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Le sorgho et le manioc de plus en plus utilisés dans l'industrie brassicole en Afrique

07 décembre 2014

On observe une tendance croissante vers la culture sous contrat du manioc et d'autres intrants pour l'industrie brassicole en Afrique, où sept gouvernements ont établi des régimes fiscaux spéciaux pour stimuler l'utilisation de cultures locales dans la production de bière.

En Ouganda, la culture sous contrat du sorgho à des fins brassicoles a été lancée pour la première fois en 2008 par SABMiller. D'après des informations de presse, les contrats négociés avec les producteurs de boissons permettent aux agriculteurs d'obtenir de bien meilleurs revenus que par les canaux de commercialisation traditionnels. Il semble que « l'agriculture contractuelle ait aidé à augmenter les surfaces cultivées, amélioré le pouvoir de négociation des agriculteurs et élargi l'accès au crédit pour les agriculteurs organisés en groupes ». Les achats annuels totaux de sorgho en Ouganda sont estimés à 11,3 millions $US, certains gros agriculteurs enregistrant des revenus atteignant 18 914 $US par saison et les petits agriculteurs des revenus d'environ 1 891 $US par saison. Quelque 16 000 agriculteurs sont maintenant engagés dans l'agriculture contractuelle pour le sorgho à destination des brasseurs. Toutefois, les contraintes en termes de disponibilité de terres et d'intrants semblent freiner la participation des petits agriculteurs dans l'approvisionnement en sorgho des brasseurs. La bière à base de sorgho représente maintenant la moitié de la part de 55 % du marché ougandais de la bière détenue par SABMiller.

Au Mozambique, Cervejas de Moçambique produit maintenant sa bière Impala, dont l’ingrédient principal est le manioc (60 %). D'après le PDG de l'entreprise, « l'utilisation de manioc produit localement réduit le coût des importations de malt, houblon et d'autres ingrédients utilisés dans la production de bière, en évitant les coûts liés aux processus d'importation et bureaucratiques ». Le nombre d'agriculteurs engagés dans l'approvisionnement de manioc est passé de 2 000 en 2011 à 10 000 en 2014, avec quelque 10 000 tonnes de manioc achetées chaque année pour être utilisées dans la production de 30 millions de petites bouteilles de bière, d'une valeur de 14 millions de meticais (soit 356 000 €).

Si l'utilisation du sorgho et du manioc en Afrique permet de réduire la facture des importations d'orge de pas moins de 40 %, les concessions fiscales négociées se sont avérées capitales pour le lancement de ces nouvelles bières, dont le prix équivaut à 70 % du coût des bières traditionnelles. D'après l'entreprise d'études de marché Canadean Ltd, le marché de la bière en Europe occidentale est stagnant, avec une croissance estimée à – 0,6% par an, tandis que « le volume de bière vendu en Afrique devrait croître de 4,6 % par an en moyenne entre 2012 et 2016, soit une croissance plus rapide que sur n'importe quel autre continent et pratiquement deux fois plus rapide que la croissance mondiale ». L'accès à ce marché en plein essor qu'est l'Afrique, avec une production de bière à bas prix capable de détourner les consommateurs des boissons alcoolisées traditionnelles, est un aspect crucial des stratégies d'entreprise de sociétés telles que SABMiller et Diageo.

Au Mozambique et dans des pays tels que l'Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe, SABMiller a obtenu un rabais de 75 % sur les droits d’accise standard prélevés sur la bière. Diageo a conclu un accord similaire en Afrique de l'Ouest pour sa bière Ruut, produite à partir de l'igname. Ces concessions fiscales ont été accordées en se fondant sur deux arguments :

  • leur impact sur la production agricole locale ; et
  • l'impact moins préjudiciable de la bière produite de façon commerciale sur la santé publique, comparé à la bière brassée de façon traditionnelle.

Il convient de noter que, là où des concessions fiscales moins favorables ont été octroyées (par ex. en Tanzanie), la croissance de la consommation de bières à base de sorgho ou de manioc a été moins prononcée. 

Commentaire éditorial

Il ne fait aucun doute que, dans des pays tels que l'Ouganda, la croissance rapide des bières à base de sorgho a stimulé la culture du sorgho sous contrat, en injectant des fonds substantiels dans la communauté agricole. Toutefois, certains se demandent dans quelle mesure cela profite aux petits exploitants dans leur ensemble. Bien souvent, les grands agriculteurs sont mieux placés que les petits producteurs pour satisfaire aux exigences contractuelles. De façon plus générale, bien que les petits agriculteurs soient de plus en plus nombreux à s’engager dans les ventes contractuelles, d'autres petits agriculteurs pourraient être confrontés à une baisse de leurs revenus provenant des activités brassicoles traditionnelles, la bière à bas prix produite de manière commerciale détournant les clients des boissons alcoolisées brassées de manière traditionnelle.  

Ceci suggère que le nombre croissant de gouvernements africains désireux de promouvoir l'utilisation de cultures traditionnelles dans la production de bière commerciale devraient réaliser des analyses coûts-bénéfices régulières des gains en termes de développement retirés des concessions fiscales accordées.

Les concessions fiscales négociées offrent souvent aux gouvernements des garanties de revenu minimum, permettant de s’assurer que les recettes fiscales ne seront pas considérablement réduites par les concessions fiscales accordées. Mais certains ont remis en question les coûts (pour les deniers publics) et les bénéfices (pour les entreprises privées) relatifs découlant de ces systèmes. Ceci est d’autant plus vrai à la lumière des préoccupations de santé liées à l'augmentation de la consommation d'alcool. Un article de presse a cité une étude publiée dans The Lancet qui « considérait la consommation d'alcool comme le principal facteur de risque de décès et de maladie dans les pays du sud de l'Afrique subsaharienne ». 

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