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L’absence de contrôle de la Namibie sur sa filière de ressources halieutiques affecte les bénéfices retirés des pêcheries

11 janvier 2013

Un entretien avec Mme Ndiitah Nghipondoka-Robiati

Ndiitah Nghipondoka-Robiati est la Coordinatrice nationale du Namibia Trade Forum (NTF). Le NTF est un partenariat public–privé établi par le gouvernement namibien afin de renforcer la collaboration entre le gouvernement et le secteur privé sur des questions liées au commerce international et à l’investissement, notamment dans le secteur de la pêche. Le NTB informe également les producteurs namibiens des tendances du commerce international et de l’investissement, et des défis et opportunités qui se présentent à eux.

Q: Dans le débat actuel concernant le report de l’échéance pour la signature d’un APE de 2014 à 2016, la plupart des observateurs insistent sur le fait que la chose la plus importante serait d’avoir un « partenariat favorable au développement ». Qu’est-ce que cela signifie dans le cas des pêcheries namibiennes ?

L’accord de partenariat économique est censé être basé sur trois piliers : l’intégration régionale, le développement et l’accès au marché. Mais en réalité, les discussions mettent l’accent quasi exclusivement sur l’accès au marché, tandis que l’intégration régionale et en particulier le développement, ne sont encore que des déclarations de principe.

S’agissant des pêcheries, pour avoir un « partenariat favorable au développement », il conviendrait d’abord et avant tout d’aider à développer la transformation locale à plus forte valeur ajoutée. Actuellement, nous exportons principalement du merlu brut vers l’Espagne, ce qui contribue à maintenir plusieurs milliers d’emplois. Imaginez si ces emplois pouvaient être créés ici !

Mais le développement d’une telle industrie de la transformation n’est pas favorisé par les conditions actuelles proposées par l’UE au titre des négociations d’APE, en particulier en ce qui concerne les règles d’origine pour les produits de la pêche.

Pour l’heure, ces règles stipulent que le poisson est admissible en tant que produit « originaire » uniquement s’il a été capturé au sein des eaux territoriales de la Namibie – jusqu’à 12 milles marins des côtes – ou par des navires locaux ou européens.

Mais cette règle s’avère problématique dans notre cas car, généralement, nous ne pêchons pas dans la zone des 12 milles pour des raisons de préservation des ressources, puisqu’il s’agit de la zone où plusieurs poissons se reproduisent et vivent les premiers stades de leur cycle de vie. La plupart de nos poissons, comme le chinchard et le merlu, nagent en dehors de la zone des 12 milles …

Ce que la Namibie réclame, conformément à notre Constitution, est que tous les poissons capturés dans les 200 milles de nos zones économiques exclusives (ZEE), et débarqués dans les ports namibiens pour transformation, soient qualifiés de produits originaires. L’UE accepte cela uniquement dans les cas de navires loués ou affrétés par les opérateurs namibiens, à condition que les opérateurs européens aient bénéficié d’un droit de premier refus. Mais les opérateurs non-UE sont parfois meilleur marché et offrent de meilleures conditions à ces opérations d’affrètement ! Pourquoi devons-nous prendre l’option la plus coûteuse d’abord ?

Un autre obstacle au développement de produits transformés est que nous ne pouvons bénéficier du cumul avec l’Afrique du Sud pour les produits de la pêche. Aussi, par exemple, nous ne pouvons pas faire du pilchard avec des tomates en boite si nous devons importer des tomates d’Afrique du Sud – il s’agit là d’un obstacle au développement des produits locaux à plus forte valeur ajoutée.

Q: Le commerce de poisson Namibie–UE est-il susceptible d’être affecté par l’érosion des préférences ?  

Je ne pense pas que l’érosion des préférences soit un gros problème pour la Namibie. Notre merlu est très prisé, et il est très populaire sur les marchés de l’UE, en particulier en Espagne. En outre, des investissements massifs ont été consentis par les entreprises de pêche espagnoles avec les filiales namibiennes dans le secteur du merlu, de sorte que les canaux de commercialisation sont maintenant bien établis, et je pense qu’il est peu probable que ces canaux soient fort affectés par l’érosion des préférences.

Ce qui m’inquiète le plus est la manière dont notre merlu est commercialisé en Europe par ces entreprises, et si elles le font de manière à maximiser nos bénéfices et à renforcer la position du merlu namibien sur les marchés de l’UE.

Les prix du merlu namibien sur les marchés du sud de l’Europe sont sous pression à cause de la crise économique en Europe. Certains signes indiquent également que, du fait de la crise, les consommateurs européens se tournent de plus en plus vers des poissons meilleur marché, remplaçant les produits plus onéreux comme le merlu par du pangasius d’élevage.

Q: Donc, que faudrait-il faire?

Je pense que des stratégies de commercialisation doivent être adoptées de façon à éviter que cette substitution ne se produise, en rendant les qualités du merlu namibien plus reconnaissables et attrayantes pour les consommateurs européens.

Pour ce faire, nous devons créer un lien entre la Namibie, là où le merlu est produit, et le consommateur final en Europe.

Nous devons également cibler des marchés de niche, où nos produits haut de gamme peuvent obtenir de meilleurs prix.

Mais malheureusement, nous ne contrôlons pas cette partie de la chaîne : lorsque le merlu est sorti de l’eau et tombe entre les mains des entreprises espagnoles, nous n’avons pas beaucoup d’influence sur la manière dont notre poisson est ensuite commercialisé.

Je pense que nous devrions essayer de trouver un moyen de dialoguer avec les entreprises espagnoles qui ont investi en Namibie sur ces questions de commercialisation, puisqu’il est de notre intérêt commun d’améliorer la commercialisation de nos produits.

Q: Ces entreprises espagnoles sont-elles les entreprises impliquées dans les entreprises conjointes ?

Oui, nous avons de nombreuses entreprises conjointes namibio-espagnoles qui ont été créées avec un capital espagnol, dont la plupart sont impliquées dans l’exploitation du merlu.

La plus célèbre d’entre elles, qui s’est installée en Namibie peu après l’indépendance de notre pays, est Pescanova, dont la filiale namibienne est appelée Novanam. Elle emploie des milliers de Namibiens et a contribué de manière importante au développement des activités économiques dans la ville portuaire de Luderitz.

Toutefois, de nouvelles entreprises étrangères viennent s’installer en Namibie pour former des entreprises conjointes avec les entreprises locales. Ces derniers mois, par exemple, une nouvelle entreprise conjointe pour l’exploitation de chinchard a été mise sur pied, avec le concours de la filiale de la multinationale de Pacific Andes, à savoir China Fishery Group et d’une entreprise locale.

Cette entreprise conjointe est une des 10 nouvelles arrivées dans la pêche au chinchard où l’on ne dénombrait, jusqu’à présent, pas plus de 12 titulaires de droits de pêche.

La décision de laisser entrer de nouveaux acteurs dans le secteur de la pêche au chinchard a été prise pour des raisons politiques, afin d’intégrer davantage de namibiens dans le secteur.

Pour accueillir ces nouveaux arrivants, les totaux admissibles de capture (TAC) ont été augmentés de 70 000 tonnes à 320 000 tonnes.

Bien sûr, la durabilité de la pression de pêche globale sur ce stock doit être évaluée, ce qui sera fait à la fin de cette année, lorsque les mesures correctives potentielles pour établir les TAC de l’année prochaine seront prises.

Les titulaires de droits de pêche se sont inquiétés du fait que leur rentabilité puisse être affectée s’ils se voyaient allouer une part moins importante du gâteau des TAC, parce qu’ils devraient le partager avec les nouveaux arrivants.

Toutefois, je pense qu’avec l’intensification de la concurrence entre un nombre plus important de titulaires de droits, seuls ceux pouvant récolter des bénéfices raisonnables – parce qu’ils ont des navires plus récents, des stratégies innovantes, etc. – resteront actifs. Cela pourrait mener à une concentration de la propriété aux mains des entreprises les plus compétitives.

Une de mes préoccupations a trait à la durabilité environnementale de l’ensemble de l’opération. Ces navires sont de gros navires, capturant d’énormes quantités de petits pélagiques, qui constituent la base de la chaîne alimentaire marine.

En cas de surpêche – soit parce que les TAC ont été fixés à un niveau trop élevé, soit parce que certains titulaires de droits commencent à pêcher plus car ils estiment que le quota est trop faible – cela compromettrait l’avenir de l’ensemble de la pêcherie, et les moyens de subsistance de milliers de Namibiens.

Dans tout cela, nous devons regarder quels sont les bénéfices pour la population namibienne, essentiellement en termes d’emplois et de revenus à long terme, de bonnes conditions de travail pour les gens pêchant sur les navires des entreprises conjointes, etc.

Q: Nous avons entendu parler récemment d’un accord de pêche entre la Namibie et le Mozambique. Une telle coopération Sud-Sud offrirait-elle de meilleures perspectives pour un partenariat axé sur le développement ?

En effet, la Namibie a signé un accord de pêche avec le Mozambique, qui implique que chaque pays offre un quota de pêche substantiel à l’autre. Les espèces capturées dans les deux pays sont différentes, et cela peut contribuer à renforcer les exportations de poisson.

Un quota de 35 000 tonnes de poisson sera alloué à la Namibie dans les eaux mozambicaines, mais les espèces concernées ne sont pas bien déterminées, tout comme les bénéficiaires et les conditions d’accès. C’est un problème dans la plupart des accords de pêche : ils sont très opaques. Au moins, dans les accords de pêche de l’UE, vous savez exactement ce qui a sur la table, à condition toutefois de comprendre les implications de chaque point.   

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