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Note de synthèse - mise à jour 2013 : Secteur laitier

17 décembre 2013

1.         Contexte et principaux enjeux

Dans de nombreux pays ACP, le secteur laitier peut potentiellement apporter une contribution majeure au développement rural et à l’allègement de la pauvreté. La croissance des revenus, l’urbanisation rapide et l’innovation technologique dans le secteur laitier transforment la structure de la demande de produits laitiers. Dans certaines régions ACP, l’offre de produits laitiers augmente du fait des changements de politiques qui ont encouragé les nouveaux arrivants et soutenu des améliorations dans l’élevage de vaches laitières. Ceci crée de nouvelles opportunités aussi bien pour le développement du secteur laitier local que des laiteries européennes.

Le développement du secteur laitier ne requérant pas nécessairement des approvisionnements laitiers locaux, le développement de la production laitière locale pour répondre à la demande croissante n’est qu’une des options politiques : une autre option politique consiste à utiliser du lait importé.

Des problèmes particuliers se posent lorsque de grands producteurs jouent un rôle dominant au niveau régional (par ex. l’Afrique du Sud dans la région d’Afrique australe et le Kenya en Afrique orientale). Ces défis politiques sont accentués par :

  • la globalisation croissante des opérations des laiteries, liée à la structure changeante de la demande mondiale et de la production laitière ;
  • le développement du commerce mondial de produits laitiers, en particulier de lait écrémé en poudre ;
  • les innovations technologiques, qui permettront d’alimenter une demande des consommateurs inexploitée sur les marchés émergents.

Les développements dans le secteur laitier de l’UE font partie intégrante de ces tendances, les réformes du secteur laitier de l’UE compliquant davantage la situation. Le démantèlement des quotas de production de l’UE – dans un contexte de demande stagnante dans l’UE – engendrera une augmentation de la production de lait. La politique « filet de sécurité » de l’UE, ainsi que les mesures politiques visant à renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement du lait, sont conçues pour protéger les producteurs laitiers de l’UE des conséquences sur la production de la volatilité des prix au niveau mondial, tout en aidant les laiteries européennes à tirer profit de la demande mondiale croissante. Ceci aide à renforcer la position des laiteries européennes au sein du processus de mondialisation, malgré les défis de compétitivité des coûts.

Durant la crise du marché laitier de l’UE en 2008/09, les mesures filet de sécurité de l’UE ont généré des achats à l’intervention de lait écrémé en poudre deux fois plus importants que le plafond nominal (la limite supérieure pour les achats à l’intervention de la Commission européenne [CE]), alimentant une croissance subséquente majeure des exportations de lait écrémé en poudre de l’UE (une progression de 64 % en 2010, suivie par une croissance de 37 % en 2011). En 2012, les exportations de lait écrémé en poudre étaient deux fois plus élevées que les exportations de 2009.

Cela a inquiété les producteurs laitiers dans les régions qui cherchent à développer un commerce intra-régional de produits laitiers, plus particulièrement en Afrique occidentale et centrale. On en veut pour preuve la hausse des exportations de lait écrémé en poudre de l’UE vers le Nigeria et le Ghana, qui ont augmenté de 69 % et 72 % respectivement en 2010. Ceci est intervenu dans un contexte où les importations représentaient 50 % du marché des produits laitiers au Nigeria, et pratiquement tous les produits laitiers commercialisés au Ghana.

La politique de l’UE semble appuyer l’innovation dans le développement de produits laitiers à plus forte valeur ajoutée, tout en soutenant des niveaux élevés de production et d’exportation de lait écrémé en poudre. La réforme du secteur laitier de l’UE, dans la lignée de l’expérience assez similaire du secteur sucrier, encourage la mondialisation des laiteries européennes, nombre d’entre elles adoptant de plus en plus des stratégies de développement orientées vers l’étranger. Certaines sont en train de cibler les marchés bien développés d’Afrique pour les produits laitiers.

Compte tenu des engagements de l’UE pour la cohérence des politiques, une question se pose : comment les instruments politiques du secteur laitier de l’UE peuvent-ils être efficacement gérés pour soutenir un développement du secteur laitier axé sur la pauvreté dans les pays ACP qui ont le potentiel de développer un secteur laitier commercialement viable ?

2.         Récents développements

2.1       Développements mondiaux du secteur laitier

En 2011, la production laitière mondiale a augmenté de 2,5 % grâce à la hausse des prix laitiers. Il s’en est suivi une croissance rapide de la production laitière dans les marchés émergents, celle-ci devant dépasser la production des économies développées d’ici la fin 2013. Cependant, 2012 a été une année plus difficile, les marges des producteurs laitiers étant rognées par l’envolée des coûts des intrants et la volatilité des prix. En mai 2012, les cours laitiers mondiaux ont chuté à leur niveau le plus bas de ces deux dernières années, remontant de 2 % à la fin de l’année par rapport à leur point de départ en 2012, et redémarrant plus sérieusement en 2013. Globalement, comme l’a noté Rabobank en décembre 2012, étant donné « le faible niveau des stocks, toute augmentation des exigences en matière d’importations au cours du premier semestre de 2013 serait susceptible de tendre considérablement le marché », et soutenir plus encore les prix.

La mondialisation croissante du secteur laitier a généré une augmentation du commerce des produits laitiers de 10 %, pour atteindre 58,2 millions de tonnes en 2011, soit un niveau sensiblement supérieur à la croissance annuelle moyenne de 4 % enregistrée au cours des 10 dernières années. L’augmentation la plus importante a été observée dans le commerce de lait écrémé en poudre (+ 19 %). Depuis 2010, l’UE a joué un rôle majeur dans ce développement du commerce de lait écrémé en poudre. Cette tendance devrait se poursuivre jusqu’en 2022, l’UE étant susceptible de représenter à ce stade jusqu’à 31 % des exportations mondiales de lait écrémé en poudre.

Au cours des prochaines années, la plus forte croissance de la demande de produits laitiers sera enregistrée dans les pays en développement. L’analyse de l’OCDE/FAO figurant dans leur rapport « Agricultural outlook 2012-2021 » de 2012 suggère que la consommation de tous les produits laitiers dans les pays en développement d’ici 2021 aura augmenté de 30 % par rapport à la période de référence de 2009-2011. Ces dernières années, une forte croissance de la demande des consommateurs a été enregistrée en Afrique subsaharienne, avec une augmentation de 22 % au cours des six années précédant 2012 : vu la hausse des revenus, l’urbanisation rapide et une faible moyenne de la consommation par habitant, le potentiel de croissance de la demande dans la région n’est pas négligeable. L’innovation technologique, en particulier le conditionnement bon marché du lait liquide (lait UHT), s’avère cruciale pour libérer les opportunités commerciales inexploitées. Le développement de marchés urbains pour les produits laitiers à plus forte valeur ajoutée présente lui aussi un énorme potentiel.

D’après le rapport de l’OCDE/FAO, jusqu’en 2021, « la majeure partie (70 %) de la hausse de la production laitière mondiale (…) devrait être enregistrée dans les pays en développement, en particulier l’Inde et la Chine ». Cependant, l’Afrique subsaharienne est une exception à la tendance mondiale de la production : l’analyse de l’OCDE/FAO suggère qu’en Afrique subsaharienne « les niveaux de productivité sont très faibles et immuables ». Le développement de la production laitière proportionnellement à la croissance de la population est prévu pour la région dans son ensemble, mais avec quelques exceptions : dans certains pays subsahariens, des prix plus élevés ont « encouragé une plus grande participation dans le secteur laitier formel, augmentant ainsi la mise en commun du lait et la qualité requise pour une croissance commerciale du secteur ».

Globalement, une demande et des tendances à la croissance de la production très divergentes ne feront que renforcer la place des marchés africains. Ces marchés sont particulièrement importants pour les exportations de lait écrémé en poudre, étant donné les contraintes rencontrées pour développer la production commerciale de lait en Afrique – par exemple la mauvaise qualité des cheptels, les maladies animales, le climat hostile, les coûts élevés de l’alimentation animale et les mauvaises pratiques d’élevage.

L’analyse de l’OCDE/FAO affirme que le commerce laitier international est de plus en plus influencé par des « décisions stratégiques des grandes laiteries internationales ». Les stratégies d’entreprise émergentes dans le secteur laitier de l’UE sont totalement conformes à cette tendance (voir article Agritrade «  La fin des quotas laitiers génère un intérêt plus marqué des laiteries e... », 4 mars 2013).

2.2       Développements du secteur laitier de l’UE

L’abolition des quotas de production laitière de l’UE reste à l’agenda pour 2015, et la CE affirme que les quotas ne limitent plus la production laitière dans la plupart des pays de l’UE. L’abolition des quotas devrait conduire à une production laitière supplémentaire annuelle de 9 milliards de litres, principalement au Danemark, en France, au Royaume-Uni, en Irlande, aux Pays-Bas et en Allemagne. Pas moins de 67 % de cette hausse de la production devront trouver des débouchés commerciaux en dehors de l’UE (voir article Agritrade «  L’abolition des quotas laitiers est en bonne voie mais les agriculteurs... », 28 janvier 2013).

Les perspectives pour le secteur laitier de l’UE sont jugées par la CE comme étant favorables, compte tenu de « la croissance de la population et de l’intérêt pour le régime alimentaire occidental dans les économies émergentes ». Toutefois, la volatilité des prix reste une préoccupation majeure. Au cours du premier semestre de 2012, la chute des cours laitiers a mis le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement du lait de l’UE à rude épreuve. Les réductions soudaines des prix laitiers ont incité le European Milk Board (EMB) à mettre en garde contre une nouvelle crise laitière du style de celle de 2008/09, les producteurs en Italie, en France, aux Pays-Bas et en Belgique étant confrontés à des réductions de prix de 10 à 20 %. Cette situation a été aggravée par la hausse des coûts des intrants (20-22 %).

En mai 2012, les organisations d’agriculteurs de l’UE ont appelé à l’élaboration d’un « code d’usages robuste pour le secteur laitier » pour répondre aux déséquilibres des relations de pouvoir et promouvoir un secteur laitier plus durable. L’EMB a déclaré qu’à ce stade « la seule manière d’écouler le volume de lait » qui est excédentaire sur le marché de l’UE est de « le vendre sur le marché mondial sous forme de beurre et de poudre de lait » (voir article Agritrade «  Des marchés laitiers européens sous pression révèlent des défaillances d... », 18 juin 2012).

D’après la CE, la volatilité des prix en 2011/12 était moins prononcée qu’en 2007-2009, avec des prix moyens plus élevés. Un cadre politique pour gérer la volatilité des prix est considéré comme étant en place via l’élargissement proposé de la politique filet de sécurité de l’UE (voir article Agritrade «  Des fuites sur les propositions de la CE pour la réforme de la PAC », 6 octobre 2011) et l’entrée en vigueur du cadre réglementaire de l’UE visant à renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement. Aucune réforme supplémentaire n’est jugée nécessaire.

Cependant, ce cadre réglementaire de l’UE a été critiqué. Dans certains pays, des exigences réglementaires formelles ont été établies (par ex. en France), dans d’autres c’est un code de conduite volontaire qui s’applique (par ex. au Royaume-Uni), tandis que dans d’autres peu de progrès ont été réalisés (par ex. en Espagne). Lorsque des mesures plus strictes ou des codes volontaires ont été instaurés, les prix payés aux producteurs pour le lait ont été soutenus : au Royaume-Uni, par exemple, les réductions de prix ont été supprimées ou inversées (voir article Agritrade «  Initiatives nationales pour renforcer le fonctionnement des chaînes d’ap... », 28 octobre 2012).

L’organisation des agriculteurs européens et de leurs coopératives Copa-Cogeca affirme que le paquet laitier actuel n’est « pas suffisant » pour relever les défis qui se posent au secteur, et a appelé à soutenir les organisations d’agriculteurs « pour renforcer leur position dans la chaîne alimentaire contre le pouvoir d’achat de quelques détaillants », et au maintien des achats à l’intervention et des mesures de stockage privé (voir article Agritrade «  L’abolition des quotas laitiers est en bonne voie mais les agriculteurs... », 28 janvier 2013).

Aucun achat à l’intervention n’a eu lieu depuis 2009, et à la fin de 2012 les stocks publics d’intervention de lait écrémé en poudre et de beurre avaient été éliminés. D’après la CE, cela s’était fait « sans perturber le marché ». Cependant, les exportations européennes de lait écrémé en poudre depuis 2009 ont quasiment triplé (de 231 000 tonnes en 2009 à 618 000 tonnes en 2012). Une augmentation constante des exportations de lait écrémé en poudre est prévue, pour atteindre environ 678 000 tonnes en 2022, consécutive à une hausse de la production et une consommation stagnante de l’UE (voir article Agritrade «  Développements et perspectives du secteur laitier de l’UE », 15 avril 2013).

La hausse des exportations de lait écrémé en poudre de l’UE à compter de 2009 était initialement basée sur les stocks achetés en intervention d’urgence. Ces exportations pourraient bien avoir perturbé les relations d’approvisionnement de lait spécifiques dans les pays tiers ciblés par les exportateurs de lait écrémé en poudre de l’UE, y compris en Afrique de l’Ouest.

Les volumes importants de lait écrémé en poudre de l’UE disponibles pour l’exportation jusqu’en 2022 influencent les stratégies des entreprises de l’UE pour le secteur laitier. En janvier 2013, la laiterie danoise Arla a reconnu que l’abolition des quotas était « le principal moteur sous-tendant la décision [de l’entreprise] de repenser et d’élargir sa stratégie mondiale ». Après l’abolition des quotas, les producteurs laitiers d’Arla produiront au moins 1 milliard de litres de lait supplémentaires chaque année. Vu la morosité des marchés européens, cela exigera d’augmenter les ventes vers de nouveaux consommateurs dans les marchés émergents. D’après le président du conseil d’administration d’Arla, la pénétration de ces nouveaux marchés « aidera à maintenir la viabilité des activités laitières dans le nord de l’Europe ».

En octobre 2012, un atelier du secteur laitier organisé par la Confédération danoise de l’industrie a identifié le potentiel d’exportation et des opportunités d’investissement en Afrique de l’Est, compte tenu de la « consommation sans cesse croissante de lait » et de la modernisation des canaux de commercialisation du lait. Des opportunités pour des projets clés en main en Afrique de l’Ouest ont également été identifiées, en particulier dans les marchés où les produits laitiers haut de gamme sont considérés comme synonymes de produits laitiers de l’UE (y compris l’utilisation d’intrants intermédiaires de l’UE tels que le lait écrémé en poudre). Bien que cela puisse offrir des opportunités au niveau national pour le développement de la transformation laitière, cela peut poser des défis pour le développement de politiques commerciales laitières régionales et des flux commerciaux.

La stratégie d’Arla de plus en plus orientée vers l’étranger reflète celle de rivales telles que Danone basée en France et FrieslandCampina basée aux Pays-Bas, cette dernière développant ses opérations au Nigeria (voir articles Agritrade «  La fin des quotas laitiers génère un intérêt plus marqué des laiteries e... », 4 mars 2013, et «  Développer la participation des entreprises néerlandaises dans l’approvi... », 15 avril 2013).

Plusieurs articles de presse notent que la réforme du secteur laitier de l’UE s’avère très utile pour positionner les laiteries européennes en vue de tirer profit des opportunités croissantes du marché mondial (voir article Agritrade «  La restructuration des entreprises du secteur laitier de l’UE est en cou... », 9 septembre 2012). Cependant, les entreprises européennes sont confrontées à de sérieuses contraintes pour exporter. Parmi celles-ci :

  • l’écart de prix entre les cours européens et les cours mondiaux ;
  • le rôle dominant joué par un nombre limité d’entreprises dans le commerce d’exportation mondial (plusieurs d’entre elles ayant un accès plus facile aux marchés asiatiques en plein essor) ;
  • une production de lait croissante dans les pays en développement.

Bien qu’à long terme l’intérêt soit davantage focalisé sur le développement des exportations laitières à plus forte valeur ajoutée, à court terme, le lait écrémé en poudre est en tête de la croissance des exportations de l’UE. Le savoir-faire technique et la disponibilité immédiate de la poudre de lait utilisée dans les produits laitiers reconstitués pourraient bien faciliter le processus d’expansion mondiale des laiteries européennes (voir article Agritrade «  La mondialisation des laiteries européennes est en cours », 16 décembre 2012).

2.3       Développements du secteur laitier en Afrique orientale et australe

D’après l’Organisation sud-africaine des producteurs laitiers (MPO), 2012 était une « année difficile » pour le secteur laitier sud-africain, avec la flambée des coûts des intrants et une demande des consommateurs augmentant plus vite que la production. La production de lait dans le pays a continué à devenir plus intensive en capital, tandis que la part des producteurs de lait dans le prix final de vente au détail n’a cessé de baisser (de 45 % en 1998 à 30 % en 2011).

L’Afrique du Sud applique un régime différencié de droits d’importation, avec des droits de douane faibles pour le lait liquide (y compris UHT) et des droits de douane plus élevés pour les poudres de lait, le beurre et le fromage (malgré certaines préférences tarifaires pour les importations en provenance de l’UE). La mise en œuvre de ce régime tarifaire différencié est facilitée par une étroite collaboration entre les autorités sud-africaines, la MPO et sa filiale Agri Inspec, qui réalise des enquêtes sur les flux commerciaux du secteur laitier.

Entre 1997 et 2008, le régime commercial appliqué en Afrique du Sud a provoqué une diminution des importations laitières de 12 % à 4 % du total des approvisionnements en équivalent lait. Depuis 2009, les importations n’ont cessé d’augmenter, le lait UHT des fournisseurs sud-américains étant débarqué à des prix inférieurs aux prix sud-africains en 2012. Cependant, l’industrie laitière sud-africaine a efficacement intégré les importations de poudre de lait dans sa stratégie d’exportation axée sur l’Afrique, les exportations augmentant plus vite que les importations (voir article Agritrade «  Tendances du commerce laitier en Afrique du Sud », 18 mars 2013).

Cet essor des exportations sud-africaines a conduit les producteurs de lait namibiens à accuser l’Afrique du Sud de « dumping » (accusation essentiellement fondée sur la non- inclusion des coûts de distribution réels dans les prix de détail), après l’expiration des accords de protection des industries naissantes en 2010 (voir article Agritrade «  Le problème des pratiques de détermination des prix abusives au sein des... », 9 septembre 2012). Certains ont ainsi demandé à ce que le lait soit déclaré « produit protégé », les licences étant utilisées pour gérer les importations en cohérence avec le développement du secteur laitier local (un régime similaire est appliqué dans le secteur horticole). Toutefois, à ce jour, aucune décision n’a été prise. Les différences dans les normes appliquées aux produits laitiers minent également la compétitivité des prix namibiens, puisque les compléments alimentaires et les antibiotiques utilisés en Afrique du Sud sont interdits en Namibie, en raison des exigences des marchés d’exportation du bœuf.

Ceci illustre certaines des difficultés rencontrées pour consolider les marchés régionaux, lorsque les producteurs d’un pays font de l’ombre aux autres producteurs régionaux. Une telle situation donne souvent lieu à des pressions protectionnistes considérables en termes de sécurité alimentaire, et est en outre compliquée par des normes de production divergentes.

Ailleurs dans la région, notamment en Zambie, les préoccupations SPS et de sécurité des denrées alimentaires ont fourni la base pour l’imposition de restrictions à l’importation. La Zambie entend développer son secteur laitier, 15 % seulement du potentiel laitier du pays étant actuellement exploité. Cependant, de sérieux défis en termes de productivité et de compétitivité se posent. Les exportateurs sud-africains et kényans exercent une vive concurrence, ce qui a généré des pressions pour l’imposition de restrictions à l’importation. Cependant, ces restrictions ne peuvent être qu’une solution temporaire. Dans la région, des investissements majeurs dans la réduction des coûts de production du secteur laitier sont requis, notamment au travers du développement de liens en amont avec les producteurs d’alimentation animale.

Au Kenya, la production laitière est le « sous-secteur agricole affichant la croissance la plus rapide ». Un développement important de la production laitière commerciale est en cours depuis 2002 (+ 150 % jusqu’en 2011). L’entrée d’acteurs privés et la formation de coopératives de petits producteurs ont engendré des progrès significatifs aussi bien dans la production que pour l’ajout de valeur dans le secteur laitier. Actuellement, il existe de nombreuses coopératives laitières prospères qui transforment de plus en plus leur propre lait et qui vendent leurs produits dans les zones urbaines. Cependant, il est nécessaire d’investir davantage dans « des technologies simples qui promeuvent la conservation du lait au niveau de la ferme », et dans la capacité de transformation pour convertir les excédents saisonniers en poudre de lait. En juillet 2012, il a été proposé de créer au Kenya une « réserve de lait stratégique pour se protéger contre les fluctuations de la production » (voir article Agritrade «  Renforcer le secteur laitier kényan et rechercher des marchés régionaux », 6 août 2012).

La nécessité d’investir dans des usines de poudre de lait a été illustrée par le rôle joué par New Kenya Co-operative Creameries (NKCC) en mars 2012 dans la libération des stocks de poudre de lait pour atténuer la hausse des prix laitiers (voir article Agritrade «  La transformation laitière et le marché régional est-africain », 7 mai 2012). Dans le courant de 2013, Brookside Dairies exploitera une usine de poudre de lait en plus de celle de la NKCC établie depuis longtemps. Toutefois, la capacité de production de poudre de lait sera encore inférieure aux besoins, avec des gaspillages de lait lors des périodes excédentaires et des importations importantes lors des périodes de faible production.

La Communauté d’Afrique de l’Est (CAE) présente un potentiel de croissance majeur en termes de production et de marchés. La production régionale est pratiquement  inférieure de 15 % à la demande des consommateurs, qui augmente fortement (+ 3,5 % par an). Tetra Pak voit cette croissance comme étant impulsée par les consommateurs à faible revenu. Le développement des produits et les innovations en termes de conditionnement à faible coût sont jugés essentiels à cet égard.

Les laiteries kényanes développent non seulement leur production intérieure pour l’exportation, mais investissent également au niveau régional. Brookside Dairies, par exemple, a créé des filiales opérationnelles en Ouganda et en Tanzanie et envisage de développer des opérations au Sud-Soudan. L’établissement d’usines de transformation au niveau local est une stratégie jugée plus viable que la simple exportation de produits kényans.

Outre les importations internationales, l’augmentation des importations de produits laitiers en provenance des pays africains voisins est une source d’inquiétude dans certains pays. D’après le Conseil laitier tanzanien (Tanzania Dairy Board - TDB), « entre 25 et 27 millions de litres de lait sont importés chaque année », soit l’équivalent de la production laitière commerciale nationale. Une réduction importante du secteur laitier tanzanien est survenue au cours des 15 dernières années, les laiteries restantes de la Tanzanie fonctionnant à moins de 27 % de la capacité installée. Le TDB a annoncé des plans ambitieux visant à « augmenter la production et la transformation laitières, ainsi que la commercialisation et la consommation de lait et de produits laitiers dans le pays », notamment avec la mise en place d’une usine UHT. Toutefois, la Tanzania Milk Processing Association (TAMPA) affirme que des réformes politiques et réglementaires majeures pour mettre fin à des exigences multiples en matière de test, d’inspection et de licences seront requises pour réaliser ces plans ambitieux.

Des efforts sont en cours, dans le cadre de la stratégie d’exportation de produits laitiers du Kenya, pour harmoniser les normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) et de qualité, afin de lever les barrières non tarifaires au commerce à travers l’Afrique orientale et australe. Cependant, ce processus n’est en aucun cas simple. Quelles normes de production seront utilisées ? Comment les petits producteurs seront-ils affectés par ces nouvelles normes ? Et qu’est-ce qui peut être fait pour soutenir la conformité à ces nouvelles normes ? Ce sont là des questions très complexes.

En outre, tout processus d’harmonisation des normes exigera un investissement substantiel dans les améliorations de la qualité et la régularité de l’approvisionnement en produits laitiers sûrs. Actuellement, les importateurs mauriciens, par exemple, favorisent les approvisionnements européens et américains en se basant sur des considérations SPS, de qualité et de fiabilité des approvisionnements.

Les restrictions commerciales telles qu’une infrastructure déficiente, les licences d’importation et le faible niveau d’harmonisation des normes continuent sérieusement à freiner le commerce de produits laitiers en Afrique orientale et australe. Les aspirations des gouvernements de la région à développer à la fois la production laitière intérieure et la transformation laitière en réponse à la hausse de la demande suggèrent que la politique commerciale du secteur laitier est susceptible de rester un point litigieux au sein des initiatives d’intégration régionale.

2.4       Développements du secteur laitier en Afrique de l’Ouest et centrale

Les importations de produits laitiers restent une source de préoccupations en Afrique de l’Ouest et centrale. Cependant, l’analyse publiée par le département américain de l’Agriculture (USDA) a remis ces préoccupations dans leur contexte, en soulignant la « dépendance quasi totale du Ghana vis-à-vis des importations de lait en vrac » et la dépendance du secteur laitier nigérian à l’égard des intrants importés – 75 % des produits laitiers et des produits alimentaires transformés liés aux produits laitiers au Nigeria « dépendent presque exclusivement du lait en poudre importé », tandis que plus de la moitié de la demande est satisfaite par les importations directes (voir article Agritrade «  Les marchés nigérian et ghanéen offrent un potentiel de croissance suppl... », 2 février 2013). Dans les deux cas, les importations en provenance de l’UE (Pays-Bas et Danemark) dominent le marché aussi bien pour les produits intermédiaires que finaux, ceci s’expliquant en partie par le niveau de confiance élevé des consommateurs dans la sécurité des produits laitiers européens.

Bien que la demande de produits laitiers à plus forte valeur ajoutée augmente rapidement, l’USDA affirme que des technologies dépassées, des coûts des intrants en hausse et des défis de compétitivité sous-jacents font que le secteur laitier est mal équipé pour satisfaire la demande croissante des consommateurs. Toutefois, dans le courant de 2012, FrieslandCampina WAMCO, une filiale de la plus grande coopérative laitière du monde, a continué à déployer son programme d’approvisionnement en lait au Nigeria. L’objectif à court terme est d’acheter 10 % du lait au niveau local, avec un objectif de 50 % d’achats locaux sur 10 ans. Cela pourrait s’avérer ambitieux, puisque, même dans des économies fondées sur l’élevage telles que la Mauritanie, 65 % de la demande laitière est satisfaite par les importations.

Le Ghana est considéré par l’USDA comme « un point d’accès capital au marché de la région d’Afrique de l’Ouest ». D’après Indexmundi.com, environ 12,5 % des importations totales de poudre de lait du Ghana sont réexportées. En 2010, quelque 12,3 % des importations de poudre de lait du Nigeria ont été réexportées. Bien que le pourcentage soit similaire, les volumes du Nigeria sont dix fois supérieurs à ceux du Ghana. Les exportations de poudre de lait de l’UE sont de plus en plus souvent écoulées sur les marchés de l’intérieur des terres, où elles font directement concurrence aux produits laitiers locaux. Ceci soulève des questions concernant le traitement tarifaire de ces réexportations au titre du système de libéralisation des échanges commerciaux de la CEDEAO, puisqu’elles ne sont pas éligibles au traitement en franchise de droits.

Les efforts se poursuivent en vue de développer la production laitière commerciale à travers l’Afrique occidentale et centrale, l’organisation régionale des agriculteurs ROPPA appelant à une plus grande protection tarifaire pour les produits laitiers. La majorité des gouvernements de la région cherchent à mettre en œuvre des politiques pour encourager la production de lait au niveau local afin de renforcer la disponibilité alimentaire locale, créer des opportunités d’emploi, réduire leurs déficits commerciaux et promouvoir le développement structurel. Étant donné que la majorité des producteurs laitiers sont des petits exploitants, les efforts visent délibérément à investir dans les filières laitières des petits producteurs en tant que solution à long terme. Au Sénégal, par exemple, un projet de génétique laitière a été lancé pour améliorer la qualité des cheptels et les rendements laitiers.

Dans la région, les systèmes laitiers reposant sur les petits exploitants continuent de faire face à des défis d’efficience et de qualité. Ceci suggère que le développement de laiteries commerciales liées à des chaînes d’approvisionnement mondiales pourrait offrir les perspectives les plus immédiates pour satisfaire la demande des consommateurs pour des produits laitiers sûrs et de première qualité.

Compte tenu du succès obtenu en Afrique de l’Ouest en termes de promotion de la production commerciale de lait par les petits exploitants, il semble prématuré de sous-estimer le potentiel des petits producteurs pour satisfaire la demande croissante en Afrique de l’Ouest et centrale. Cependant, le développement du secteur laitier basé sur la production locale de lait continuera d’être sérieusement désavantagé si les défis économiques plus généraux ne sont pas abordés. Parmi ces défis, figurent la mauvaise infrastructure des transports et de l’énergie, les barrières informelles au développement de chaînes d’approvisionnement fiables, et les contraintes politiques à la promotion de l’investissement dans le secteur.

2.5       Développements du secteur laitier dans les Caraïbes et dans le Pacifique

Dans les Caraïbes, à l’exception peut-être de la Barbade, la production locale de produits laitiers ne parvient pas à combler la demande nationale. Toutefois, un objectif politique capital reste de confirmer et d’élargir les marchés pour le lait frais pasteurisé produit au niveau national, en plus de consolider la capacité pour toute une série d’autres produits laitiers, notamment les boissons lactées, le fromage et le yaourt. Les principaux producteurs commerciaux régionaux étaient encore la Barbade, le Belize, la République dominicaine, le Guyana, la Jamaïque et Trinité-et-Tobago.

En République dominicaine, en Jamaïque et à Trinité-et-Tobago, Nestlé International continue d’être un pilier essentiel du développement du secteur, et investit en partenariat avec le gouvernement et les associations de producteurs laitiers dans des améliorations de la productivité des exploitations et dans le développement de produits.

En septembre 2012, Nestlé a investi 8 millions de dollars dans une nouvelle ligne de production dans son usine en Jamaïque. Le 7 mars 2013, à Trinité-et-Tobago, l’entreprise a signé un Mémorandum d’entente pour améliorer la qualité et la quantité du stock laitier du pays, en s’appuyant sur les importations de la race Jamaica Hope, pour laquelle la demande est en augmentation dans la région.

Le Guyana concentre actuellement ses efforts sur l’amélioration de son stock génétique, avec un laboratoire de génétique commandé en octobre 2012. Ces efforts sont complétés par des plans visant à développer la capacité de pasteurisation afin de réduire l’importation de produits laitiers de 10 % d’ici 2015. Bien que certains pays comme le Guyana dépendent encore des importations de poudre de lait en vrac pour reconditionnement et reconstitution, afin de satisfaire la demande locale, ces importations aggravent sérieusement les défis auxquels sont confrontés d’autres producteurs pour conserver les bénéfices du secteur et optimiser les retours sur investissement.

À la Barbade et au Belize, l’industrie laitière est dominée par des entreprises nationales isolées, à savoir Pine Hill Dairy (PHD) et Western Dairies. Avec l’envolée des coûts des intrants et la concurrence des yaourts importés et du lait concentré, à la fin 2012, PHD a fait état d’une situation financière très périlleuse, menant à la fermeture de son usine de yaourts le 31 décembre 2012. Ceci faisait suite à la réhabilitation d’un système de quotas de production laitière à compter du 1er juillet 2012, après une année de suspension. PHD a cependant convenu d’absorber les hausses des coûts de transformation et de ne pas engager des réductions de quotas supplémentaires avant le 31 décembre 2013. Les producteurs ont pour leur part accepté une réduction temporaire du prix du lait qui leur est payé jusqu’au 30 avril 2013, dans le cadre des efforts pour commercialiser le lait local à des prix plus abordables.

PHD a résolu ses problèmes d’accès au marché avec Trinidad et a recommencé à exporter ses produits, exportant pour la première fois vers la Jamaïque en 2012. L’entreprise a également fixé le mois de septembre 2013 comme échéance pour satisfaire à quatre normes internationales ISO et OSHAS. Ceci devrait considérablement renforcer la capacité de PHD pour le commerce international.

Au Belize, Western Dairies est confronté à une concurrence intense des importations en provenance du Mexique : le marché du Belize est dominé par des produits laitiers importés, qui sont estimés à 5,18 millions $Bz (1,97 million €) – contre une production locale évaluée à 2,42 millions $Bz (0,92 million €). L’absence d’une politique laitière nationale et des politiques commerciales encourageant les importations continuent de désavantager l’industrie laitière locale. L’escalade des coûts des intrants aggrave les problèmes rencontrés, avec peu de soutien actif du gouvernement pour alléger les coûts des intrants.

Néanmoins, Western Dairies investit dans le développement de son installation de transformation et la modernisation de son équipement conformément aux exigences de sécurité des denrées alimentaires. L’entreprise est en phase finale de la certification HACCP, un pilier important de sa stratégie de commercialisation.

Malgré les défis qui se posent s’agissant de la production à la ferme (en termes de volumes faibles, de coûts élevés et de défis commerciaux découlant de l’augmentation des importations et des barrières commerciales intra-régionales), des efforts constants sont déployés pour développer le secteur laitier caribéen. Toutefois, des politiques gouvernementales plus intégrées sont jugées nécessaires pour soutenir l’industrie locale, de la ferme au marché. Les parties prenantes de la Barbade sont actuellement engagées dans un processus visant à développer un document de stratégie pour la durabilité de l’industrie laitière locale, à l’instar de Trinité-et-Tobago qui élabore une politique nationale en faveur du bétail, avec notamment un soutien à l’industrie laitière locale. Au Guyana, une étude conseil est en cours pour développer une politique nationale en faveur du bétail ainsi qu’un plan stratégique visant à consolider et à étendre les initiatives actuelles et prévues de développement de l’industrie laitière. Pour les pays dans lesquels il est actif, Nestlé, le plus gros acheteur de lait frais local, continuera d’occuper une place prépondérante dans ces initiatives nationales de développement du secteur laitier.

L’avenir du secteur laitier caribéen semble résider de plus en plus dans des entreprises de lait/de produits laitiers verticalement intégrées et efficaces, ciblant des segments de marché clairement identifiés. Ceci exige un savant mélange :

  • de politiques nationales pour réduire la hausse des coûts des intrants et améliorer l’efficacité des chaînes d’approvisionnement du lait ;
  • de politiques commerciales pour gérer les importations de lait écrémé en poudre ;
  • d’innovations technologiques dans la transformation et le conditionnement, dans le cadre de stratégies de commercialisation et de développement sectoriel bien définies.

Dans la région du Pacifique, l’événement le plus marquant du secteur laitier en 2012 a été la vente en août des actions détenues par le gouvernement (80 %) dans la seule laiterie de Fidji, Fiji Dairy Ltd, à Southern Cross Foods, une filiale d’une entreprise multisectorielle ayant des activités d’achat et de distribution de produits alimentaires à travers le Pacifique et certaines régions d’Asie. Certaines conditions de vente ont été incluses dans l’accord de privatisation, par exemple un engagement gouvernemental à établir « des droits de douane préférentiels (…) pour garantir la croissance de la production locale » (voir article Agritrade «  La privatisation suscite des espoirs pour le secteur laitier fidjien mai... », 25 mars 2013).

Le processus de privatisation s’appuie sur la restructuration en cours depuis 2010, qui a donné lieu à la séparation de la branche de production laitière de la branche de transformation laitière de l’entreprise majoritairement contrôlée par l’État. Le gouvernement espère que le processus de privatisation fournira les moyens de surmonter les problèmes passés qui ont handicapé le secteur, à savoir « la mauvaise gestion, la corruption, l’inefficacité, et l’infrastructure et les technologies dépassées ».

Fidji a annoncé toute une série de mesures de soutien du secteur laitier en 2012, notamment une exonération fiscale de 20 ans pour les nouvelles exploitations laitières et un soutien direct pour doper la production. Actuellement, la production intérieure représente moins de 13 % de la consommation de Fidji. En novembre 2012, les producteurs de lait fidjiens se sont plaints de la politique de fixation des prix du lait de l’entreprise nouvellement privatisée, jugée comme proposant des prix aux producteurs inférieurs à la moyenne de la période de pré-privatisation. Ceci suggère qu’un code de conduite tel que celui adopté au Royaume-Uni pourrait être utile à Fidji (voir article Agritrade «  Plus de détails sur le code d’usages applicable au secteur laitier du Ro... », 4 janvier 2013).

3.         Implications pour les pays ACP

3.1       Le principal défi politique posé

Les marchés laitiers africains présentent un intérêt croissant pour le commerce et l’investissement de l’UE. L’intérêt des entreprises pourrait se manifester au travers de rachats d’entreprises existantes, d’entreprises conjointes ou d’investissements entièrement nouveaux. La grande question qui se pose pour les gouvernements africains et les stratégies régionales du secteur laitier sera de savoir comment utiliser la dynamique mondiale changeante du secteur laitier pour doper la production de lait locale (en particulier par les petits producteurs, avec des conséquences importantes en termes d’allègement de la pauvreté) et la transformation locale à plus forte valeur ajoutée des produits laitiers.

3.2       Utilisation des instruments de politique commerciale et approche nuancée de l’investissement

Les laiteries européennes peuvent jouer un rôle dans le développement de la production et l’amélioration de la qualité du lait et des produits laitiers en Afrique de l’Est. Toutefois, des leçons importantes peuvent être tirées des expériences vécues ailleurs en Afrique.

Dans les années 1990, deux profils distincts d’investissement sont apparus dans le secteur laitier sud-africain compte tenu de l’énorme potentiel commercial. À KwaZulu-Natal, une entreprise conjointe a été initialement créée, axée sur le développement de marchés pour les nouveaux produits laitiers à plus forte valeur ajoutée. La demande pour du lait produit localement a ainsi augmenté et a soutenu des prix laitiers moyens plus élevés qu’ailleurs en Afrique du Sud. La région du Cap a connu un processus d’acquisition de laiteries locales par une laiterie européenne. Celui-ci mettait l’accent sur la garantie d’un accès aux canaux de distribution et l’intégration de la transformation locale de produits laitiers dans les chaînes d’approvisionnement mondiales pour les ingrédients laitiers contrôlés par la société mère européenne. Cela a conduit à la fermeture de la plus grande usine de dessiccation du lait de la région du Cap, entraînant une grande volatilité des prix du lait sur le marché du Cap et un déclin ultérieur du nombre de producteurs laitiers. Ces rachats sont survenus après une expansion à grande échelle des « importations » illicites de poudre de lait en Afrique du Sud, qui ont miné la position financière de plusieurs laiteries localement établies.

Cette expérience souligne la nécessité d’une approche nuancée de l’investissement direct étranger dans le secteur laitier, si l’objectif politique consiste à commercialiser la production de lait pour alléger la pauvreté rurale. Elle suggère également qu’une gestion rigoureuse des importations des poudres de lait et des autres ingrédients du secteur laitier est requise, dans le cadre des efforts du gouvernement en vue de promouvoir la production commerciale de lait au niveau local.

3.3       Concilier les intérêts des producteurs et des transformateurs

L’Afrique de l’Ouest et centrale est confrontée à des choix difficiles à court terme : faut-il accorder la priorité au renforcement des achats de lait et à la transformation à plus forte valeur ajoutée au niveau local ou faire pression pour un développement plus rapide de la transformation laitière à plus forte valeur ajoutée basée sur des matières premières importées ? Mais encore : comment la dépendance existante à l’égard des importations laitières peut-elle être mieux gérée pour favoriser le développement du secteur laitier local, là où cela est techniquement et commercialement viable ?

L’expérience vécue ailleurs dans les pays ACP laisse penser que l’avenir des secteurs laitiers ACP réside non seulement dans les améliorations technologiques pour stimuler la productivité, et dans une meilleure organisation et gestion des chaînes d’approvisionnement du lait, mais aussi dans un ciblage minutieux de segments du marché laitier clairement identifiés. Des politiques cohérentes applicables aux importations de produits laitiers, incluant le rôle des importations de poudre de lait dans l’appui au renforcement des chaînes locales d’approvisionnement du lait, seront un élément capital de toute stratégie régionale de développement du secteur laitier.

3.4       Promouvoir des marchés laitiers régionaux gérés et transparents

Dans les pays ACP, afin de créer des marchés régionaux capables d’attirer des investissements dans les chaînes d’approvisionnement et dans la transformation à plus forte valeur ajoutée du lait au niveau local, il conviendra de trouver le moyen de gérer les pressions protectionnistes et d’assurer une utilisation transparente et responsable des instruments de politique commerciale du secteur laitier. Il faudra également développer des politiques régionales pour renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement des produits laitiers, dans le cadre d’initiatives visant l’intégration commerciale régionale. Le processus est également susceptible de générer un débat important sur les normes à appliquer au commerce régional et sur les règles d’origine à appliquer aux produits laitiers transformés.

3.5       Trouver un équilibre entre les importations et le développement de la production de lait locale

Les derniers développements dans le secteur laitier fidjien doivent être envisagés au regard du rôle dominant de Fidji dans la production laitière à orientation commerciale (90 %) parmi les pays des îles du Pacifique et des pratiques passées dans le secteur laitier fidjien en termes de distribution de produits basés sur les importations.

Si l’objectif consiste à promouvoir une production laitière locale en hausse, une politique plus cohérente sur le rôle des importations de poudre de lait au sein du profil général de l’approvisionnement en lait devra être établie. En outre, un système plus clair et transparent sur la fixation des prix du lait semble nécessaire pour s‘assurer que les concessions tarifaires offrent des prix attrayants pour le développement de la production laitière locale.

Le vaste réseau d’approvisionnement et de distribution de la société mère de la laiterie fidjienne récemment privatisée soulève d’importantes questions de politique commerciale en direction du secteur laitier régional (liées en particulier aux règles d’origine) pour d’autres pays du Pacifique qui chercheraient à promouvoir une production laitière locale plus importante et le développement de leur secteur laitier. 

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