
Afrique australe 1 700 2 300 2 300 26 400 25 000 24 300
Afrique de l’Est 4 100 4 000 4 300 34 800 32 200 34 900

Source : FAO, Crop prospects and food situation, n° 1, mars 2013.

En Zambie, alors que les stocks de maïs sont élevés après des récoltes consécutives exceptionnelles, les interdictions d’exportation « marche-arrêt » (introduites en septembre 2012 et suspendues en mars 2013) et les niveaux élevés des achats gouvernementaux ont perturbé le développement par le secteur privé de chaînes d’approvisionnement régionales de maïs. À la suite de la suspension de l’interdiction d’exportation, les négociations entre les gouvernements pour vendre du maïs au Zimbabwe n’ont pas non plus aidé à favoriser le développement par le secteur privé de chaînes d’approvisionnement. Les difficultés rencontrées pour importer du maïs de Zambie au début de l’année 2013 ont cependant conduit à une remise en question des restrictions imposées par le gouvernement sur les importations de maïs génétiquement modifié (voir article Agritrade «  Des interdictions d’exportation temporaires et des politiques en matière... » 26 mai 2013).

Tableau IV : Importations agrégées de céréales des pays à faible niveau de revenu et à déficit alimentaire d’Afrique australe et orientale (en milliers de tonnes)

  Importations effectives 2011/12 ou 2012

Importations nécessaires totales

2012/13 ou 2013

Afrique australe 2 508 2 346
Afrique de l’Est 8 183 7 987

Source : FAO, Crop prospects and food situation, n° 1, mars 2013.

Les obstacles au commerce régional liés aux organismes génétiquement modifiés et aux normes

Alors que l’Afrique du Sud produit un excédent important de maïs, les exportations ciblent de plus en plus les marchés extérieurs (voir article Agritrade «  Le profil d’exportation de l’Afrique du Sud complique la situation relat... », 2 décembre 2012). Cette situation est le résultat de quatre facteurs :

  •       les prix mondiaux élevés atteints récemment ;
  •       les pénuries sur des marchés d’exportation majeurs (Mexique) ;
  •       les politiques tarifaires régionales ;
  •       les politiques nationales divergentes au sujet du maïs génétiquement modifié (OGM).

La question du traitement du maïs OGM, qui souvent nécessite des accords d’importation spéciaux générant des coûts supplémentaires, reste une question cruciale en Afrique australe et orientale, étant donné le rôle croissant que les semences OGM jouent dans la production sud-africaine (quelque 72 % de la production de la saison 2011/12).

Étroitement liée au débat sur les OGM, l’harmonisation des normes de produits dans le secteur céréalier représente une question clé. La divergence des normes de produits constitue en effet une barrière non tarifaire au commerce importante.

Selon les résultats d’une enquête sur le commerce transfrontalier menée par le Conseil céréalier d’Afrique de l’Est (EAGC), « des seuils de qualité élevés, une documentation requise fastidieuse et une corruption ouverte aux postes frontaliers officiels » bloquent systématiquement le mouvement des « produits alimentaires bon marché des zones excédentaires vers les régions déficitaires ».

Même quand toutes les exigences sont satisfaites, les négociants se plaignent des retards qui subsistent, malgré le fait que la CAE soit une union douanière. L’établissement et l’application de normes communes de sécurité et de qualité des aliments restent problématiques et continuent de représenter un obstacle majeur au commerce (voir article Agritrade «  Équilibrer la sécurité alimentaire et le commerce régional en Afrique or... », 31 mars 2012).

Dans ce contexte, des efforts sont poursuivis pour établir et mettre en œuvre des normes communes au niveau de la CAE et du Marché commun d’Afrique australe et de l’Est (COMESA), avec le défi imminent de l’harmonisation des normes au sein de l’Accord de libre-échange tripartite comprenant la CAE, le COMESA et la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

Des efforts sont en cours au niveau du COMESA afin :

  •       d’établir un système d’alerte précoce pour les céréales contaminées en vue de renforcer la sécurité des aliments et faciliter le commerce régional céréalier ;
  •       de favoriser l’établissement de systèmes nationaux mutuellement reconnus de certification donnant la garantie de la qualité.

En ce qui concerne les analyses pour la sécurité des aliments, des procédures harmonisées d’échantillonnage et de laboratoire sont nécessaires pour soutenir la reconnaissance mutuelle. Cependant, comme leur mise en œuvre reste de la responsabilité des États membres, les progrès sont inégaux et la vitesse à laquelle cette analyse harmonisée pourra être réalisée est incertaine.

Cette question n’est pas simplement technique. Elle comporte des aspects commerciaux importants. Des normes divergentes protègent et favorisent des intérêts nationaux différents. Dans ce contexte, une analyse de la Banque mondiale a mis en garde contre les normes obligatoires qui vont au-delà des questions SPS et de santé humaine de base, de telles normes pouvant entraîner des coûts élevés et exclure systématiquement les petits producteurs du commerce. L’analyse préconise l’établissement de normes de référence qui fournissent une base pour les transactions commerciales entre les vendeurs et les acheteurs (les questions SPS et de santé publique devant être traitées sur une base obligatoire à travers des règlements généraux). Si des mécanismes permettant de garantir l’application transparente des normes régionales de référence peuvent être établis, ces dernières représentent un moyen rentable de faire progresser le commerce.

Interdictions d’exportation, systèmes d’information de marché et investissement

Des questions apparaissent s’agissant de la durabilité de la place grandissante de la Zambie et du Malawi dans le commerce régional céréalier, étant donné le rôle joué par les intrants subventionnés par le gouvernement et par les programmes d’achats publics subventionnés. L’utilisation périodique d’interdictions d’exportation affaiblit également le développement de chaînes d’approvisionnement régionales et l’investissement dans la production commerciale de maïs, et n’apporte pas de bénéfice en matière de réduction des prix à la consommation pour autant (voir article Agritrade «  Les interdictions d’exportations agricoles affectent les agriculteurs », 20 mai 2012).

Les pratiques des gouvernements nationaux et l’utilisation d’interdictions d’exportation soulèvent également la question du potentiel d’une utilisation plus fréquente des outils basés sur le marché, afin de réguler les marchés nationaux et régionaux du maïs. Depuis la fin de l’année 2011, une attention croissante est portée à l’amélioration de la transparence sur les marchés du maïs en Afrique du Sud (voir entretien Agritrade avec Jannie de Villiers, «  Le secteur des céréales de l’Afrique du Sud : développements récent... », 9 juillet 2012). Des systèmes similaires visant à fournir des données transparentes sur la situation des marchés régionaux sont jugés nécessaires, l’EAGC lançant un certain nombre d’initiatives à cet égard (voir entretien Agritrade avec Gerald Masila, directeur exécutif de l’EAGC, «  Le secteur céréalier en Afrique de l’Est : développements récents et déf... », 12 août 2012). Cependant, selon M. Masila, « un des éléments essentiels d’un système commercial structuré est un cadre législatif approprié et des politiques claires pour l’ensemble de la chaîne de valeur ».

Si des systèmes régionaux d’information de marché précis et transparents pour les céréales pouvaient être établis à l’échelle de la région (par ex. à partir du réseau existant en Afrique de l’Est, le Regional Agricultural Trade Information Network), les pressions qui poussent à imposer des interdictions d’exportation « marche-arrêt » seraient réduites. Ces systèmes permettraient de renforcer le développement de chaînes d’approvisionnement régionales efficientes, en aidant à réduire les écarts de prix à travers la région et peut-être aussi à renforcer le pouvoir de négociation des producteurs primaires au sein des chaînes d’approvisionnement.

Améliorer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement

Les récents développements dans le secteur du blé dur en Éthiopie montrent les possibilités qui sont offertes pour renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement : un projet a été lancé afin de faciliter les négociations directes entre les coopératives de producteurs de blé dur et les transformateurs, dans le cadre d’un plan pour développer les capacités de production et de stockage. Fait significatif, à travers ce programme, on tente d’établir des systèmes locaux d’agriculture contractuelle pour des variétés de semences améliorées, afin de faciliter l’expansion de l’initiative.

Étant donné la préférence grandissante des consommateurs pour les produits à base de blé, il existe un potentiel considérable pour l’augmentation de la production locale de cette céréale. Des contrats étant négociés afin d’établir des prix de référence et des primes de qualité, cette initiative devrait aboutir à la construction d’une base commerciale solide pour l’expansion de la production locale de blé (voir article Agritrade «  Le renforcement des chaînes d’approvisionnement pourrait doper la produc... », 26 mai 2013).

Définir les limites à l’utilisation d’outils de politique commerciale

À la fin de l’année 2012, a émergé un débat sur le rôle de la protection tarifaire pour faciliter le rétablissement de la production de blé au Zimbabwe. Le président de l’Association des minotiers du Zimbabwe (GMAZ) a plaidé pour que les tarifs douaniers appliqués au blé soient revus afin de favoriser la production. En 2011, cependant, le pays ne produisait que 10 % de ses besoins de consommation.

Dans la Namibie voisine, où la production locale de blé couvre aussi une petite partie de la consommation nationale (18 %), des mesures commerciales saisonnières sont appliquées afin de permettre à la production locale d’être écoulée avant que les importations ne reprennent. Ces mesures sont en accord avec les dispositions de l’accord de l’Union douanière d’Afrique australe (SACU) et avec le cadre politique national des « produits contrôlés », qui est appliqué de manière transparente. Le droit de continuer à appliquer de telles mesures a été l’une des questions litigieuses des négociations de l’Accord de partenariat économique (APE) entre la SADC et l’UE.

Au Zimbabwe, cependant, on ne sait pas si les dispositions de sauvegarde bilatérales (article 21) de l’APE entre l’UE et l’Afrique orientale et australe (ESA) pourraient être appliquées en soutien au rétablissement de secteurs qui ont largement disparu. Des questions sont également soulevées vis-à-vis des engagements régionaux de politique commerciale au sein du COMESA et de la SADC.

Parvenir à un accord sur l’utilisation autorisée d’outils de politique commerciale dans le secteur céréalier donnera probablement lieu à autant de controverses que les négociations en cours sur les règles d’origine : au niveau de la SADC/du COMESA, une règle de 35 % d’ajout de valeur est appliquée si le grain de blé constitue environ 90 % de la valeur de la farine de blé (voir article Agritrade «  L’exemption des droits de douane sur la farine de blé au Zimbabwe remise... », 6 août 2012).

Développer des liens en amont

Des actions sont en cours à travers l’Afrique et ailleurs dans les pays ACP pour développer des liens en amont, depuis les secteurs de l’élevage et des produits alimentaires à valeur ajoutée jusqu’à la production locale de céréales. SABMiller, le deuxième plus gros brasseur au monde, projette d’utiliser des céréales produites localement dans le secteur de la bière en Zambie, en Ouganda, au Mozambique et plus récemment au Ghana. Alors que cette initiative fait partie intégrante de la stratégie de développement de marché de SABMiller, visant à attirer les consommateurs de bières artisanales vers le marché commercial, cette stratégie permet également de réduire les importations ainsi que d’encourager les liens en amont et les innovations technologiques (par ex. le développement d’unités de transformation de manioc mobiles pour opérer une transformation sur place). Ces innovations technologiques pourraient avoir des applications beaucoup plus larges (voir article Agritrade «  Développer les approvisionnements locaux de céréales pour les produits à... », 9 décembre 2012). Des initiatives similaires étant engagées à travers les pays ACP, une coopération pan-ACP est possible au plan technologique, mais également politique, afin de garantir la mise en œuvre rentable des stratégies de développement de liens en amont dans le secteur céréalier.

2.6       Développements dans les Caraïbes et le Pacifique

Production céréalière et développements récents dans les Caraïbes

Le maïs est cultivé pour la consommation locale dans la plupart des territoires au sein de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), les principaux producteurs étant Haïti (l’USDA a estimé sa production à 250 000 tonnes), le Belize (environ 45 000 tonnes), la République dominicaine (environ 40 000 tonnes), le Guyana (environ 5 000 tonnes) et la Jamaïque (environ 2 000 tonnes). Le maïs a été identifié comme étant une culture importante pour le renforcement de la sécurité alimentaire dans la région.

Des initiatives sont lancées pour doper la production de cette culture au Belize pour l’alimentation des volailles : des articles de presse avancent une expansion de 25 % de la surface cultivée en maïs en 2011. En plus du commerce existant avec la Jamaïque, en 2012, des échanges commerciaux ont été initiés entre le Belize et le Guyana, ce qui a encouragé des investissements supplémentaires dans la production de maïs.

Par ailleurs, la société Jamaican Broilers, en association avec le gouvernement jamaïcain, aurait lancé une initiative pour augmenter sa propre production de maïs. Cependant, des essais similaires ont été faits par le passé mais n’ont pas rencontré le succès escompté.

En 2012/13, en Jamaïque, un accord commercial entre Red Stripe et des agriculteurs a été établi pour cultiver du manioc et du sorgho et remplacer l’orge dans la production locale de bière. Cet accord s’appuie sur des initiatives analogues lancées par Diageo, les propriétaires de Red Stripe. Red Stripe espère remplacer entre 15 % et 20 % de son utilisation d’orge par du manioc et du sorgho d’ici à 2014, avec l’objectif d’atteindre 70 % d’ici à 2020.

À la Barbade, la société Barbados Agricultural Development and Marketing Corporation explore une série d’opportunités de marché afin d’augmenter la production de farine de manioc et son utilisation dans les produits locaux de la boulangerie. Des opportunités d’exportation des produits du manioc au Canada sont aussi actuellement étudiées.

Production céréalière et développements récents dans le Pacifique

Les pays du Pacifique restent dépendants des importations de céréales pour 90 % à 100 % de leur consommation, la production de manioc et de cultures similaires étant limitée. La tendance à long terme s’oriente vers une dépendance accrue envers les céréales importées pour la plupart des îles du Pacifique, en raison de la croissance de la population et des modes de consommation qui évoluent. Ainsi, les îles du Pacifique sont particulièrement exposées aux hausses des prix mondiaux des céréales, « avec un nombre croissant de familles vulnérables (…) ayant recours à l’agriculture, au jardinage et à la pêche de subsistance, lorsque que c’est possible de compléter l’alimentation et les revenus ». La réponse des gouvernements dans la plupart des pays semble « limitée au contrôle des prix et aux exemptions tarifaires ». L’UNICEF a appelé à une intervention politique davantage axée sur la production et ciblant les populations rurales pauvres. Cependant, de telles initiatives risquent de n’avoir qu’une action limitée sur le secteur céréalier, étant donné la prédominance de la production de racines et tubercules dans la plupart des îles du Pacifique.

3.         Implications pour les pays ACP

3.1       Le rôle de la politique tarifaire dans le développement du secteur céréalier

Les expériences et les débats actuels en Afrique suggèrent la nécessité d’adopter une approche plus nuancée concernant l’utilisation de tarifs douaniers en soutien au développement du secteur céréalier, qui serait similaire à celle de l’UE sur de nombreux aspects. Les niveaux des tarifs douaniers doivent être en accord d’une part avec les réalités de production actuelles et d’autre part avec le potentiel de production qui pourrait être viable commercialement. L’utilisation de mesures tarifaires et non tarifaires (telles que les restrictions d’importation ou les interdictions d’exportation) doit être prévisible et transparente si l’on veut encourager les investissements dans les exploitations, tout en contenant les augmentations de prix et en évitant les ruptures au sein des chaînes d’approvisionnement céréalières régionales. Cependant, une telle approche nécessite de se réserver des marges de manœuvre afin que l’exemple de l’UE d’un déploiement nuancé et flexible d’outils de politique commerciale en soutien au développement du secteur céréalier puisse être suivi.  

3.2       Renforcer les chaînes d’approvisionnement céréalières

Des initiatives sont lancées à travers l’Afrique pour renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement céréalières. Cela implique l’établissement de contacts plus directs entre producteurs et consommateurs finaux, afin de garantir des niveaux de paiement minimums prédéterminés et d’améliorer la qualité des céréales. L’objectif est de réduire les incertitudes liées aux prix pour les producteurs et d’encourager les investissements dans les exploitations.

Les initiatives de renforcement du fonctionnement des chaînes d’approvisionnement sembleraient être des compléments essentiels aux systèmes existants de subventionnement des intrants, qui ont relancé la production céréalière en Afrique.

Un examen comparé des expériences des différents systèmes pourrait aider à améliorer la formulation des politiques à travers les pays ACP. Un tel examen serait particulièrement utile dans le domaine du droit des contrats ainsi que des mécanismes pour une application effective des engagements contractuels – un problème particulier rencontré avec les contrats à terme conclus par les petits producteurs pour les produits alimentaires de base.

3.3       Améliorer les systèmes d’information de marché nationaux et régionaux

L’amélioration des systèmes nationaux et régionaux d’information de marché qui traitent de l’offre, de la demande et des tendances des prix pourrait favoriser le développement de chaînes d’approvisionnement régionales plus efficientes et renforcer l’autosuffisance régionale en céréales. Ces systèmes devraient alors être accompagnés de réformes politiques et institutionnelles pour faciliter le commerce, et de programmes ciblés d’investissement dans les infrastructures de transport et de stockage.

Cependant, il pourrait être difficile de coordonner et d’harmoniser les initiatives existantes. Ainsi, il serait utile d’examiner ces initiatives (non seulement celles dans le secteur céréalier, mais aussi les autres expériences pertinentes) afin de définir les meilleures pratiques dans le cadre de systèmes privés et publics, ainsi que la base sous-jacente à leur harmonisation.

3.4       S’attaquer à la question de l’harmonisation des normes

Selon l’analyse de la Banque mondiale, l’établissement de normes de référence pour faciliter le commerce de céréales opéré par le secteur privé pourrait être le moyen le moins coûteux d’harmonisation des normes dans le secteur. Il conviendrait cependant de construire ces normes à partir de règlements SPS et de sécurité des aliments obligatoires et harmonisés, et de renforcer les capacités de vérification et d’application des pays, puisque – en l’absence d’une confiance mutuelle – les gouvernements nationaux continueront probablement d’insister pour une vérification par les pays eux-mêmes de la mise en conformité avec les normes.

Dans ce contexte, il faut faire face à de sérieux défis pour construire et maintenir les capacités techniques des agences de vérification et d’application des normes, et les lacunes dans ce domaine compromettent la mise en œuvre par chaque pays des engagements de politique régionale. 

3.5       Évaluer les politiques de soutien à la construction de liens en amont dans le secteur céréalier

Au Nigeria et au Mozambique, des mesures gouvernementales ont été mises en place afin de favoriser les liens en amont, celles-ci allant de l’utilisation de tarifs douaniers plus élevés pour imposer l’introduction du manioc dans les farines au remboursement des droits d’accises aux transformateurs subventionnés, alors que des chaînes d’approvisionnement locales se développent. Il serait nécessaire de contrôler et d’évaluer l’efficacité relative de tels systèmes pour atteindre les objectifs annoncés, et de lancer un processus de partage des expériences et des innovations visant à réduire la dépendance à l’égard  des, marchés mondiaux, où les prix sont de plus en plus élevés et volatils.

Un dialogue pan-ACP sur les politiques relatives à l’introduction obligatoire de manioc dans les farines afin de réduire les factures des importations de blé pourrait aussi être utile.

3.6       Combler le fossé entre échanges commerciaux informels et formels

Comme l’expérience du Bénin le montre, le commerce informel est souvent en avance sur les ambitions en matière de commerce formel. Le défi à relever est, à partir du commerce transfrontalier informel existant, d’atteindre les objectifs nationaux de renforcement du commerce céréalier intrarégional. Un des points majeurs à régler concerne les nombreuses barrières au commerce transfrontalier qui augmentent les coûts, et qui existent dans de nombreuses régions ACP. Des initiatives telles que la Borderless Initiative en Afrique de l’Ouest, le programme du COMESA de « régime commercial simplifié » (qui comprend maintenant un service de messagerie par texto pour signaler les barrières au commerce transfrontalier) et les efforts du Conseil céréalier d’Afrique de l’Est représentent des avancées importantes à cet égard. Les progrès réalisés doivent faire l’objet d’un examen régulier des meilleures pratiques, afin que les bénéfices en résultant puissent être consolidés et reproduits dans les autres régions. 

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