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Les procédures de règlement des différends posent de sérieux problèmes aux exportateurs d'agrumes sud-africains

16 novembre 2013

Un entretien avec Justin Chadwick, PDG de l’Association des producteurs d’agrumes d’Afrique australe

Justin Chadwick is est président directeur général de l’Association des producteurs d’agrumes de l’Afrique australe (CGA). 

Q : En septembre 2013, après consultation avec les acteurs de l’industrie des agrumes, la décision a été prise en Afrique du Sud de réduire les exportations d’agrumes en provenance de régions où la maladie des tâches noires des agrumes (CBS) avait été détectée. Quel impact économique cette mesure devrait-elle avoir sur le secteur sud-africain des agrumes ?

Quelque 40 000 tonnes d’oranges vont désormais devoir être  détournées vers des marchés alternatifs non-UE. Étant donné que les prix des oranges dans l’UE étaient très bons au moment de la décision de restreindre les exportations, il y aura sans aucun doute des pertes  dues aux prix inférieurs sur les marchés alternatifs. On ne sait pas quel sera le niveau de pertes subies.

Q : Depuis longtemps, la CGA est réservée quant aux bases scientifiques induisant des contrôles européens plus stricts du CBS – pourriez-vous nous expliquer les bases scientifiques de ces réserves ?

La position sud-africaine est très clairement expliquée dans une réponse internationale à l’évaluation du risque sanitaire de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA). La réponse est accessible sur le site web Citrus Research International, sous l’onglet Market Access

En substance, la position sud-africaine est que le fruit n’est pas un vecteur de transmission de la maladie et que les conditions climatiques dans l’UE ne sont pas favorables à l’établissement de la maladie des taches noires.

Q : Il semble y avoir des différences entre les approches des autorités  européennes et américaines en matière de contrôle du CBS. Pourriez-vous expliquer ces différences ?

Jusqu’à cette année, seules les régions reconnues comme exemptes de parasites (PFA) pouvaient exporter des agrumes vers les États-Unis, rendant, de fait, les exigences américaines plus restrictives. Avec l’apparition du CBS en Floride, cela a changé – l’Uruguay obtenant l’accès aux États-Unis. 

Dans les grandes lignes, la directive 2000/29/EC de l’UE a établi quatre moyens d’accéder à l’UE pour des pays infectés par le CBS. Les pays reconnus comme exempts de parasites et les régions exemptes de parasites sont deux de ces moyens. Le troisième est qu’il n’y ait pas eu de CBS dans les vergers depuis la dernière récolte. Le quatrième, qui est utilisé par l’Afrique du Sud en dehors  des PFA, est que le verger ait reçu un traitement adapté et qu’aucun fruit porteur de symptômes de CBS n’ait été récolté dans ce verger.  

Q : La Commission européenne ayant souligné les bénéfices de l’harmonisation des normes pour les pays tiers, quel type d’harmonisation souhaiteriez-vous entre les normes américaines et européennes en matières de contrôle du CBS ?

Je ne crois pas que les normes puissent être harmonisées. Actuellement, l’Afrique du Sud a accès aux États-Unis depuis les régions exemptes de CBS. L’Afrique du Sud a demandé l’accès pour le reste du pays sur une base équivalente aux règlementations domestiques. L’Uruguay dispose d’un accès sur cette base, et il n’y a aucune raison de penser que l’Afrique du Sud n’obtiendra pas l’accès sur la même base.

Pour l’UE, nous espérons que le processus d’évaluation du risque sanitaire débouchera sur une révision de la directive et le retrait du CBS comme organisme de quarantaine.

Q : L’Afrique du Sud a porté le cas de son différend avec l’UE sur le CBS auprès de la Convention internationale pour la protection des végétaux  (CIPV). Qu’attendez-vous du processus de la CIPV ?

Nous avons été terriblement frustrés par le processus de la CIPV. L’Afrique du Sud a déposé sa première requête officielle pour que le différend soit examiné par le secrétariat de la CIPV en 2010. Pendant deux ans, ils n’ont rien fait. Durant cette période, l’UE a intensifié ses mesures jusqu’à la quasi fermeture de son marché. Ce n’est que lorsque nous avons reçu un courrier en octobre 2012 – menaçant d’une action suite à cinq interceptions – que le secrétariat de la CIPV a fini par appeler à une consultation.

Nous souhaitions faire sans consultation (car la question était source de différend depuis 1992) et former directement un groupe d’experts. L’UE souhaitait une consultation.

Pour aller vers la création d’un groupe d’expert, selon les règles de la CIPV, les deux parties doivent être d’accord. L’UE n’a pas voulu de la création un groupe d’experts lors de la consultation qui a eu lieu en février 2013. Au lieu de cela, ils se sont engagés à faire une évaluation du risque sanitaire (près de vingt ans après que leur mesure ait pris effet). Le ministère sud-africain de l’Agriculture, des Forêts et des Pêches a accepté d’attendre jusqu’à ce que l’évaluation des risques sanitaires soit achevée. Initialement, cela devait être réalisé pour fin juillet 2013. Puis l’UE a ajouté une autre étape – produisant une évaluation intermédiaire et acceptant des commentaires sur ce projet. Des chercheurs du monde entier – Brésil Uruguay, Argentine, Australie, Afrique du Sud et États-Unis – ont produit une réponse consolidée. La réponse scientifique représentait plus de 600 ans d’expérience de recherche sur les agrumes – et la conclusion à laquelle elle aboutissait était qu’il n’y avait pas de risque que la maladie des taches noires s’établisse en Europe.

L’EFSA rédige maintenant le projet final d’évaluation du risque sanitaire – s’ils prennent dûment en compte les apports internationaux, il devrait y avoir une révision des mesures européennes sur la maladie des taches noires. Dans le cas contraire, ce sera le statu quo (ou des mesures additionnelles) qui perdurera. Si cela devait être le cas, l’Afrique du Sud approcherait de nouveau le Secrétariat de la CIPV pour passer à l’étape suivante de résolution des différends, soit la formation d’un groupe d’experts.

Nous avons deux problèmes avec la CIPV et son secrétariat.

Premièrement, ils ne travaillent pas particulièrement bien. Comment peuvent-ils laisser une demande sans réponse pendant deux ans alors que le commerce est perturbé, voire quasiment interrompu ? Ils sont le bras technique de l’OMC pour les produits végétaux – car où une question technique peut-elle être traitée sinon chez eux ? Quoiqu’il en soit, la résolution des différends à l’OMC est beaucoup plus couteuse – probablement pas à la portée des petits pays – et beaucoup plus conflictuelle.

Deuxièmement, la règle selon laquelle les deux parties doivent s’entendre pour former un groupe d’experts n’a pas de sens. Si deux pays ne peuvent pas s’entendre sur une question, comment vont-ils soudain parvenir à un accord sur la formation d’un groupe ? L’UE a laissé  la question en suspens depuis des années, et nous n’avons toujours pas d’issue en vue – avec de considérables distorsions au commerce, coûts et une incertitude permanente.

Q : Pensez-vous qu’il faille renforcer les structures de consultation internationale autour du règlement des différends SPS et de sécurité des aliments ?

Tout à fait. Sinon, beaucoup diront que les financements de la CIPV proviennent principalement de l’UE ; d’où leurs réticences à avancer sur notre problème de CBS. Donc, les structures doivent être indépendantes. Chaque fois que nous nous sommes inquiétés de la lenteur de la réponse de la CIPV, le Secrétariat a évoqué des contraintes de capacité. Étant donné que la plupart des barrières au commerce sont désormais techniques, la CIPV va devoir renforcer considérablement ses capacités, si elle veut pouvoir statuer. Mais … il faut aussi une révision de la gestion et la culture de la CIPV, pour en faire un organe d’arbitrage véritablement indépendant, basé sur la science.

Q : Comment souhaiteriez-vous voir évoluer les mécanismes internationaux de règlement des différends SPS et de sécurité des aliments ?

Pour la sécurité des aliments, la question de l’harmonisation des normes est pertinente – nous avons besoin d’un ensemble de normes qui détermine si un aliment est sûr ou non (comme le CODEX pour les limites maximales de résidus – LMR). L’utilisation de pourcentages de niveaux de sécurité n’a aucun sens – ce sont surtout les distributeurs allemands qui l’utilisent. Soit les aliments sont sûrs, soit ils ne le sont pas – 20 % d’un niveau de sécurité d’une LMR ne le rend pas plus sûr.

Pour les question phytosanitaires, c’est un peu plus complexe. Le climat, etc. joue un rôle. Cependant, les traitements d’atténuation devraient être standardisés. Un exemple, au Japon, est le cas de la mouche du fruit – une mouche du fruit avec un passeport israélien requiert un traitement à 1° C pendant 16 jours, tandis que la mouche du fruit avec un passeport sud-africain doit subir un traitement de 12 jours à - 0,6° C. L’Afrique du Sud doit passer par tous les échanges techniques et recherches pour prouver la même efficacité – c’est un gaspillage de ressources et cela va contre le principe d’équivalence.

Lorsqu’il y a un différend sur la science (et, soyons honnête, les scientifiques peuvent faire dire différentes choses à des données et résultats), alors il faut un organisme solide, fiable, non partisan qui règle les différends. Des délais stricts doivent être imposés pour la procédure, et les deux parties doivent être obligées de suivre le processus. Si cela n’est pas fait, alors signer la CIPV est une perte de temps, le commerce n’est pas encouragé et nous pourrions aussi parfaitement protéger nos industries domestiques en simulant de fausses menaces SPS.

J’aimerais ajouter quelque chose. La CGA n’a aucun problème avec le fait que les acteurs des agrumes dans l’UE s’assurent que leur industrie soit protégée de menaces réelles.  Et ils perçoivent le CBS comme une menace réelle. Pourquoi ? Parce qu’il existe une mesure – et s’il y a une mesure, alors il doit y avoir un risque, n’est-ce pas ? – Et bien c’est faux. Car lorsque la mesure a été introduite, aucune évaluation du risque n’a été faite !

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