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Les agriculteurs européens et l’industrie des biocarburants se mobilisent contre le virage à 180° de la politique de la CE en matière de biocarburants

16 décembre 2012

Dans une lettre adressée à la Commission européenne début octobre 2012, le Copa-Cogeca, l’organisation des agriculteurs et coopératives agricoles de l’UE, a exprimé son opposition aux projets de cette dernière visant à fixer une limite de 5 % à l’utilisation de biocarburants produits à partir de cultures agricoles et à introduire des critères de changement d’affectation des sols indirect (CASI ou facteurs ILUC en anglais) dans les objectifs d’utilisation des biocarburants de l’UE. Le Copa-Cogeca affirme que, « grâce à la production de biocarburants, la surface en colza de l’UE est passée depuis 2000 d’environ 2 millions d’hectares à 6 millions dans l’UE-27 ». L’organisation a décrit les propositions de la CE comme étant « totalement irresponsables », puisque cela inverserait potentiellement cette augmentation de la production de colza, minerait la rentabilité du secteur sucrier de l’UE et mettrait en péril l’approvisionnement en alimentation animale, en réduisant les « coproduits à haute teneur en protéines » issus de la production de biocarburants.

Le secrétaire général du Copa-Cogeca, Pekka Pesonen, a affirmé que les biocarburants « peuvent être produits dans l'UE de façon durable, sans entraîner de changements d'affectation des sols dans les pays tiers ». En effet, il semble que la production européenne de biocarburants puisse alléger également « les pressions foncières dues à la production de soja dans les pays non européens et aiderait à lutter contre la déforestation des forêts tropicales ».

En Irlande, la question a été portée au niveau politique, où elle est jugée comme étant préjudiciable non seulement au développement de l’industrie de la biomasse mais également aux efforts visant à rétablir un secteur irlandais de la betterave sucrière.

La question de l’importante contribution des coproduits des biocarburants à l’approvisionnement en alimentation animale avait été soulignée précédemment dans une publication de la FAO intitulée « Biofuel co-products as livestock feed: Opportunities and challenges » (Les coproduits des biocarburants en tant qu’alimentation animale : opportunités et défis).

Par ailleurs, un autre communiqué de presse du Copa-Cogeca note que l’industrie des biocarburants de l’UE se joint à lui pour condamner les projets de la Commission, affirmant que « ce changement majeur dans la politique européenne en matière de biocarburants entraînera une perte de confiance importante dans les décisions politiques de l'UE et menacera les futurs investissements dans le secteur des biocarburants et dans la bioéconomie en général ».

Malgré les protestations des agriculteurs et de l’industrie des biocarburants, le 17 octobre 2012, la CE a formellement présenté ses projets d’amendement aux directives sur les énergies renouvelables et sur la qualité des carburants, en proposant de :

  • « porter à 60 % le niveau minimal de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour les nouvelles installations » ;
  • « inclure des facteurs liés aux changements indirects d'affectation des sols (ILUC) dans les rapports que doivent soumettre les fournisseurs de carburant et les États membres sur la réduction des émissions » ;
  • « restreindre jusqu'en 2020 au niveau actuel de consommation, c'est-à-dire 5 %, le volume de biocarburants et de bioliquides produits à partir de cultures alimentaires pouvant être comptabilisé dans les 10 % d'énergies renouvelables que vise l'UE à l'horizon 2020 » ;
  • « prévoir des mesures incitatives afin de promouvoir (…) des biocarburants de deuxième ou troisième génération produits à partir de matières premières n'entraînant pas de besoins de terres supplémentaires ».

L’objectif de la proposition de la CE est de stimuler le développement de biocarburants de deuxième et de troisième génération qui utilisent des matières premières non alimentaires, réduisant ainsi l’impact sur l’offre alimentaire mondiale, et qui « émettent généralement beaucoup moins de gaz à effet de serre ». D’après le communiqué de presse de la Commission, « seuls les biocarburants qui remplissent un ensemble de critères de durabilité peuvent bénéficier d'aides publiques sur le marché européen ». 

Commentaire éditorial

Lorsque les objectifs de l’UE en matière de biocarburants ont été introduits, ceux-ci étaient jugés par la CE comme étant un moyen de stimuler l’investissement dans les technologies des biocarburants de deuxième et de troisième génération, qui utiliseraient des matières premières non agricoles et réduiraient au maximum les émissions de gaz à effet de serre. Certains craignaient, cependant, que cette politique ne soit détournée par les intérêts agricoles et ne devienne qu’un autre mécanisme de fourniture de soutien aux agriculteurs européens. De toute évidence, la politique de l’UE en matière de biocarburants a eu un impact important sur les marchés pour les cultures oléagineuses et le sucre de l’UE, et a fourni un débouché commercial providentiel pour les céréales excédentaires.

Dans ce contexte, les effets les plus importants de tout changement dans les objectifs d’utilisation des biocarburants de l’UE sont susceptibles d’être davantage ressentis dans les secteurs du sucre et des oléagineux. Même si les changements dans les politiques de l’UE n’entreront en vigueur qu’après 2020, les répercussions se feront ressentir bien plus tôt, puisque l’investissement dans la production de biocarburants ralentira et la capacité stagnera.

Cela pourrait compliquer d’autres processus de changement en cours dans le secteur sucrier, en réduisant les débouchés commerciaux pour la production de sucre hors quota de l’UE. En décembre 2011, la CE a prévu une augmentation de 120 % de l’utilisation de la betterave sucrière dans la production d’éthanol entre 2010 et 2020, passant de 18,2 millions de tonnes (17 % de la production de betterave sucrière de l’UE) à 40,2 millions de tonnes (31,4 % de la production de betterave sucrière). Ce taux de croissance pourrait être réduit du fait de la révision des objectifs de l’UE en matière de biocarburants. Les conséquences commerciales de la réduction des débouchés commerciaux pour le sucre hors quota de l’UE pourraient alors être ressenties par les exportateurs de sucre ACP, en termes de prix proposés par les raffineurs européens pour le sucre brut ACP.

De la même manière, en décembre 2011, la CE a annoncé une augmentation de 53 % d’ici 2020 de l’utilisation d’huile végétale pour la production de bioénergie (par rapport à 2010), avec plus des deux tiers de cette utilisation croissante satisfaits par les importations. Un gel des objectifs de production des biocarburants de l’UE aux niveaux actuels, tel que proposé par la CE, impliquera l’arrêt de ce développement de la production. Dans ce contexte, la révision des objectifs de l’UE en matière de biocarburants pourrait avoir des implications pour le secteur de l’huile de palme, y compris pour les plans actuels d’investissement dans les pays ACP. 

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