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Possibilités d’alléger la pauvreté en mettant l’accent sur la production de biocarburants en Tanzanie

06 avril 2013

D’après un article publié en août 2012 dans le journal Energy Economics, « un modèle récursif dynamique d’équilibre général calculable » de production de biocarburants en Tanzanie a conclu que « la production d’éthanol basée sur le manioc est plus rentable qu’avec d’autres intrants », mais que cela exigera d’« améliorer la productivité des petits exploitants » si l’on veut réduire la pauvreté grâce au développement des biocarburants. Il apparaît que, « si l’on peut améliorer les rendements des petits exploitants plutôt que d’augmenter les terres cultivées, les systèmes de sous-traitance tant pour la canne à sucre que pour le manioc génèrent des résultats similaires en faveur des pauvres ». Ceci conforte l’opinion selon laquelle « les biocarburants pourraient aider les pays à faible revenu à surmonter leur dépendance à l’égard des importations de pétrole tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre et en augmentant la participation des agriculteurs au processus de croissance ».

Cependant, l’article note que les compromis entre production de biocarburants et production alimentaire dans les pays à faible revenu ont été remis en question dans certains milieux. Des auteurs affirment que « le détournement des ressources de la production alimentaire pourrait accroître la dépendance des ménages à l’égard des aliments commercialisés », les revenus de la production de biocarburants étant insuffisants « pour compenser les prix plus élevés des denrées alimentaires ». Dans ce contexte, il apparaît que, pour chaque litre d’éthanol produit, le manioc exige une surface de culture plus importante que la canne à sucre.

Les résultats de l’article indiquent que les « prix des denrées alimentaires à la consommation augmenteront en réponse à la production de biocarburants » en Tanzanie, puisque « les producteurs alimentaires doivent jouer des coudes avec les producteurs de biocarburants pour les terres et la main-d’œuvre ». Toutefois, cette concurrence pour les terres aura essentiellement un impact sur les cultures destinées à l’exportation et non sur celles destinées à la production alimentaire nationale. S’agissant de la production alimentaire, on estime que, si les rendements des intrants utilisés dans la production de biocarburants peuvent être accrus, la production alimentaire « augmentera alors dans le cadre de la plupart des scénarios de production de biocarburants, même si les coûts plus élevés des terres et de la main-d’œuvre impliquent des prix alimentaires réels plus élevés dans l’ensemble ».

Les résultats de l’exercice de modélisation suggèrent que, « bien que tous les scénarios de production de biocarburants améliorent le bien-être des ménages, ce sont les systèmes de sous-traitance à petite échelle, en particulier pour les cultures traditionnelles des petits exploitants comme le manioc, qui sont plus efficaces pour augmenter les revenus des ménages les plus pauvres ». Il est recommandé que le gouvernement de la Tanzanie « examine les opportunités d’impliquer les petits exploitants dans la production de biocarburants ».

Alors que l’analyse reconnaît que les efforts visant à augmenter les rendements des cultures des petits exploitants ont été confrontés à des difficultés par le passé, les conclusions de cette même analyse ont eu tendance à ignorer ce point. De la même manière, l’analyse exclut « les coûts du secteur public » associés à la mise en place de l’industrie des biocarburants en Tanzanie, qui pourraient avoir un impact sur les conclusions générales tirées en ce qui concerne les avantages du développement des biocarburants dans le pays.

Quelles que soient les possibilités de développement de la production nationale de biocarburants pour les pays ACP, tous sont affectés par la production bioénergétique des principaux acteurs mondiaux, qui ont contribué à la hausse récente des prix des céréales. D’après un rapport en ligne de Timothy Wise, directeur du Global Development and Environment Institute de la Tufts University, une récente enquête de la US National Academy of Sciences « a estimé que le développement des biocarburants au niveau mondial a représenté 20 à 40 pour cent des hausses de prix enregistrées en 2007-8 ». Le rapport considère que les politiques des États-Unis ont eu un impact significatif sur les prix mondiaux : en 2011, environ 40 % de la production de maïs du pays ont été utilisés pour produire de l’éthanol. S’agissant du plus gros exportateur mondial, « ce détournement de l’ordre de 15 pour cent de la production mondiale de maïs de l’alimentation humaine et animale vers la production de biocarburants a créé un choc de la demande sur les marchés mondiaux ».

Utilisant un modèle d’équilibre partiel précédemment appliqué à l’effet des politiques américaines en matière de biocarburants sur le Mexique, un document de travail de l’université Tufts rédigé par Timothy Wise suggère qu’entre 2006 et 2011 le développement de la production d'éthanol aux États-Unis permet d’estime les coûts d’importation des pays importateurs nets de maïs à 11,6 milliards $US, « les pays en développement absorbant plus de la moitié de ces coûts ». D’après le document, « les pays en développement importateurs nets de produits alimentaires ont supporté des coûts de 2,1 milliards de dollars sur six ans ». 

Commentaire éditorial

Les partisans des biocarburants dressent un tableau très encourageant de ce qui attend les pays ACP bien dotés : l’utilisation de certaines ressources pour produire des biocarburants aidera, au pire, à compenser une augmentation des prix des denrées alimentaires causée par les politiques en matière de biocarburants d’autres pays et, au mieux, à augmenter les exportations du pays. Cependant, comme le montre l’analyse aux États-Unis, l’augmentation de l’utilisation des ressources agricoles pour un objectif précis peut tout simplement les détourner d’autres usages. La recherche sur le potentiel des biocarburants en Tanzanie fait apparaître qu’ils pourraient contribuer au développement économique – mais uniquement si cette augmentation de la production des biocarburants ne se fait pas au détriment d’autres utilisations ayant des effets plus importants sur le bien-être. Parce qu’il élude à la fois les défis liés à la hausse de la productivité des petits exploitants et les coûts du secteur public, le cas tanzanien n’est en aucune façon le dernier mot sur la question.

La production de manioc a généralement été négligée en Tanzanie en raison de l’absence de débouchés commerciaux. La production de biocarburants, destinée à remplacer le combustible de chauffage et d’éclairage importé dans les zones rurales, pourrait offrir des possibilités de développement de ces régions arides et semi-arides où le manioc est traditionnellement cultivé et qui présentent un potentiel d’expansion considérable.

Les agriculteurs tanzaniens ont déjà fait preuve de réactivité face aux incitants commerciaux offerts pour les cultures traditionnelles, la production de sorgho augmentant en réponse à son utilisation croissante dans l’industrie brassicole, mais certaines difficultés ont été rencontrées avec la culture de jatropha en tant que biocarburant. Dans le secteur du manioc, les problèmes ont essentiellement trait à la création de filières du manioc opérationnelles et à la levée des contraintes qui pèsent sur l’amélioration des rendements (notamment le contrôle des ravageurs et des maladies). Ceux-ci peuvent exiger de nouveaux investissements substantiels, afin de ne pas détourner les terres, la main-d’œuvre, l’eau et d’autres intrants des cultures génératrices de revenus plus élevés. 

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