CTA
Petite police
Polic moyenne
Grande police
English |
Passer à l'anglais
Français
Passer au français
Filtrer par Questions agricoles
Produits de base
Régions
Type de publication
Filtrer par date

Les réponses des entreprises africaines et européennes à l’abolition des quotas laitiers de l’UE

11 mai 2014

Contexte

La demande des consommateurs pour des produits laitiers augmente rapidement en Afrique subsaharienne (une hausse de 22 % en six ans). La réponse des producteurs locaux de lait et de produits laitiers dans les différentes régions africaines, cependant, varie considérablement. Plusieurs gouvernements cherchent à renforcer l’approvisionnement en lait produit au niveau local pour réduire la dépendance à l’égard des matières premières importées et à soutenir le développement rural et la création d’emplois.

L’abolition des quotas de production de lait de l’UE générera une augmentation de la production de lait dans les régions productrices de lait les plus compétitives de l’UE, ce qui explique l’intérêt croissant des entreprises de l’UE pour le secteur laitier africain. Par exemple, la laiterie européenne Arla, basée au Danemark, estime qu’après l’abolition des quotas « les producteurs de lait d’Arla produiront au moins un milliard de kilos de lait de plus par an qu’aujourd’hui ». Le président du conseil d’administration d’Arla affirme que l’augmentation des ventes de produits laitiers à de nouveaux consommateurs dans les marchés émergents « aidera à maintenir la viabilité des activités laitières dans le nord de l’Europe ». C’est dans ce contexte que, en janvier 2013, Arla a annoncé qu’elle envisageait de se concentrer davantage sur les marchés hors Union européenne, notamment « la Russie, la Chine, le Moyen-Orient et l’Afrique »1.

Les marchés ouest-africains et est-africains suscitent un vif intérêt. En octobre 2012, la Confédération danoise des industries (DCI) a organisé un atelier pour examiner les opportunités dans le secteur laitier en Afrique de l’Est. D’après le site web de la DCI, « l’Afrique de l’Est (…) offre des conditions favorables aux entreprises danoises puisque le secteur laitier (…) enregistre une hausse de la consommation de lait et est en cours de modernisation de ses canaux commerciaux ». La DCI fait valoir que « les entreprises danoises liées aux produits laitiers peuvent offrir des produits, services et solutions aux marchés est-africains en pleine croissance » et contribuer « à développer les marchés de manière rentable ». L’atelier a montré que, « en général, le secteur laitier sur le continent africain présente un potentiel d’investissement majeur »2.

En Afrique de l’Ouest, en septembre 2013, Arla a annoncé la mise en place d’une entreprise conjointe en Côte d’Ivoire pour le conditionnement et la vente de lait en poudre produit au Danemark. Le partenaire de l’entreprise conjointe, Mata Holdings, conditionne déjà des sachets de soupe en portions individuelles, et utilisera les mêmes sachets pour reconditionner le lait en poudre danois. L’opération sera entreprise dans une « nouvelle station de conditionnement mobile » qui fonctionne à partir de « trois containers de 40 pieds », en utilisant des panneaux solaires pour alimenter un cycle de production de 12 heures dans un environnement à température contrôlée. L’installation a une capacité annuelle de transformation de 2 000 tonnes de lait en poudre, en reconditionnant les sacs de 25 kg en sachets de 25 g qui fournissent un verre de lait une fois celui-ci reconstitué. La station de conditionnement mobile est considérée comme un moyen de développer à faible coût de nouveaux marchés3.

Prévisions des exportations de lait écrémé en poudre de l’UE (en milliers de tonnes4)

2009 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020 2021 2022 2023
231   454 576 607 619 622 623 624 634 635 637

Source : CE, « Prospects for agricultural markets… », tableau 6.27, décembre 20135.

L’investissement d’Arla doit être envisagé dans le contexte d’une expansion majeure des exportations de lait écrémé en poudre de l’UE, en cours depuis 2009 : les exportations avaient depuis lors plus que doublé en 20116 et devraient connaître une croissance soutenue sur la période 2014-2022 (+ 40 %)7.

La stratégie de plus en plus orientée vers l’extérieur adoptée par Arla reflète celle des laiteries rivales européennes FrieslandCampina (Pays-Bas) et Danone (France). En 2012, le PDG de FrieslandCampina a souligné la possibilité pour le Nigeria de « devenir l’un des plus grands producteurs de produits laitiers au monde ». La filiale nigériane locale FrieslandCampina WAMCO (FCW) approvisionne déjà Peak, la principale marque de lait du Nigeria, au moyen de matières premières essentiellement importées des Pays-Bas. L’entreprise travaille à développer l’offre de lait locale, et le lait brut produit au Nigeria est déjà utilisé pour produire du lait concentré. Depuis 2011, FCW s’est employée à mettre en place un centre de collecte de lait pilote ayant un objectif à court terme de 10 % d’achat de lait local, qui augmentera à 50 % dans 10 ans8.

En octobre 2013, Danone a rejoint le Groupe Abraaj pour racheter Fan Milk International (FMI), une entreprise de distribution de produits laitiers et de jus de fruits détenant un vaste réseau de distribution à travers six pays ouest-africains et, semble-t-il, 85 % et 89 % respectivement des marchés nigérian et ghanéen. En janvier 2014, Danone a annoncé son intention de racheter la part du Groupe Abraaj dans Brookside Dairy, la plus grande laiterie d’Afrique de l’Est9.

Implications

En fonction de la manière dont le commerce de lait écrémé en poudre est organisé entre l’UE et les pays africains, il peut soutenir le développement des chaînes d’approvisionnement des laiteries en lait local ou il peut les perturber et leur porter préjudice. Le développement des chaînes d’approvisionnement des laiteries en lait local peut être perturbé si l’on modifie la proportion de lait frais et de lait écrémé en poudre utilisée dans les produits laitiers transformés, les poudres de lait importées étant utilisées pour établir les prix du lait local, ou le développement de la demande locale de lait peut être affecté en augmentant la disponibilité des sachets de lait en poudre, faisant ainsi potentiellement concurrence aux fournisseurs de lait frais.

L’expérience en Afrique du Sud dans les années 1990 suggère que, face aux stocks excédentaires de poudre de lait dans l’UE, deux modèles distincts d’investissement de l’UE peuvent intervenir. D’une part, des entreprises conjointes peuvent être créées en mettant l’accent sur le développement de marchés pour les nouveaux produits laitiers à plus forte valeur ajoutée et le renforcement des chaînes d’approvisionnement en lait local. D’autre part, le rachat de laiteries locales peut survenir uniquement pour accéder aux canaux de distribution locaux et intégrer le secteur local de la transformation laitière dans les chaînes d’approvisionnement mondiales pour les ingrédients laitiers. Ces différentes structures d’investissement peuvent avoir des effets très différents sur la production locale de lait et l’élevage laitier2.

La précédente expérience sud-africaine souligne la nécessité d’envisager très sérieusement une réglementation efficace du commerce de lait en poudre et d’autres ingrédients du secteur laitier dans le cadre des efforts gouvernementaux pour promouvoir le développement du secteur laitier local. Plus récemment, une dimension importante de politique régionale s’est imposée à mesure que les laiteries sud-africaines intègrent de plus en plus d’importations de lait en poudre dans leurs stratégies régionales pour augmenter les exportations de produits laitiers. La politique commerciale du lait en poudre est donc une question intéressant le secteur laitier régional et national.

Des questions se posent

Compte tenu de l’intérêt croissant des entreprises de l’UE pour les secteurs laitiers africains, une question clé est de savoir comment mettre cet intérêt des entreprises au service du développement des chaînes d’approvisionnement de lait local pour satisfaire la demande croissante des consommateurs pour des produits laitiers. La question suivante se pose :

  • Quelles mesures politiques les gouvernements peuvent-ils mettre en place pour encourager des formes d’investissement d’entreprises de l’UE qui à la fois développent structurellement le secteur laitier local et intègrent de plus en plus les producteurs laitiers locaux dans les chaînes d’approvisionnement en produits laitiers locaux ?

De toute évidence, le soutien du gouvernement aux initiatives du secteur privé visant à répondre aux contraintes de production et d’infrastructures le long des chaînes d’approvisionnement des produits laitiers serait bien utile. Cependant, une politique nuancée sur l’autorisation d’importations en franchise de droits de lait en poudre pourrait également jouer un rôle.

Notes

1. Bien que la Chine soit le marché présentant le plus grand potentiel, les exportateurs de l’UE subissent une forte concurrence des exportateurs concurrents.

2. CTA, Agritrade, « La fin des quotas laitiers génère un intérêt plus marqué des laiteries européennes pour les marchés étrangers », 4 mars 2013

http://agritrade.cta.int/Agriculture/Commodities/Dairy/End-of-dairy-quot...

3. CTA, Agritrade, « Arla lance une usine de conditionnement de lait en poudre clé en main en Côte d’Ivoire », 27 octobre 2013

http://agritrade.cta.int/en/Agriculture/Commodities/Dairy/Arla-launches-...

4. 3 480 litres de lait écrémé liquide sont nécessaires pour fabriquer 1 tonne de lait écrémé en poudre.

5. CE, « Prospects for agricultural markets and income in the EU 2013-2023 », tableaux statistiques, décembre 2013

http://ec.europa.eu/agriculture/markets-and-prices/medium-term-outlook/2...

6. CTA, Agritrade, « Développements et perspectives du secteur laitier de l’UE », 15 avril 2013

http://agritrade.cta.int/Agriculture/Commodities/Dairy/EU-dairy-sector-d...

7. CTA, Agritrade « Bonnes perspectives pour les exportations laitières de l’UE mais la concurrence s’intensifie », 3 mars 2014

http://agritrade.cta.int/Agriculture/Commodities/Dairy/Good-prospects-fo...

8. CTA, Agritrade, « Développer la participation des entreprises néerlandaises dans l’approvisionnement local de lait au Nigeria », 15 avril 2013

http://agritrade.cta.int/Agriculture/Commodities/Dairy/Expanding-Dutch-c...

9. Theafricareport.com, « Danone eyes Kenya’s Brookside Dairy », 14 janvier 2014

http://www.theafricareport.com/North-Africa/danone-eyes-kenyas-brookside...

Commenter

Termes et conditions