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La Côte d'Ivoire, tête de pont vers le marché régional du chocolat

08 mars 2014

Un entretien avec Patrick Poirrier, PDG de Cémoi

Troisième génération aux commandes du chocolatier français Cémoi (CA de €780 millions) implanté à Perpignan, Patrick Poirrier, 43 ans, a lancé la filiale en Côte d'Ivoire et l'a dirigée avant de prendre la direction du groupe en France. 

Le groupe chocolatier français Cémoi se lance dans la fabrication en Côte d'Ivoire de chocolat destiné au marché national puis régional, limitant au maximum ses importations de matières premières et en développant des produits adaptés au pouvoir d'achat de la consommation locale.  Les APE ne l'inquiètent guère, selon son PDG, Patrick Poirrier, car le groupe sera à terme impliqué à l'import qu'en production locale et à l’export.

Q : Sur les marchés internationaux, la demande en produits cacao et chocolats de meilleure qualité est croissante. Comment votre projet de construction d'une chocolaterie en Côte d'Ivoire et le lancement de la gamme de produits Akwaba s'intègrent-t-ils dans cette préoccupation ?

Depuis 1996 Cémoi est implantée en Côte d'Ivoire dans la première transformation du cacao et dans le développement durable de la cacaoculture. Aujourd'hui, nous avons 17 centres de fermentation et travaillons avec les coopératives pour assurer une bonne fermentation et un bon séchage de leur cacao dans le cadre d'une politique qualité gagnant-gagnant. Car aujourd'hui la Côte d'Ivoire est connue pour son cacao de structure qui est présent dans tous les chocolats. Mais, à Cémoi, nous voulons développer un cacao premium de Côte d'Ivoire, mettant en avant l'origine Côte d'Ivoire. Les consommateurs européens auraient besoin d'une qualité supérieure d'un cacao Côte d'Ivoire.

Q : Pourquoi maintenant ?

Cela fait déjà très longtemps que nous travaillons avec les coopératives sur le développement durable de la cacaoculture. L'enjeu est très important car la demande mondiale en cacao progresse tous les ans et la production doit y répondre. Donc ce programme de développement durable, on appuie aussi le développement de la productivité car si la Côte d'Ivoire a un rendement moyen de 300 à 400 kg/ha, aujourd'hui, sur nos parcelles pilotes, on parvient à une tonne/hectare. Le cacaoculteur peut développer sa rentabilité en augmentant ses rendements.

Q : Actuellement, au lieu de miser sur l'export, vous visez le produit fini consommé par le consommateur ivorien. Pourquoi ?

Aujourd'hui, parmi les marchés en croissance se trouve l'Indonésie où certains producteurs fabriquent des produits chocolats qui sont adaptés aux modes de consommation,  au climat et au pouvoir d'achat local. A Cémoi, nous nous sommes dits qu'il était dommage que la population ivoirienne – premier producteur de cacao au monde – mais aussi celle d'Afrique de l'Ouest n'aient pas accès aussi à des produits chocolats de qualité.

Nous avons démarré notre projet  avec un marché test en important des produits adaptés comme la pâte à tartiner et la poudre de chocolat qui résistent à la température. Car la  chaleur est un des premiers freins à la consommation de chocolat car, hormis Abidjan, le réseau de distribution de température dirigée, c'est-à-dire l'existence de rayons frais dans les magasins de détail, en Côte d'Ivoire n'est pas très répandu. Ensuite, on a importé des mini tablettes de chocolat, de 40 gr, qui permettent à une plus grande partie de la population d'accéder au chocolat pur beurre de cacao.

Q : Vous importez donc ces produits de France pour tester le marché ivoirien ?

Exactement. Nous voulions tester ce marché avec des produits de qualité pour bien montrer que ce n'est pas parce qu'on est sur un marché où le pouvoir d'achat est plus faible qu'en Europe qu'on va sacrifier la qualité des produits.

Maintenant, nous entrons dans la deuxième phase qui est une phase d'investissement de plus de FCFA 4 milliards dans une chocolaterie qui sera sur notre site de Yopougon. Car nous pensons qu'il faut aller chercher la croissance là où elle est. Et sur la zone Afrique de l'Ouest, la croissance du PIB est de 7 à 8 %.

Notre idée est de vraiment faire de la Côte d'Ivoire notre tête de pont à partir de laquelle, à terme, nous pourrons nous développer en terme de commercialisation sur toute l'Afrique de l'Ouest. Car la croissance de la population y est très forte et on voit bien qu'aujourd'hui le chocolat est un produit plaisir universel. Vous avez dans le monde des pays qui consomment du thé ou du café selon leurs cultures; aujourd'hui, il n'y a pas un pays dans le monde où quelqu'un vous dira qu'il n'aime pas le chocolat. Lorsque nous allons voir les planteurs en Côte d'Ivoire, nous leur apportons toujours du chocolat pour leur faire déguster le fruit de leur travail.

Q : Que représente aujourd'hui le marché du chocolat en Afrique de l'Ouest ?

Il n'existe pas de chiffres précis. Notre marché test était d'un an et portait sur plusieurs centaines de tonnes de produits chocolat. Mais nous n'avons pas encore exploré tous les réseaux de distribution. Nous comparons aussi avec d'autres types de produits et on voit bien que le marché est en croissance, ne serait-ce que par l'importante croissance démographique; nous avons aussi un très bon retour par rapport à la qualité des produits proposés. Donc nous allons démarrer progressivement avec pour base ce qui a été importé pour le marché test.

Q : Craignez-vous la concurrence des chocolats importés, notamment avec la perspective d'un marché très ouvert, suite à la signature possible d’un APE UE-CEDEAO ?

Nous sommes déjà sur ce marché de produits importés : si on regarde les linéaires des magasins à Abidjan, vous trouverez beaucoup de produits Cémoi. Donc nous sommes sur des positions tout à fait complémentaires : d'une part, des produits importés, très variés, mais qui ne sont accessibles qu'à une faible partie de la population qui peut acheter ces produits de toute façon; d'autre part, nous allons chercher un marché de consommation de masse avec des plus petits conditionnements adaptés au pouvoir d'achat de la consommation locale.

Q : Pour fabriquer vos produits finis en Côte d'Ivoire, aurez-vous recours aux importations ?

Nous allons essayer de travailler sur une production la plus locale possible, notamment avec du sucre ivoirien, ce qui permettra de valoriser cette filière. Deux sociétés produisent du sucre en Côte d'Ivoire donc c'est un des points intéressants. On va essayer de travailler aussi sur des productions de packaging local.

Q : Mais si vous êtes obligés d'importer  davantage, des pays voisins, d'Europe ou d'ailleurs, est-ce facile aujourd'hui en Côte d'Ivoire ?

Aujourd'hui, beaucoup d'emballages restent à importer, notamment les emballages plastiques imprimés. Mais avec la croissance locale de la consommation, il y aura des évolutions. Car nous ne sommes pas seuls à rechercher ce type d'emballage. Par exemple, les bouillons ne sont plus en cubes mais en poudre, ce qui nécessite aussi des emballages plastiques. Nous allons aussi essayer d'atteindre une taille critique afin que, localement, un fournisseur puisse venir s'implanter.

Donc c'est la marche en avant, normale, d'une économie vers davantage de production locale car le marché local se développe et on s'adapte à ce marché.

Q : Où en êtes-vous de votre projet d'exportation de chocolats de Côte d'Ivoire vers 16 autres pays en Afrique ?

C'est notre objectif à terme et cela va dimensionner notre outil de production. Mais ces deux prochaines années, nous allons nous concentrer sur la phase Côte d'Ivoire qui est vraiment notre tête de pont.

Q : Souhaitez-vous vous étendre sur la seule Cedeao ou aussi sur l'Afrique centrale ?

Nous sommes plutôt sur la Cedeao  car nous avons tout de même une zone économique qui est bien balisée, avec des droits de douane préférentiels entre pays de la zone. Mais nous restons ouverts car l'ensemble de la zone est très dynamique.

Q : Au niveau réglementation, tracasseries administratives, hétérogénéité des goûts, l'opération n'est-elle pas compliquée ?

La Cedeao est déjà une bonne unité commerciale et économique sur laquelle nous pourrons nous concentrer. C'est une zone préférentielle en terme de circulation des biens et des personnes et, le  développement économique aidant, cette zone de libre échange deviendra encore plus fluide qu'elle ne l'est aujourd'hui : car il existe encore des tarifs entre les pays bien qu'on soit dans une zone économique. Mais il faut être pionnier, il faut pouvoir se projeter d'abord sur le marché ivoirien puis celui de la sous-région avant d'aller chercher d'autres marchés.

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