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Les pays ACP et les demandes croissantes du secteur privé en matière de certification de la durabilité

25 mai 2014

Introduction

Au cours des deux décennies ayant précédé la crise financière, les habitudes alimentaires dans l’UE ont subi de profonds changements, les consommateurs manifestant davantage d’intérêt pour des produits aux qualités différentes, telles que la méthode de production ou le lieu d’origine. Le ralentissement économique a rendu de nombreux consommateurs plus sensibles au prix, mais cela a freiné plutôt qu’inversé la tendance amorcée.

Cette tendance a donné naissance à une Politique de qualité des produits agricoles officielle de l’UE, qui fait maintenant partie intégrante du processus de réforme de la politique agricole commune (PAC) de l’UE, mais qui a également conduit à une prolifération des normes du secteur privé : en 2012, l’utilisation des « écolabels ou des normes de durabilité volontaires (NDV) » a augmenté de 41 %, créant une situation où coexistent maintenant « pas moins de 435 normes de durabilité ou d’écolabels revendiquant un certain aspect de la durabilité ». Les normes de durabilité volontaires (NDV) couvrent à présent des segments de marché de plusieurs milliards de dollars dans lesquels les producteurs ACP ont des intérêts majeurs en termes d’exportation (par ex. les fruits et légumes, le thé, le café, le cacao, le coton, l’huile de palme et les produits de la pêche)1.

À ce jour, il semble que, dans un contexte ACP-UE, une attention politique insuffisante a été accordée aux conséquences en matière de marché et de commerce de ces normes privées. Il s’agit là d’une lacune politique importante, avec des conséquences potentiellement sérieuses pour les exportateurs ACP2.

L’émergence des exigences de certification de la durabilité du secteur privé revêt différentes formes. Il apparaît que, « comme les NDV sont devenues la règle, le niveau d’exigence de ces normes a baissé, ce qui souligne l’importance de comprendre les impacts d’une adoption généralisée »3. Ceci est particulièrement vrai en ce qui concerne l’impact des NDV sur les agriculteurs pauvres et sur les petits producteurs en général.

Certains exemples illustrent quelques-unes des principales tendances. En juin 2012, « tous les grands supermarchés, sociétés de négoce et ONG aux Pays-Bas » ont signé un pacte, les engageant à ce que « tous les fruits et légumes frais vendus dans les supermarchés néerlandais soient durablement produits » à l’horizon 2020. Le pacte couvre plus de 90 % du volume au détail des fruits et légumes vendus aux Pays-Bas4 – ce qui représente 14,6 % du commerce mondial des produits horticoles (importations, exportations et réexportations) et 34,9 % des importations allemandes, 15,9 % des importations britanniques et 7,6 % des importations belges. Étant donné l’importance des ports et des marchés de gros néerlandais pour la distribution des fruits et légumes dans de nombreuses régions d’Europe du Nord, cette initiative, entièrement conduite par le secteur privé, pose certains défis aux exportateurs ACP.

En juin 2012, le label « Origin Green » de l’Irish Food Board a également vu le jour, qui vise à différencier les produits alimentaires et les boissons d’origine irlandaise des produits importés par la certification de la « durabilité ». Ceci a des implications potentielles pour le positionnement de marché des exportateurs ACP. Bien que ces types d’initiative puissent être importants pour aborder les préoccupations liées au changement climatique, elles peuvent en fonction de leur application créer des obstacles à la concurrence des importations.

Dans le secteur de la pêche, les exigences de durabilité vont plus loin encore, des efforts étant actuellement consentis pour lier l’accès au marché de l’UE à la mise en œuvre de pratiques de pêche durables. Cette mesure est apparue dans le cadre de la réglementation de l’UE relative à la lutte contre la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), mais certains craignent que ces mesures puissent être utilisées comme des barrières non tarifaires au commerce.

En novembre 2012, l’UE a publié une liste de pays qui pourraient se voir appliquer des sanctions commerciales pour leur manque de coopération dans la lutte contre la pêche INN5. Par la suite, les États-Unis ont publié une liste similaire de 10 pays engagés dans la pêche INN. Malgré un plan d’action de la FAO fournissant un cadre commun pour évaluer la conformité aux exigences INN, il y a très peu de correspondances entre les deux listes. Ceci suggère l’absence de critères pouvant être vérifiés de manière objective et la nécessité d’une plus grande transparence et d’un dialogue plus approfondi sur cette question, étant donné les conséquences commerciales potentielles.

Implications

Le développement des exigences de certification de la durabilité comporte une série d’implications. L’initiative de durabilité néerlandaise soulève des questions sur la véritable préparation des fournisseurs ACP à se conformer aux nouvelles normes par rapport à leurs concurrents dans les pays non ACP, qui sont déjà nombreux à exploiter les opportunités de marché de l’UE découlant des nouveaux ALE conclus. Elle pose également des questions sur ce qu’il adviendrait des secteurs d’exportation des fruits et légumes ACP si la certification de la durabilité devenait la norme de l’industrie6 sans aborder réellement la question du mode de répartition des coûts et bénéfices de la certification de la durabilité le long de la chaîne d’approvisionnement.

Par ailleurs, l’introduction de systèmes nationaux de certification de la durabilité met en lumière la nécessité de s’assurer que ces systèmes ne sont pas systématiquement discriminatoires à l’égard des produits ACP qui se conforment aux mêmes normes de durabilité sous-jacentes. Dans le cas contraire, cela pourrait contraindre les exportateurs ACP à ne desservir que des segments de marché à bas prix, malgré le fait que les produits ACP puissent satisfaire aux mêmes normes sous-jacentes et qu’ils puissent avoir une empreinte carbone inférieure.

Les développements dans le secteur de la pêche de l’UE ont des implications plus vastes. Lorsqu’une base juridiquement défendable sera établie pour imposer des exigences de processus de production qui limitent l’accès au marché de l’UE pour les produits de la pêche, celle-ci pourrait potentiellement être élargie à d’autres produits (par ex. la certification de la production de cacao comme ne recourant pas au travail des enfants ; la certification du bien-être animal pour les produits de la viande ; la certification de la durabilité pour l’huile de palme). Cette question des exigences d’accès au marché basées sur les processus de production semblerait être un autre domaine où une action concertée du Groupe ACP serait utile.

Des questions se posent

Bien que les exportateurs ACP n’aient pas été passifs face à la montée des exigences de certification de la durabilité et à la prolifération des systèmes de certification, il y a un risque que les efforts nationaux, régionaux et sectoriels des producteurs ACP finissent par constamment devoir rattraper le retard puisque les normes privées continuent d’évoluer, bien souvent sous la pression des organisations nationales de producteurs.

Dans ce contexte, une initiative aidant les producteurs ACP à devancer la tendance en matière de normes privées semble nécessaire, en établissant des directives claires et des codes de conduite pour l’élaboration de normes privées. Cela pourrait se fonder sur les directives existantes de l’UE pour les systèmes de certification volontaires7, mais en les élargissant pour répondre aux préoccupations des producteurs ACP.

Un engagement ACP efficace dans les discussions émergentes sur le fait de lier les exigences des processus de production aux accords d’accès au marché semble également nécessaire.

Une intervention politique rapide et informée des pays ACP, toujours en cours de formulation, pourrait éviter à l’avenir des problèmes sérieux en matière d’accès au marché. 

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