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Leçons pour les pays ACP tirées des efforts de l’UE visant à renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement du sucre

16 avril 2014

Introduction

Dans le cadre de l’accord de l’UE de juin 2013 sur l’abolition des quotas de production de sucre de l’UE, la Commission européenne (CE) a annoncé le « renforcement de l’organisation du secteur sur la base de contrats et d'accords interprofessionnels obligatoires » à compter du 30 septembre 2017, ces accords incluant des « dispositions-cadres régissant les accords entre les entreprises sucrières et les producteurs de sucre ».

Parallèlement à l’abolition des quotas de production de sucre de l’UE, la CE a introduit des mesures obligatoires pour réglementer les relations le long des chaînes d’approvisionnement du sucre. L’introduction de mesures pour réglementer ces relations et renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement du sucre au sein de l’UE a été jugée essentielle, étant donné l’inégalité dans les relations de pouvoir le long des chaînes d’approvisionnement du sucre1.

À la veille du cycle 2013 de réformes de la PAC, la National Farmers Union of England and Wales a mis l’accent sur l’importance qu’attachent les agriculteurs aux accords interprofessionnels (IPA)2, qui régissent les relations dans le secteur sucrier. Les représentants de la NFU ont souligné comment les IPA ont permis aux 3 500 producteurs de betterave sucrière du Royaume-Uni de négocier collectivement avec le transformateur de betterave en situation de monopole (British Sugar), en établissant un « vendeur unique » pour faire contrepoids à « l’acheteur unique de la chaîne d’approvisionnement ». Dans ce contexte, les IPA, qui sont maintenant obligatoires à travers l’UE, ont été jugés par la NFU comme permettant de gérer « un déséquilibre évident de pouvoir dans la chaîne d’approvisionnement »3.

D’après la NFU, l’IPA permet la négociation d’un prix « juste » pour la betterave sucrière plutôt que l’imposition d’un prix « inéquitable ». Il donne lieu en outre à une collaboration entre les agriculteurs et le transformateur sur des questions qui « font avancer l’industrie bien plus rapidement que ce ne serait le cas sans lui », par exemple sur le développement de systèmes d’assurance liés au climat.

Au Royaume-Uni, à la commission de la Chambre des Lords en juillet 2012, British Sugar s’est dit favorable à l’accord interprofessionnel, étant donné le caractère extrêmement intégré de l’industrie de la betterave sucrière au Royaume-Uni. British Sugar a accepté la nécessite d’une « certaine forme de cadre de négociation et contractuel entre British Sugar, en sa qualité d’unique transformateur, et les agriculteurs assurant l’approvisionnement » maintenant et à l’avenir, et a affirmé que la structure de l’accord interprofessionnel « garantit un juste équilibre des intérêts ». L’entreprise a exprimé sa préférence pour une relation structurée et organisée le long de la chaîne d’approvisionnement du sucre, « définie d’une certaine manière dans la législation, à condition qu’elle n’inhibe pas notre liberté et flexibilité locales à négocier des clauses qui pourraient éventuellement être sensibles par rapport aux conditions britanniques »4.

La position de British Sugar trouve un écho en Afrique australe, puisque le propriétaire de British Sugar, Associated British Foods, détient également une participation de 51 % dans Illovo, l’une des plus grandes sucreries d’Afrique australe.

Implications

La volonté d’aborder ce que le président de la NFU a qualifié de « déséquilibre évident de pouvoir dans la chaîne d’approvisionnement » est susceptible de se faire plus pressante dans de nombreux pays ACP exportateurs de sucre, compte tenu du démantèlement des garanties de prix traditionnelles sur le marché de l’UE et de la structure changeante de la propriété des entreprises au sein du secteur sucrier.

Ces préoccupations doivent être envisagées dans le contexte de la forte concentration de la propriété dans le secteur sucrier de l’UE (où six entreprises contrôlent 80 % du quota européen de la betterave et possèdent des intérêts croissants dans le co-raffinage5 du sucre de canne brut, représentant environ la moitié du sucre de canne brut raffiné), et au regard du nombre croissant de raffineurs européens ayant des participations ou des liens d’entreprise avec des raffineurs locaux des pays ACP.

Il serait intéressant que la NFU partage avec les organisations de producteurs de sucre ACP son expérience en matière de négociation de contrats avec un transformateur en situation de monopole. Ceci serait d’autant plus utile dans les cas où les petits producteurs ont affaire à la même famille d’entreprises que les négociateurs de la NFU (par ex. la Zambie et le Malawi).

Un tel échange d’expérience semblerait également approprié dans les pays où le principal raffineur européen possède des parts dans la raffinerie locale (par ex. le Belize), afin de s’assurer que les « déséquilibres évidents de pouvoir le long de la chaîne d’approvisionnement » n’aboutissent pas à ce que les producteurs primaires supportent seuls le fardeau de la volatilité des prix. 

Des questions se posent

Les nouvelles initiatives politiques de l’UE visant à renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement du sucre dans l’UE offrent des leçons utiles pour les gouvernements ACP cherchant à accroître la résilience de leurs secteurs sucriers face aux profonds changements dans les conditions de marché sur leur principal marché d’exportation, à savoir l’UE (c’est-à-dire abandonner les prix élevés garantis sur le marché de l’UE pour des volumes convenus d’importation au profit d’une concurrence plus intense sur un marché européen du sucre qui ne cesse de se contracter).

La nécessité de mettre en place des mesures visant à renforcer le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement du sucre ACP doit être envisagée dans le contexte :

  • des nombreuses sources de revenus maintenant disponibles à partir de la production de canne à sucre et l’importance croissante des sources de revenus non sucrières pour la rentabilité des entreprises dans de nombreux secteurs sucriers ACP ;
  • la restriction traditionnelle des accords de partage entre les broyeurs et les agriculteurs des revenus issus de la vente de sucre brut et de mélasses ;
  • la grande divergence dans les prix des contrats individuels payés pour le sucre ACP depuis l’abolition des prix garantis pour le sucre ACP et l’intégration d’entreprise croissante de nombreuses chaînes d’approvisionnement du sucre ACP-UE.

Dans le contexte d’une nette réduction des prix pour le sucre brut sur le marché de l’UE après l’abolition des quotas de production de sucre de l’UE (passant d’une moyenne de 627 €/tonne en 2013 à une moyenne de 405 € à 420 €/tonne sur la période de 2017 à 20236), si l’on veut consolider une base financière durable pour la production de sucre à petite échelle dans les pays ACP, la négociation collective de prix liés aux nombreuses sources de revenus dérivées de la production de canne à sucre semble essentielle. Cela pourrait s’inscrire dans le cadre d’accords interprofessionnels impliquant des représentants des agriculteurs et des broyeurs ; des exemples de tels accords se retrouvent déjà dans les accords d’agriculture contractuelle dans les pays ACP et au sein de l’UE, l’utilisation de tels accords étant devenue obligatoire après 2017 dans le cadre du cycle 2013 de réformes du secteur sucrier.

Par ailleurs, si l’on veut maximiser les revenus de la production de sucre conservés au niveau national, une plus grande transparence dans la formation des prix sera nécessaire le long de la chaîne d’approvisionnement du sucre ACP-UE. Cela pourrait potentiellement reposer sur des mécanismes de surveillance des prix de l’UE dans le cadre du processus de réforme du secteur sucrier de l’UE.

Notes

1. CTA, Agritrade, « Impact de l’accord sur la réforme de la PAC relatif au secteur sucrier », 6 août 2013

http://agritrade.cta.int/Agriculture/Commodities/Sugar/Impact-of-CAP-ref...

2. Il n’y a qu’un accord interprofessionnel (IPA) au Royaume-Uni, puisqu’il n’y a qu’un transformateur. Dans les autres États membres, il existe plusieurs IPA, puisqu’il y a plus qu’un transformateur, cela dépend donc du contexte national.

3. CTA, Agritrade, « L’importance des accords interprofessionnels dans la gestion des relations inégales de pouvoir est soulignée », 28 octobre 2012

http://agritrade.cta.int/Agriculture/Commodities/Sugar/Importance-of-int...

4. Voir UK House of Lords EU Agriculture, Fisheries, Environment and Energy Sub-Committee, « EU Sugar Regime: Oral evidence », 23 juillet 2012

http://www.parliament.uk/documents/lords-committees/eu-sub-com-d/sugar/s...

5. Co-raffinage est le terme utilisé pour la production de sucre par les raffineurs de betterave sucrière à partir de la betterave sucrière et de la canne à sucre.

6. Pour plus de détails, voir CE, « Prospects for agricultural markets and income in the EU 2013-2023 », tableaux statistiques, décembre 2013, tableau 6.14

http://ec.europa.eu/agriculture/markets-and-prices/medium-term-outlook/2...

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