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Financement des contrôles des denrées alimentaires et des aliments pour animaux de l'UE : développements récents et implications pour les pays ACP

17 janvier 2015

Introduction

L'OCDE, dans sa publication « Non-tariff measures in agri-food trade: Improving policy coherence for development » (Les mesures non tarifaires dans le commerce agroalimentaire : améliorer la cohérence politique pour le développement) de janvier 2013, a souligné que, avec le démantèlement des barrières tarifaires classiques au commerce, les mesures non tarifaires (MNT) ont gagné en importance. D'après l'analyse de l'OCDE, « l’impact des MNT sur le commerce en termes de coûts est plus important que les droits de douane actuels qui freinent le commerce ». Ces mesures non tarifaires adoptent des formes diverses et servent toute une série d'objectifs légitimes. Toutefois, la CNUCED a noté dans sa publication « Non-tariff measures to trade: Economic and policy issues for developing countries » (Les mesures non tarifaires dans le commerce agroalimentaire : questions économiques et politiques pour les pays en développement), parue en août 2013, que ces mesures, bien que ce soit de manière involontaire, peuvent avoir des « effets restrictifs et de distorsion » qui « pourraient systématiquement défavoriser (…) les pays en développement et encore plus les pays à faible revenu et les moins avancés ».

Plusieurs pays ACP entrent dans cette dernière catégorie des pays les moins avancés (PMA) et à faible revenu. La CNUCED a mis en lumière comment « les MNT peuvent avoir des effets assez divers, en fonction non seulement de leur type et de leur portée, mais également du cadre économique dans lequel elles sont appliquées » (voir article Agritrade «  Exportations agroalimentaires des pays ACP : l’importance croissant... », 26 mai 2014).

La crise économique et financière mondiale de ces dernières années a transformé le contexte économique dans lequel les États membres entreprennent les contrôles officiels requis pour garantir la biosécurité et la sécurité des denrées alimentaires importées placées sur le marché de l'UE. Cela a incité certains États membres de l'UE, plus particulièrement le Royaume-Uni, à engager des réformes quant à la manière dont ils gèrent et financent les contrôles officiels sanitaires et phytosanitaires (SPS) et de sécurité des denrées alimentaires et des aliments pour animaux.

S'agissant des contrôles SPS, les autorités britanniques ont accru les effectifs réalisant les inspections pertinentes et augmenté la fréquence des inspections des importations exigeant un certificat phytosanitaire, afin d'aligner la fréquence des inspections sur les exigences de l'UE. Depuis avril 2012, ceci a été accompagné par un passage progressif au recouvrement total des coûts des inspections des importations réalisées.

Ceci comporte des implications financières importantes pour les exportateurs ACP des produits affectés dont le marché principal est le Royaume-Uni. Les nouveaux exportateurs n'ayant pas de registres d'exportation établis, ou ayant des volumes d'exportation limités, sont confrontés à de sérieux défis.

En réponse aux pressions fiscales croissantes à travers l'UE et aux préoccupations en matière de concurrence découlant des différences dans les frais d'inspection, en mai 2013, la Commission européenne (CE) a proposé « une approche plus cohérente des contrôles officiels » dans tout le secteur alimentaire et agricole de l'UE et de changer « la manière dont les contrôles sont financés », en évoluant progressivement vers le plein recouvrement des coûts d'inspection (voir article Agritrade «  Exportations agricoles ACP et changements proposés au règlement de l’UE... », 12 mai 2014).

S'agissant des contrôles SPS sur les fleurs coupées et certaines importations de fruits et légumes exigeant un certificat phytosanitaire, ce rapport spécial s’attache à décrire et examiner :

  • le cadre de l'UE pour les inspections SPS des produits importés ;
  • l'expérience britannique en matière de transition vers le recouvrement total des coûts des contrôles officiels des importations liés aux normes SPS ;
  • le contexte et le statut des propositions de la CE de mai 2013 pour réformer le financement des contrôles des denrées alimentaires et des aliments pour animaux ;
  • les implications pour les exportateurs ACP des produits affectés et la possibilité pour les initiatives ACP de contrer les effets haussiers de ces réformes sur les coûts.

Le cadre de l'UE pour les inspections SPS

Le niveau des redevances pour les inspections SPS réalisées par les autorités de contrôle des États membres de l'UE est basé sur le cadre fourni par la CE. Toutefois, il existe des différences importantes dans la manière dont ces services d'inspection des importations sont organisés et financés à travers les États membres de l'UE.

Pour les produits pour lesquels un certificat phytosanitaire est une condition indispensable pour les importations, les règlements de l'UE exigent à la fois des contrôles documentaires et d'identité et des inspections physiques, les coûts des inspections physiques étant la redevance prélevée la plus élevée. Cette exigence s'applique à certaines fleurs coupées et certains fruits et légumes (par ex. les aubergines).

Pour les importations de « plants à planter », une inspection de 100 % des lots est requise, et aucune exception n'est accordée. Pour d'autres produits, une fréquence réduite des inspections est possible lorsque :

  • une évaluation des risques a été réalisée ; et
  • le risque pour la biosécurité est jugé faible.

Lorsque l'évaluation des risques montre que le risque pour la biosécurité posé par un produit particulier est faible, une fréquence réduite des inspections physiques peut être approuvée, avec une réduction correspondante des redevances prélevées.

Ces réductions des redevances standard prélevées peuvent être substantielles. Par exemple, pour les exportations de fleurs coupées kényanes, les frais prélevés peuvent descendre jusqu’à 5 % des redevances standard. Ceci, parallèlement à la réduction de la fréquence des inspections, peut représenter une économie proportionnelle importante sur les coûts des inspections SPS pour les produits importés.

Pour qu'une telle évaluation des risques soit réalisée, il faut qu'au moins 200 lots aient été importés chaque année dans l'UE au cours des trois années précédentes. Cela a des implications en termes de coûts pour les pays ACP n'ayant aucun antécédent en matière d'exportations vers l'UE ou qui n'ont qu'un nombre limité de lots chaque année.

La réduction de la fréquence des inspections est optionnelle, pas obligatoire, les États membres de l'UE étant autorisés à maintenir une fréquence élevée et des redevances plus élevées pour chaque inspection.

Tableau 1 : Pourcentage minimal des lots de fleurs coupées à inspecter (règlement de la Commission (CE) 1759/2004) – Décision du 30 août 2013

Genre Pays d'origine Code tarifaire Pourcentage minimal des lots à vérifier Date effective Pourcentage minimal révisé des lots à vérifier Date effective
Aster Zimbabwe 0603199090 75 1/1/2013 100 1/1/2014
Dianthus Kenya 060312 5 1/1/2011 - -
Rose Éthiopie 060311 10 1/1/2013 - -
Rose Kenya 060311 5 1/1/2011 - -
Rose Tanzanie 060311 10 1/1/2011 15 1/1/2014
Rose Ouganda 060311 25 1/1/2011 100 1/9/2013
Rose Zambie 060311 25 1/1/2011 - -

Source : CE, « Notification of reduced plant health checks for certain products: Commission Regulation (EC) 1756/2004, Period: 01.07.2013-2014, 30 August 2013 » (voir ci-dessous).

Cette fréquence des inspections peut être modifiée tous les trois mois, sur la base de l'évaluation des risques (voir tableau 1), ceci menant à des hausses ou baisses drastiques de la fréquence des inspections et – plus particulièrement dans le cas de la transition vers le plein recouvrement des coûts – des coûts généraux des inspections SPS. Dans certains cas, des exportateurs de pays tiers ont dû abandonner les exportations vers l'UE lorsque la fréquence des inspections a été augmentée, leurs volumes d'exportation étant insuffisants pour obtenir une réduction de la fréquence.

S'agissant de la concurrence entre différents points d'entrée sur le marché de l'UE, les frais prélevés pour les inspections SPS ne sont qu'une composante des coûts imposés lors du processus de dédouanement des biens importés. Les différents points d’entrée de l'UE peuvent présenter des procédures différentes et offrir des niveaux d'efficacité différents en termes de dédouanement des lots (voir encadré I « Différences dans l'efficacité du dédouanement des importations : quelques considérations »), ceci affectant fortement les coûts nets du dédouanement SPS des importations. Il est impossible de considérer les implications de cette transition vers le plein recouvrement des coûts pour les contrôles SPS officiels sans tenir compte de ces facteurs plus généraux.

L'expérience britannique du passage au plein recouvrement des coûts des inspections

Au Royaume-Uni, les redevances pour les inspections SPS physiques sont divisées en quatre catégories :

  • les redevances standard pour le travail en journée ;
  • les redevances standard pour le travail hors journée ;
  • les redevances réduites pour le travail en journée ;
  • les redevances réduites pour le travail hors journée.

À compter d'avril 2012, le Royaume-Uni a entamé une transition vers le recouvrement total des coûts pour toutes les inspections officielles réalisées sur des produits exigeant un certificat phytosanitaire avant importation. Cela a entraîné une hausse initiale en deux étapes des redevances sur ces quatre catégories d'environ 250 %. Toutefois, en avril 2014, certaines réductions des redevances prélevées ont été introduites, à la lumière des coûts encourus pour mener les inspections au sein du nouveau cadre réformé. Cela a porté la hausse de la redevance introduite depuis 2012 à environ 236 % (avec certaines hausses spécifiques supérieures à ce niveau pour certains pays).

D'après les responsables britanniques, l'augmentation des coûts des inspections des importations vers le Royaume-Uni n'a pas été aussi élevée que prévu. Cela s’explique en partie par les améliorations d'efficacité qui ont été obtenues après le déploiement d'effectifs plus importants aux points d'entrée, et l'introduction de nouvelles technologies et procédures. Dans ce contexte, il convient de noter que, pour les importateurs, les coûts totaux des interventions par l'autorité réglementaire pourraient être plus importants que le niveau individuel des redevances prélevées par inspection, puisque les retards dans le dédouanement, dans le transfert des marchandises vers les zones d'inspection et la conservation des marchandises en attendant d'être analysées peuvent faire grimper les coûts et affecter la valeur commerciale des produits importés livrés au point de vente final. Ces gains d'efficacité, semble-t-il, ont partiellement compensé les hausses des redevances.

Encadré I : Différences dans l'efficacité du dédouanement des importations : quelques considérations

Les ports d'entrée européens peuvent appliquer des procédures différentes en ce qui concerne des facteurs tels que :

  • les exigences de prénotification ;
  • les procédures pour les contrôles documentaires ;
  • l'utilisation des échantillons fournis par des transporteurs fiables ;
  • les dispositions pour l'identification visuelle des nuisibles par les inspecteurs, qui évitent de devoir recourir aux tests en laboratoire et qui accélèrent le dédouanement des lots ;
  • l'utilisation de nouvelles technologies pour améliorer l'efficacité des services d'inspection, accélérant ainsi le dédouanement et la livraison finale aux détaillants.

Globalement, toute une série de facteurs peuvent affecter l'efficacité du dédouanement des importations et donc la valeur commerciale des lots dédouanés de denrées périssables livrés aux détaillants. Ces considérations, qui ont un impact sur l'acceptabilité des lots et les perspectives de contrats futurs, peuvent être plus importantes que les redevances prélevées pour les inspections SPS des importations. Ces facteurs plus généraux doivent par conséquent être pris en compte pour déterminer l'impact des transitions vers le plein recouvrement des coûts sur la structure des importations de produits ACP vers l'UE.

Encadré II : Un exemple des coûts encourus par les différents exportateurs ACP du fait du passage du Royaume-Uni au plein recouvrement des coûts d'inspection

Pour les importations de lots de fleurs coupées de 20 000 tiges maximum d'un exportateur bien établi tel que le Kenya, qui bénéficie de taux d'inspection réduits compte tenu de son évaluation des risques, les hausses des redevances sont relativement faibles : environ 1,68 £ pour les inspections en journée et 2,53 £ pour les inspections hors journée. Toutefois, pour les nouveaux exportateurs ACP n'ayant pas d'antécédents d'exportation d'au moins trois ans ou ayant des volumes d'exportation inférieurs à 200 lots par an, l'augmentation de la redevance est de 33,59 £ pour les inspections en journée et de 50,38 £ pour les inspections hors journée. Il s'agit là d'une augmentation bien plus importante qui pourrait potentiellement dissuader le développement des exportations non traditionnelles. Cela est d'autant plus vrai qu'avec les réformes au Royaume-Uni la fréquence moyenne des inspections a été doublée au cours des cinq dernières années afin d'aligner les inspections britanniques sur les exigences formelles de l'UE.

Par conséquent, non seulement les coûts unitaires des inspections ont augmenté, mais la fréquence des inspections a elle aussi doublé en moyenne, ce qui suggère que les redevances d'inspection sur les importations de produits exigeant un certificat phytosanitaire ont quasiment été multipliées par cinq (236 % x 2).

S'agissant des redevances pour les inspections documentaires et les contrôles d'identité, ces redevances ont initialement été réduites d'environ 25 %, mais elles ont été ultérieurement rétablies en 2014 aux niveaux de 2010 (5,71 £ par vérification documentaire et d'identité).

À ce jour, on ne sait pas quel a été l'impact de la hausse des redevances britanniques sur les structures des exportations ACP vers l'UE, en particulier pour les fleurs coupées, puisque les autorités des Pays-Bas (abritant la plupart des grandes maisons d'enchères européennes de fleurs coupées) ont également pris des mesures allant vers le plein recouvrement des coûts d'inspection.

D'après les responsables du gouvernement britannique, il n'y a pas eu de réduction marquée du nombre de lots importés au Royaume-Uni consécutive à l'augmentation des redevances prélevées. Le Fresh Produce Consortium (FPC) du Royaume-Uni a donné des exemples de produits acheminés vers d'autres points d'entrée de l'UE plutôt que vers les aéroports et ports britanniques, mais il reconnaît que cela n'est pas directement imputable aux hausses des redevances SPS.

Plus généralement, s'agissant du principe du passage au plein recouvrement des coûts des inspections SPS réalisées, bien que l'intention soit d'être non discriminatoire et de s'appliquer également aux producteurs nationaux, en réalité, aucune redevance d'inspection SPS n'a été prélevée auprès des producteurs britanniques individuels cultivant des produits qui concurrencent directement les importations sujettes à des hausses de redevances. Aucune redevance n'ayant été prélevée et les coûts des inspections SPS ayant été supportés par les deniers publics, les producteurs britanniques ne sont pas affectés par la transition vers le plein recouvrement des coûts.

Ainsi, la transition britannique vers le plein recouvrement des coûts pour les inspections SPS ne pèse que sur les produits importés et non sur les producteurs nationaux de produits concurrents. Cela diverge quelque peu de l'objectif des propositions de la CE consistant à répartir les coûts des inspections SPS et de sécurité des denrées alimentaires le long de la chaîne d'approvisionnement.

Cela pourrait potentiellement avoir des conséquences pour la compétitivité des prix des produits importés vis-à-vis des producteurs nationaux. Toutefois, les conséquences du plein recouvrement des coûts des inspections SPS pour la compétitivité des importations sont susceptibles de varier d'un produit à l'autre, d'un pays à l'autre et même d'une saison à l'autre (étant donné l'impact que le caractère saisonnier peut avoir sur les prix du marché et donc sur l'importance commerciale des coûts des inspections SPS).

La proposition de l'UE de mai 2013 sur le financement des contrôles des denrées alimentaires et des aliments pour animaux

La proposition de la CE de mai 2013 sur le financement des contrôles des denrées alimentaires et des aliments pour animaux visait à introduire le plein recouvrement des coûts pour tous les contrôles officiels SPS et de sécurité des denrées alimentaires le long de la chaîne d'approvisionnement de l'alimentation humaine et de l'alimentation pour animaux (c'est-à-dire la production nationale et les importations). L'objectif de la proposition était de garantir des ressources suffisantes pour des systèmes de contrôle officiels efficaces et « remédier aux insuffisances connues du système en place ». Le projet de règlement a proposé de prélever des redevances sur « toutes les entreprises du secteur de l’alimentation humaine et animale enregistrées (…) pour que le coût des contrôles soit réparti sur toute la filière », garantissant que les redevances futures « permettent aux autorités compétentes de récupérer entièrement les coûts supportés », tout en récompensant les opérateurs invariablement respectueux des règles avec des redevances réduites.

D’après une précédente évaluation des systèmes de contrôle officiels, il a été estimé que les États membres de l’UE collectent entre 20 % et 80 % des coûts de la réalisation des contrôles officiels, en fonction des décisions politiques nationales. Compte tenu des difficultés économiques et financières auxquelles sont confrontés plusieurs États membres de l’UE, il a été considéré que cela pourrait potentiellement saper les fonctions de contrôle essentielles. On a calculé que l’élargissement de la portée des redevances obligatoires et l’introduction du recouvrement total des coûts pourraient augmenter le financement des contrôles officiels de 2,3 milliards à 37 milliards € par an, en fonction de la base sur laquelle les redevances sont prélevées (voir article Agritrade «  Les agriculteurs européens jugent les nouvelles redevances pour les insp... », 23 mars 2014). Il a par conséquent été considéré que cela renforcerait la mise en œuvre des contrôles SPS et de sécurité des denrées alimentaires.

Le projet de proposition de la CE incluait des « mesures détaillées pour le calcul des redevances », notamment une « exonération obligatoire pour les micro-entreprises » du paiement des redevances mais pas des contrôles. Cette exonération est une reconnaissance de l’impact que ces redevances peuvent avoir sur la compétitivité des micro-entreprises.

Un lobbying intensif a été mené afin de limiter la portée du plein recouvrement des coûts pour l’éventail plus large de contrôles officiels obligatoires proposés par la CE. Par exemple, l'organisation des agriculteurs européens Copa-Cogeca a affirmé que le recouvrement des coûts pour chaque inspection serait disproportionnellement coûteux, certains agriculteurs étant incapables de répercuter les hausses de coûts le long de la filière. Les propositions de la CE ont donc été jugées « inacceptables », le Copa-Cogeca préconisant des réformes qui permettraient la reconnaissance par les organismes officiels de contrôle des systèmes d'assurance qualité privés vérifiés par un organe indépendant, afin d'éviter les doubles contrôles inutiles.

En avril 2014, aucun accord n'avait été obtenu au Parlement européen sur une série de propositions de la CE, notamment celles ayant trait au plein recouvrement obligatoire des coûts. Ceci signifie que ni le passage au plein recouvrement des coûts ni l'octroi d'une « exonération obligatoire pour les micro-entreprises » n'ont été approuvés. C'est aux gouvernements des États membres de décider s'ils adoptent ou non le plein recouvrement des coûts et de renforcer leurs contrôles officiels conformément aux exigences de l'UE.

Le débat entourant les propositions de la CE se poursuit. Selon toute vraisemblance, la question de l'adoption d'une approche commune de l'application et du financement des contrôles SPS et de sécurité des denrées alimentaires refera surface au cours des prochaines années à mesure que se poseront les problèmes de concurrence déloyale entre les points d'entrée de l'UE.

Implications pour les pays ACP

Les petits exportateurs et les exportateurs non traditionnels systématiquement désavantagés

Le fait que le Kenya ait de solides antécédents en matière d’exportation de fleurs coupées vers l’UE signifie qu’il est actuellement soumis à des frais d’inspection SPS moins élevés que les fournisseurs non traditionnels, qui peuvent supporter des frais d'inspection SPS jusqu'à 20 fois supérieurs à ceux des exportateurs kényans (voir tableau 1), pour un coût unitaire 20 fois supérieur aux frais prélevés auprès des exportateurs kényans (voir tableaux 2 et 3). Dans le contexte du passage du Royaume-Uni au plein recouvrement des coûts, qui s’est traduit par une hausse des redevances de 236 % depuis mars 2012, cela peut agir comme un frein au développement des exportations non traditionnelles.

En outre, les changements dans la fréquence des inspections, qui peuvent intervenir tous les trois mois (voir tableau 1), peuvent engendrer des hausses substantielles des coûts d'inspection. Des informations de presse indiquent qu'un exportateur à petite échelle d'un pays non ACP, qui exportait des lots uniques toutes les semaines (c'est-à-dire bien moins que les 200 lots par an requis pour une évaluation des risques et éventuellement obtenir une réduction des frais d'inspection), a été contraint de quitter les chaînes d'approvisionnement de l'UE lorsqu’il a vu ses frais d'inspection augmenter avec le doublement du pourcentage des lots soumis à une inspection (voir article Agritrade «  Les LMR de l’UE et les normes des détaillants n’affectent pas seulement... », 29 juin 2014).

Pour les petits pays ACP les moins avancés et à faible revenu envisageant de diversifier leurs exportations, il serait peut-être utile que les autorités fixent un plafond pour les redevances prélevées pour les inspections SPS, de façon à ne pas décourager la diversification des exportations. Le cas échéant, ces redevances pourraient être couvertes par un soutien de type « aide pour le commerce ».

Au minimum, il conviendrait d'envisager de plafonner les redevances pendant les cinq premières années, durant lesquelles les exportateurs pourraient se constituer de solides antécédents pour une évaluation des risques et ainsi éventuellement prétendre à une réduction des frais d'inspection. Pour les petits exportateurs, il conviendrait également de réduire le nombre minimum des lots requis par an pour une évaluation des risques et de répartir l'évaluation sur une période de temps plus longue (tout en maintenant l'exigence de « pas plus de 1 % de cas » de violations).

L'impact des hausses de coûts sur les différents types d'entreprises

L'analyse de l'ODI a suggéré que la hausse des coûts d'accès au marché de l'UE (qu'elle découle des changements tarifaires ou d'une hausse des frais d'inspection) pourrait peser plus lourdement sur les petites et moyennes entreprises, qui ont probablement un propriétaire national, plutôt que sur les grandes entreprises qui ont un propriétaire étranger et qui sont verticalement intégrées. Ainsi, les grandes entreprises et celles plus directement intégrées avec les acheteurs sont mieux à même d’absorber une hausse des droits de douane en partageant le fardeau de la hausse des coûts (voir article Agritrade «  Une analyse met en lumière l’impact différentiel de l’augmentation des c... », 11 août 2014).

Certains éléments anecdotiques donnent à penser que le fardeau financier le long de ces chaînes d’approvisionnement, découlant d’une hausse de 236 % des frais d’inspection SPS au Royaume-Uni, est en réalité partagé entre les importateurs et exportateurs (voir article Agritrade «  Le Royaume-Uni adopte le plein recouvrement des coûts pour les inspectio... », 9 juin 2014). En outre, les systèmes nationaux tels que le « Assured Trader Scheme » non officiel du Royaume-Uni, qui permet un nombre réduit d'inspections pour les importateurs réputés ayant de solides antécédents en matière de conformité, sont susceptibles de réduire les effets haussiers sur les coûts de la transition au plein recouvrement des coûts supportés par les grandes entreprises étrangères.

Il est loin d’être clair si des économies de coûts similaires sont possibles pour les petites et moyennes entreprises locales qui bénéficient d'accords d'approvisionnement moins intégrés. Ceci comporte des conséquences pour la structure de la propriété dans les chaînes d'approvisionnement orientées vers l'exportation pour les produits affectés dans les pays ACP.

Cet aspect pose potentiellement des défis aux gouvernements ACP cherchant à promouvoir des entrepreneurs autochtones dans les secteurs affectés, et pourrait exiger des initiatives politiques pour encourager et soutenir la commercialisation collective et la mise en place d'accords d'approvisionnement à long terme.

L'impact des différentes fréquences d'inspection dans les différents États membres de l'UE sur l'évaluation des risques

Une conséquence indirecte importante de l'échec de la CE à obtenir un accord sur la mise en place d'une approche plus cohérente des contrôles officiels à travers l'UE, et de la mise en œuvre unilatérale de contrôles SPS plus stricts sur les importations par les autorités britanniques, a été une augmentation considérable de la part du Royaume-Uni dans les interceptions pour des raisons SPS. La part du Royaume-Uni dans les interceptions totales de lots pour des raisons phytosanitaires est passée de 6,5 % en 2009 à 20,3 % du total de l’UE en 2013. De la même manière, alors que le nombre d'interceptions d'organismes nuisibles a augmenté de 33 % sur l'ensemble de l'UE, durant la même période, le nombre d’interceptions par le Royaume-Uni a été multiplié par cinq (voir article Agritrade «  Rapport annuel de l’UE sur les interceptions phytosanitaires de produits... », 18 août 2014).

La fréquence des interceptions pour des raisons phytosanitaires a également augmenté pour les exportations du Kenya, du Ghana et de la République dominicaine. Les exportateurs ACP vers d'autres marchés de l'UE présentant des régimes d'inspection des importations moins rigoureux ont connu moins d'interceptions pour des raisons phytosanitaires. Potentiellement, ceci a des implications financières importantes pour les exportateurs ACP vers le marché du Royaume-Uni, puisque les notifications d’EUROPHYT sont utilisées par la CE pour évaluer les risques phytosanitaires et établir des calendriers d’inspection appropriés pour chaque combinaison de pays/produits.

Les pays ACP dont le principal marché européen est le Royaume-Uni pourraient ainsi être confrontés à des inspections plus fréquentes (pour un coût général plus élevé), pas nécessairement parce que leurs exportations sont davantage susceptibles de contenir des organismes nuisibles mais parce que – du fait des réformes menées depuis 2010 – les services d’inspection britanniques ont plus de probabilité que n’importe quel autre service des États membres de l’UE de détecter ces organismes nuisibles.

Un dialogue ACP-UE pourrait utilement être entamé pour s’assurer que la différence dans la fréquence et l'efficacité des inspections SPS entre les États membres de l'UE n'impose pas des coûts d'inspection injustes à des flux commerciaux spécifiques, non justifiés par un risque sous-jacent pour la biosécurité.

Reconnaître la valeur des normes privées en déterminant les exigences d'inspection

Il est largement reconnu que les mesures de biosécurité et de gestion des nuisibles appliquées par les producteurs pour certains produits dans le cadre de systèmes de certification privés compensent les insuffisances des systèmes de contrôle officiels. On peut se demander s'il ne conviendrait pas de reconnaître davantage l'atténuation des risques résultant des contrôles du secteur privé lorsqu’on détermine la fréquence des contrôles officiels – et donc les frais d'inspection – sur les importations vers l'UE.

Il existe déjà un précédent non officiel, le système « Assured Trader Scheme » (ATS) du Royaume-Uni, « qui reconnaît les normes élevées des entreprises de bonne réputation » en réduisant leur niveau d’inspection. Il semblerait donc judicieux d'envisager l'incorporation formelle de cette approche dans le cadre réglementaire de l'UE. Cela pourrait faire partie d’un paquet de mesures plus large visant à s’assurer que le plein recouvrement des coûts d’inspection et une mise en application plus stricte des régimes d’inspection des importations ne compromettent pas la viabilité commerciale des exportateurs horticoles ACP émergents et établis.

Promouvoir une augmentation de la taille des lots

Étant donné que le fardeau financier de la transition vers le plein recouvrement des coûts des inspections SPS peut peser particulièrement lourd sur les petits producteurs/exportateurs n'ayant pas d'antécédents établis, il conviendrait peut-être de soutenir le « groupage » des exportations en promouvant une collaboration accrue entre exportateurs. Cet aspect pourrait être pris en compte dans la conception de programmes nationaux de promotion des exportations.

Néanmoins, pour faciliter ce processus, il conviendra d'élaborer des normes communes pour la production destinée à l'exportation des produits concernés, afin que les exportations de produits en provenance d’une entreprise ne pâtissent pas d’être associées à des produits de qualité inférieure d’une entreprise voisine.

Il pourrait être intéressant, pour les initiatives soutenues par les gouvernements dans ce domaine, d’aider les exportateurs nationaux à progresser dans le sens d’une réduction de l’impact des hausses des redevances dans les pays de l’OCDE.

Examiner les voies de commercialisation

Dans le contexte du passage au plein recouvrement des coûts au Royaume-Uni et aux Pays-Bas, et vu que les États membres de l'UE prélèvent des redevances très différentes pour les inspections SPS, il serait peut-être judicieux que les pays ACP s’engagent dans un examen des redevances SPS prélevées dans les différents États membres de l'UE, ainsi qu'un examen de l'efficacité des procédures de dédouanement SPS aux principaux ports d'entrée. Cela fournirait des informations utiles pour les nouveaux exportateurs émergents des produits affectés, lorsqu'ils déterminent leurs voies de commercialisation sur les marchés européens.

Établir un dialogue ACP-UE sur l'application des mesures SPS pour minimiser les perturbations du marché

Vu la reconnaissance générale de l'importance croissante de la manière dont les MNT sont appliquées aux exportations de produits agroalimentaires des pays les moins avancés et à faible revenu vers l'UE, il semblerait opportun d'intensifier le dialogue ACP-UE sur cette question. Cela pourrait se faire en élargissant le mandat des structures de dialogue ACP-UE établies traitant des questions commerciales, qui offriraient un mécanisme idéal pour garantir une meilleure cohérence entre les politiques internes de l'UE (par ex. la politique en matière de biosécurité) et les objectifs de la politique de l'UE en matière de développement. En outre, il conviendrait de mettre l'accent sur la façon de maintenir la biosécurité de l'UE tout en réduisant l'effet négatif de la mise en œuvre des mesures de biosécurité SPS de l'UE sur les exportations ACP.

La mise en place de ces structures de dialogue avec l'UE sur les questions de mise en œuvre SPS pourrait alors servir de modèle à des accords similaires entre des pays ACP et des partenaires commerciaux non UE, vers lesquels les exportations agroalimentaires des pays ACP sont de plus en plus orientées en réponse à la structure changeante de la demande mondiale (voir article Agritrade «  Les États-Unis se dirigent vers un recouvrement total des coûts pour les... », 14 juillet 2014). 

Tableau 2 : Calendrier 1 – Redevances des inspections phytosanitaires au Royaume-Uni pour les fleurs coupées et les fruits et légumes frais (en £)

  1er janvier 2011 6 avril 2012 6 avril 2013 6 avril 2014 Variation 2011/2014 (%)
Fleurs coupées
Jusqu'à 20 000 tiges
En journée 14,28 46,98 49,66 47,87 + 235,2
Hors journée 21,42 70,47 74,50 71,80 + 235,2
Par tranche de 1 000 tiges supplémentaires

En journée

Jusqu'à max. de

0,11

114,24

0,36

375,84

0,38

397,31

0,37

382,92

+ 236,4

Hors journée

Jusqu'à max. de

0,16

171,36

0,54

563,76

0,57

595,97

0,55

574,38

+ 243,8
Fruits et légumes frais
Jusqu'à 25 tonnes
En journée 14,28 46,98 49,66 47,87 + 235,2
Hors journée 21,42 70,47 74,50 71,80 + 235,2
Chaque tonne supplémentaire
En journée 0,57 1,88 1,98 1,91 + 235,1
Hors journée 0,85 2,81 2,97 2,87 + 237,6

Source : extrait de Plant Health (Fees) (England) Regulations (divers – voir ci-dessous). 

Tableau 3 : Calendrier 2 – Redevances des inspections phytosanitaires à taux réduit pour les roses des pays est-africains sélectionnés (en £ par 20 000 tiges)

  1er janvier 2011 6 avril 2012 6 avril 2013 6 avril 2014 Variation 2011/2014 (%)
Kenya 

En journée

Hors journée

0,71

1,06

2,35

3,52

2,48

3,72

2,39

3,59

+ 236,6

+ 238,7

Zambie

En journée

Hors journée

3,57

5,35

11,74

17,62

12,42

18,62

11,96

17,95

+ 235,0

+ 235,5

Ouganda

En journée

Hors journée

3,57

5,35

11,74

17,62

12,42

18,62

non disponible  
Tanzanie

En journée

Hors journée

1,42

2,13

4,70

7,05

4,96

7,42

7,18

10,77

+ 505,6

+ 505,6

Éthiopie

En journée

Hors journée

0,71

1,06

2,35

3,52

4,96

7,41

4,78

7,18

+ 598,6

+ 577,4

Source : extrait de Plant Health (Fees) (England) Regulations (divers – voir ci-dessous).

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Termes et conditions