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Le secteur caribéen du rhum confronté à de sérieux défis sur les marchés américain et européen

16 décembre 2012

D’après des analyses et des articles de presse récents des Caraïbes et de l’industrie, il a été suggéré que les effets conjugués du déploiement des allègements fiscaux américains pour les producteurs de rhum dans les îles Vierges américaines et à Puerto Rico et des nouveaux accords de ZLE conclus par l’UE pourraient s’avérer « dévastateurs » pour le secteur du rhum caribéen.

Nombreux sont ceux dans la région à réclamer une action caribéenne concertée pour contester à l’OMC les allègements fiscaux américains en tant que formes illégitimes de subventionnement. Un avis juridique du Centre consultatif sur la législation de l’OMC, basé à Genève, a confirmé que « les pays du CARIFORUM ont des arguments solides auxquels le gouvernement américain devra répondre » en vertu de l’Accord sur les subventions et les mesures compensatoires, puisque les incitations offertes actuellement au secteur du rhum « ont des effets adverses et causent de “graves préjudices” aux intérêts d’autres membres de l’OMC ».

Des problèmes particuliers semblent découler de la manière dont les fabricants de rhum internationaux basés dans les îles Vierges américaines « profitent des restitutions par le gouvernement américain (…) des droits d’accise sur le rhum pour subventionner la production et la commercialisation de rhum ». En 2011, près de 133,5 millions de dollars ont été versés dans le cadre de ces restitutions. D’après le Dr Frank Ward, président du Barbados Rum Committee, les subventions américaines permettent aux producteurs de rhum américains de produire des mélasses à un coût moyen de 20 dollars/tonne, tandis que les producteurs du CARIFORUM paient en moyenne 200 dollars/tonne. En outre, il semble que les restitutions aient été utilisées dans les îles Vierges américaines pour financer la construction d’une nouvelle distillerie qui serait exploitée par Diageo et qui produirait le rhum Captain Morgan vendu sur le marché américain.

Un article sur le site web Caribbean360.com affirme que « les subventions des îles Vierges américaines à elles seules généreront une nouvelle capacité de 28 millions de gallons de rhum, qui représente environ 80 % de la consommation américaine actuelle ». Dans ce contexte, on craint que « l’énorme augmentation des exportations de rhum vers les États-Unis, à un coût subventionné, n’évince les autres rhums caribéens ». L’article indique que les producteurs caribéens ont vu « des contrats d’approvisionnement annulés parce qu’ils ne peuvent pas égaler ou battre le prix du rhum subventionné provenant de Puerto Rico et des îles Vierges américaines ». Ceci affecte le segment du rhum en vrac sensible au prix, qui s’avère capital pour les revenus de l’industrie du rhum des Caraïbes. Certains considèrent que, « avec le temps, l’effet des îles Vierges américaines et de Puerto Rico se fera également ressentir sur les fournisseurs de produits en bouteille ». D’après l’article, la valeur des restitutions à Puerto Rico était de 452 millions de dollars en 2011.

Cependant, cette question est compliquée par l’implication des producteurs de rhum internationaux dans la production de rhum sur le territoire américain et dans les pays ACP des Caraïbes. Diageo, plus particulièrement, a exprimé son inquiétude et son opposition à l’action juridique à l’OMC proposée par les pays de la CARICOM. Selon d’autres articles de presse, « Diageo a nié “inonder” le marché américain », affirmant que « le rhum de première qualité de Diageo ne concurrence pas et supplante encore moins le rhum en vrac produit par les membres de la WIRSPA [l’Association des producteurs de rhum et de spiritueux des Caraïbes] ». D’après ces articles, Diageo aurait mis en garde contre le fait que tout recours juridique contre les subventions américaines pourrait se solder par une « réévaluation par l’entreprise de ses intérêts caribéens ».

Le ministre de l’Agriculture de la Barbade a déclaré que la meilleure option pour la résolution de cette question serait le dialogue, mais que, « à défaut, l’option suivante serait de déposer une plainte à l’OMC ».

Les articles de presse indiquent qu’un rapport du Secrétariat du Commonwealth publié en octobre 2012 a identifié une menace supplémentaire pour les exportations de rhum du CARIFORUM découlant des accords de ZLE nouveaux et en cours de l’UE. Ces accords pourraient engendrer semble-t-il « une augmentation du prix relatif du rhum des Caraïbes et une baisse du prix relatif des importations de rhum d’autres sources ».

Les producteurs de rhum de la République dominicaine, de la Jamaïque, du Guyana et des Bahamas sont jugés comme étant « les plus vulnérables », la Barbade étant aussi considérée comme vulnérable. Bien que les efforts passés de la CE en vue de soutenir le repositionnement du secteur du rhum des Caraïbes aient été reconnus et salués, il a été soutenu que le double effet des mesures politiques américaines et des nouveaux accords de ZLE de l’UE affecterait de manière négative la capacité financière des producteurs de rhum des Caraïbes à survivre. 

Commentaire éditorial

Compte tenu de l’importance des recettes issues du rhum en vrac (représentant environ 90 % des exportations de rhum de la CARICOM vers l’UE et 38 % des exportations du CARIFORUM –République dominicaine comprise), toute menace sur ces revenus est susceptible de saper les efforts en cours pour augmenter la production de rhum différencié en termes de qualité au titre du Programme en faveur du rhum des Caraïbes soutenu par la CE et l’industrie du rhum (avec l’initiative du label de qualité « Rhum authentique des Caraïbes »).

Si en termes de valeur « le rhum en bouteille à plus de 7,9 € » (CN 22084031) représentait 60 % des exportations de rhum du CARIFORUM vers l’UE en 2011, cette catégorie comptait pour seulement 8 % des exportations de rhum de la CARICOM, ce qui suggère que le soutien à la restructuration et au repositionnement de marché pour les producteurs de la CARICOM reste nécessaire. Il s’avère d’autant plus indispensable que la part de marché du CARIFORUM a chuté de 77 % à 48 % depuis l’introduction de l’accès en franchise de droits pour cette catégorie de rhum en 2003.

Cependant, le déclin de la part de marché du CARIFORUM pour « le rhum en vrac de plus de 2 € » (CN 22084091) a été encore plus prononcé (passant de 94 % à 7 %), les exportations de rhum de la CARICOM dans cette catégorie disparaissant pratiquement du marché européen. Ce déclin a été imputé à la décision de Bacardi de relocaliser la production des Bahamas à Puerto Rico, après l’introduction de l’accès en franchise de droits pour cette catégorie de rhum en 2003. La valeur des importations en provenance des Bahamas de « rhum en vrac de plus de 2 € » a ainsi chuté de 140 millions d’euros en 2008 à 0,3 million d’euros en 2011, les importations en provenance des États-Unis augmentant quant à elles de 0,3 million à 200 millions d’euros.

Les choix de l’implantation de la production par les multinationales peuvent donc avoir des conséquences économiques et commerciales profondes. Dans ce contexte, la menace qu’une multinationale telle que Diageo « réévalue » ses activités dans les pays caribéens dans lesquels elle est activement engagée pourrait potentiellement dissuader une action CARICOM concertée sur cette question.

En revanche, d’après l’évaluation d’impact du Secrétariat du Commonwealth réalisée en octobre 2012, la valeur des exportations de rhum du CARIFORUM dans les catégories où les préférences sont toujours en vigueur « a été relativement stable », ce qui semble confirmer l’importance que revêtent toujours ces préférences tarifaires du CARIFORUM.

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