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L’expérience de l’Afrique du Sud en matière de gestion de la politique commerciale du secteur de la volaille

04 septembre 2014

Le secteur de la volaille de l’Afrique du Sud

La consommation de viande de volaille en Afrique du Sud a augmenté de 70 % entre 2000 et 2010, entraînant un taux de croissance moyen de la production de volaille sud-africaine de 6 % par an entre 2004 et 2008. Toutefois, en 2013, la croissance de la production de volaille a chuté à 1,6 % par an à peine, la hausse des prix du maïs renchérissant les coûts de production et le ralentissement économique freinant la croissance de la consommation (à 4 % en 2012 et 3 % en 2013).

Cette baisse des taux de croissance de la production de volaille, liée à la hausse des coûts et à un ralentissement de la croissance de la consommation, a été aggravée par la hausse des importations de volaille, qui ont progressé de 32 % entre 2010 et 2011, et de 13,2 % supplémentaires entre 2011 et 2012 et d’environ 7,3 % en 2013. En 2013, les importations totales de viande de volaille devaient atteindre 28 % de la production sud-africaine, un volume supérieur à la production du plus grand producteur de volaille sud-africain.

À partir de 2011, ceci a incité le gouvernement sud-africain à réexaminer sa politique commerciale du secteur de la volaille, qui était quelque peu décousue dans sa conception.

Développements récents de la politique commerciale sud-africaine du secteur de la volaille

  • Mesures anti-dumping de longue date imposées aux produits américains

Depuis 2000, le gouvernement sud-africain applique des droits anti-dumping contre les importations de volaille non désossée en provenance des États-Unis. Les exportateurs américains prétendaient que cela constituait un traitement inéquitable, puisque des mesures similaires n’étaient pas appliquées aux importations de produits de la volaille similaires du Brésil et de l’UE. Plus récemment, les exportateurs de volaille américains ont commencé à faire pression sur le Congrès américain pour conditionner l’accès continu de l’Afrique du Sud aux préférences de la loi AGOA au retrait des mesures de protection « injustement ciblées » dans les secteurs de la volaille, du bœuf et du porc 1.

Face au lobbying des entreprises aux États-Unis, le ministre sud-africain du commerce et de l’industrie, tout en exprimant sa pleine satisfaction avec l’accord AGOA actuel, a récemment indiqué la volonté du gouvernement sud-africain d’envisager de donner à certains producteurs américains le même accès au marché local que l’UE, « si c’est ce qu’il en coûte » pour maintenir l’accès de l’AGOA aux exportations sud-africaines.

  • Introduction de mesures de sauvegarde contre les importations de volaille brésilienne

Jusqu’en 2011, le Brésil exportait environ 166 000 tonnes de volaille vers l’Afrique du Sud par an : cela représentait 73 % des importations de volaille d’Afrique du Sud – les importations brésiliennes ont augmenté de 8 % rien qu’en 2011. Pour aborder ce problème, au début de 2012, le gouvernement sud-africain a introduit à titre provisoire des droits supplémentaires de 62,93 % et 46,59 % respectivement sur les importations de volailles entières et de morceaux désossés en provenance du Brésil (les droits standard sont de 5 % et 27 % respectivement). Cette mesure a été introduite sur la base d’une recommandation provisoire de l’International Trade Administration Commission (ITAC) d’Afrique du Sud suite à son enquête sur les allégations de dumping de volaille brésilienne (voir article Agritrade «  L’utilisation des instruments politiques pour protéger les secteurs de l... », 13 janvier 2013).

L’imposition de droits anti-dumping a mené à des protestations immédiates de la part des exportateurs brésiliens, qui prétendent que l’Association sud-africaine de la volaille (SAPA) « a surestimé grossièrement les statistiques officielles des importations » quand elle a déposé sa demande pour l’imposition de droits anti-dumping (voir article Agritrade «  Les États-Unis appelés à rejoindre le Brésil dans sa contestation à l’OM... », 12 août 2012). Le Brésil a ainsi porté plainte contre les droits anti-dumping sud-africains à l’OMC.

Dans le courant de 2012, il est devenu évident que, dans l’ensemble, les droits anti-dumping imposés à la volaille brésilienne n’avaient pas l’effet escompté, la pénétration étrangère du secteur de la volaille d’Afrique du Sud se poursuivant inexorablement. Dans ce contexte, le ministre du commerce et de l’industrie d’Afrique du Sud n’a pas confirmé la détermination finale de l’ITAC et a recherché une stratégie plus complète pour gérer le problème des importations de morceaux de volaille. La stratégie mettait l’accent sur la possibilité d’augmenter les droits de douane généraux sur la volaille au sein des plafonds consolidés de l’OMC, évitant ainsi la nécessité d’appliquer des droits anti-dumping spécifiques. Ceci reflétait l’accent plus général de la politique gouvernementale mis sur l’application d’une politique tarifaire plus sophistiquée et transparente à l’appui des objectifs de développement industriel.

  • Évolution vers une approche plus complète

À la fin septembre 2013, après un rapport et des recommandations de l’ITAC, le gouvernement sud-africain a augmenté les droits d’importation au sein des plafonds consolidés pour cinq produits de la volaille. En déterminant les hausses tarifaires, un effort conscient a été consenti pour trouver un équilibre entre les intérêts des producteurs de volaille nationaux et les besoins de consommation des ménages pauvres. Les droits de douane ont été augmentés sur la plupart des produits consommés par les ménages à plus haut revenu. Les produits de la volaille consommés par les ménages pauvres étaient sujets à des augmentations tarifaires relativement faibles, tandis que les morceaux non désossés, qui représentaient 70 % des ventes de volaille au niveau national et 54 % des importations en 2012, étaient sujets à un droit ad valorem plutôt qu’à un droit spécifique.

Ces droits de douane accrus sont entrés en vigueur au 1er octobre 2013 et étaient applicables à toutes les importations de volaille, à l’exception de celles en provenance de l’UE. L’exception de l’UE est due aux engagements consentis dans le cadre de l’Accord sur le commerce, le développement et la coopération (ACDC) UE-Afrique du Sud. Il s’agissait d’un motif de préoccupation majeur pour l’industrie de la volaille d’Afrique du Sud – à partir de 2009, l’UE était devenue une source de plus en plus importante de morceaux de volaille. En effet, à la fin 2012, l’UE comptait pour 69 % des importations de morceaux de volaille, une catégorie qui représentait pas moins de 54 % des importations totales de volaille.

Changements tarifaires sur la volaille sud-africaine

Ligne tarifaire Produit Part des importations (%) Droit de douane existant  (%) Droit de douane recommandé (%)
0207.1.90 Volaille entière 1 27 82 (taux consolidé)
0207.14.10 Morceaux désossés 11 5 12
0207.14.90 Morceaux non désossés 54

18

(220 cents de rand/kg)

37
0207.14.20 Abats 5 27 30
0207.12.20 Carcasses 2 27 31

Source : ITAC, « Increases in the rates of customs duty on frozen meat of fowls of the species Gallus Domesticus: Whole bird, boneless cuts, bone-in portions, carcasses and offal » ; et «Media statement by the Department of Trade and Industry on tariff increases with respect to certain poultry products ».

Le problème spécifique de l’UE et l’utilisation des dispositions anti-dumping bilatérales

Entre 2009 et 2012, les exportations de volaille de l’UE vers l’Afrique du Sud sont passées d’à peine 7 938 tonnes à 131 970 tonnes, l’Afrique du Sud absorbant à elle seule 30 % de l’expansion des exportations de volaille de l’UE survenue entre 2009 et 2012.

Les importations de viande de volaille en provenance des trois principaux exportateurs de l’UE – les Pays-Bas (14 %), l’Allemagne (6 %) et le Royaume-Uni (6 %) – ont atteint 26 % des importations totales en 2012, contre à peine 3 % en 2010. Ces pays comptent pour 60 % des importations de morceaux non désossés congelés, qui représentent 40 % des importations totales de viande de volaille. La SAPA a affirmé que « dans les trois années à compter de 2010, l’UE est passée d’une part de marché de 0,5 % pour les morceaux de volaille à 70 % » (voir article Agritrade «  Les problèmes du secteur de la volaille sud-africain aggravés par la hau... », 15 avril 2013). En 2012, les exportations de viande de volaille de l’UE vers l’Afrique du Sud étaient équivalentes à 9,5 % de la production de volaille intérieure sud-africaine.

Exportations de viande de volaille de l’UE vers l’Afrique du Sud et le monde, 2009-2012 (en tonnes)

  2009 2010 2011 2012
Afrique du Sud 7 938 22 006 94 076 131 970
Exportations mondiales totales de l’UE 1 015 784 1 354 610 1 412 110 1 430 658

Source : Commission européenne, « EU market situation for eggs and poultry advisory group », 25 mars 2014, http://ec.europa.eu/agriculture/consultations/advisory-groups/poultry-eg....

Cet essor des exportations de volaille de l’UE traduisait la croissance continue de la production de volaille de l’UE (malgré une légère baisse de la consommation dans l’UE due au ralentissement économique) et la poursuite de stratégies actives de promotion des exportations ciblant les marchés africains (voir article Agritrade «  Développements et perspectives du secteur de la volaille de l’UE », 22 avril 2013).

Il reflétait également le fait que les producteurs de volaille de l’UE sont en mesure de répercuter les hausses des coûts de l’alimentation animale sur les consommateurs nationaux sans craindre de perdre des parts de marché au profit des importations, étant donné le fonctionnement du régime d’importation du secteur de la volaille de l’UE. Cela signifie que les exportateurs européens de viande de volaille ne sont pas affectés par la hausse des coûts de l’alimentation animale, qui peut avoir un impact substantiel sur la compétitivité des prix des producteurs nationaux dans des pays tels que l’Afrique du Sud (où pendant cette période, à un moment, les prix ont augmenté de pas moins de 50 %, ceci ayant des implications importantes en termes de coûts pour les producteurs locaux de volaille).

Dans le cas spécifique de l’Afrique du Sud, les dispositions de l’ACDC protégeaient également les exportateurs de l’UE de toute évolution vers des niveaux accrus de protection tarifaire, les exportateurs de l’UE bénéficiant de préférences sur quatre positions tarifaires à 8 chiffres pour la volaille fraîche, réfrigérée et congelée, et quatre positions tarifaires à 8 chiffres pour la volaille préparée (voir article Agritrade «  L’Afrique du Sud désamorce le conflit à l’OMC sur la volaille brésilienne », 18 février 2013).

Il a été reconnu qu’au vu des engagements consentis au titre de l’ACDC Afrique du Sud-UE des mesures autres que les hausses tarifaires de droits de la nation la plus favorisée (NPF) seraient nécessaires pour gérer les volumes accrus d’importations de volaille en provenance de l’UE.

Cette reconnaissance a conduit l’ITAC à lancer une enquête anti-dumping contre les exportations spécifiques de morceaux de volaille congelée en provenance d’Allemagne, des Pays-Bas et du Royaume-Uni. La SAPA avait « appliqué des droits anti-dumping de 91 % aux producteurs et importateurs d’Allemagne et des Pays-Bas, et de 58 % aux producteurs et importateurs du Royaume-Uni » 2. Au début de juillet 2014, l’ITAC a recommandé l’application provisoire de droits anti-dumping de 22 à 73 %. Plus précisément :

  • « des droits anti-dumping de 31,3 % appliqués à Wiesenhof, d’Allemagne, et de 73,3 % aux autres importateurs allemands » de morceaux non désossés congelés ;
  • « des droits préliminaires de 22,8 % » sur toutes les importations de morceaux non désossés congelés en provenance des Pays-Bas (excepté Frisia) ;
  • un droit de douane de 22 % sur les importations de morceaux non désossés congelés en provenance du Royaume-Uni.

Ces droits ont été dûment imposés et resteront en vigueur jusqu’au 2 janvier 2015. En attendant, les parties concernées peuvent faire des soumissions supplémentaires avant que la décision finale ne soit rendue 3. En outre, l’ITAC a déclaré que « les entreprises ayant fourni des informations insuffisantes lors de la première partie de l’enquête de l’ITAC auront deux semaines à compter de vendredi pour soumettre les informations pertinentes ». Ces nouveaux droits anti-dumping ont affecté les entreprises dans les États membres de l’UE qui fournissaient quelque 101 581 tonnes de volaille congelée en 2012.

Ces mesures ont été introduites dans le cadre des mesures anti-dumping et compensatoires de l’Accord de commerce, de développement et de coopération (ACDC) UE-Afrique du Sud de 2000. Les dispositions sont consacrées à l’article 23 et réitèrent largement les engagements à l’OMC.

Dans le cadre de l’ACDC, les accords de règlement des différends sont définis à l’article 104. Cet article dispose que « tout différend relatif à l’application ou l’interprétation de cet accord » peut être porté devant le Conseil de coopération, lequel « peut régler le différend par voie de décision ».

Le Conseil de coopération a été créé en vertu de l’article 97, son mandat consistant à élaborer des procédures spécifiques, parmi lesquelles des méthodes appropriées pour « prévenir les problèmes qui pourraient se poser dans les domaines couverts par l’accord ». Toutefois, le Conseil de coopération n’a pas été établi comme un forum ayant pour vocation de statuer en dernier ressort sur l’application correcte des règles et engagements de l’OMC sur lesquels les dispositions en matière de mesures anti-dumping et compensatoires de l’article 23 sont basées. En effet, d’après l’analyse du Trade Law Centre d’Afrique du Sud (Tralac), « la relation entre la législation de l’OMC et l’ACDC n’est pas expliquée dans le contexte de l’application des recours commerciaux ». Le Conseil de coopération est un organe consultatif, et non décisionnel, les parties conservant « le droit de porter les litiges relatifs à l’exactitude des mesures anti-dumping devant l’organe de règlement des différends de l’OMC » 4.

Il convient également de noter que, dans ce contexte, les dispositions de l’ACDC n’affectent nullement les droits de chacune des parties à porter les différends commerciaux à l’OMC.

L’issue des efforts de l’Afrique du Sud invoquant des dispositions anti-dumping au titre de son accord commercial bilatéral avec l’UE revêt un intérêt considérable pour d’autres gouvernements ACP, étant donné la mise en œuvre imminente ou en cours d’accords de partenariat économique (APE) par les gouvernements ACP.

Enseignements tirés de l’expérience sud-africaine

Le premier enseignement tiré de l’expérience sud-africaine est la nécessité d’utiliser activement la politique tarifaire pour éviter les perturbations du marché découlant du commerce de morceaux de volaille résiduels, qui ont peu ou aucune valeur économique dans les marchés de l’OCDE.

Toutefois, il convient d’envisager cela dans le contexte de la demande croissante des consommateurs pour des sources de protéines bon marché dans de nombreux pays en développement, ce qui soulève le problème de la conciliation des intérêts des consommateurs et des producteurs.

Le deuxième enseignement a par conséquent trait à l’application de droits de douane différenciés pour essayer de résoudre la quadrature du cercle des intérêts concurrents des consommateurs et des producteurs, en tentant de faire plein usage des plafonds tarifaires consolidés.

Le troisième enseignement concerne la possibilité d’utiliser les mesures anti-dumping et compensatoires dans le cadre des accords commerciaux bilatéraux, le commerce de morceaux de volaille résiduels se faisant à des niveaux de prix qui relèvent du dumping. L’action sud-africaine montre que cela est possible, mais on ne peut encore se prononcer sur son efficacité à long terme, étant donné la perspective que l’UE puisse contester ces mesures anti-dumping, que ce soit au Conseil de coopération de l’ACDC ou, si nécessaire, à l’OMC. Il convient de garder à l’esprit que, dans le cadre de la plupart des accords commerciaux bilatéraux de l’UE, les dispositions de règlement des différends ne limitent nullement les droits de chacune des parties à porter les litiges relatifs à l’exactitude des mesures anti-dumping devant l’organe de règlement des différends de l’OMC.

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