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“L'Afrique de l'Ouest est parfaitement capable de devenir un acteur majeur de l'industrie mondiale de l'huile de palme”

16 mai 2014

Une interview de Lincoln Moore, directeur exécutif de DekelOil

Avant d'être nommé directeur général de DekelOil en septembre 2011, Lincoln John Moore était directeur financier de Sierra Leone Agriculture (maintenant la propriété du Groupe Siva). Il est également le co-fondateur et ancien directeur de Ragnar Capital où il a joué un rôle clé pour lever plus de $US 50 millions pour des projets huile de palme en Afrique de l'Ouest (dont l'investissement de plus de US$ 8 millions de Siva dans DekelOil). 

Selon Lincoln Moore, l'Afrique de l'Ouest est en passe de devenir un acteur majeur sur la scène mondiale de l'huile de palme. Son propre marché est également en train de se développer avec des potentialités majeures – une opportunité que la filiale ivoirienne du groupe israélien Rina, avec son partenaire indien Siva Group, a saisi en créant un important complexe huile de palme en Afrique de l'Ouest, avec des investissements à la clé.

Q : Dekel Oil a commencé récemment à produire de l'huile de palme à son usine d'Ayénouan en Côte d'Ivoire. Comment cela se passe-t-il ?

En Côte d'Ivoire, nous avons démarré en mars la production d'huile de palme brute (CPO, crude palm oil) à notre usine qui a une capacité d'extraction de 60 tonnes/heure. D'une capacité de 70,000 tonnes de CPO par an, c'est aujourd'hui l'une des plus grosses usines d'Afrique de l'Ouest. Environ 90 % de nos fruits de palmiers proviennent de petits planteurs. Nous avons environ 5 000 contrats à long terme avec des fermiers de la région, couvrant environ 27 000 ha de palmiers à huile.

Historiquement, le secteur avait des difficultés car il y avait plus de volumes produits par les petits planteurs que de capacité d'usinage. Donc nous comblons l'écart, ce qui donne confiance aux petits planteurs et les incite à continuer à produire, à recourir aux engrais sur leurs plantations, car ils savent qu'ils auront un client qui leur achètera l'intégralité de leur production.

Q : Quelle est l'importance de vos plantations aujourd'hui en Côte d'Ivoire ?

Nous avons une pépinière et nous avons planté environ 2 000 ha. Notre objectif est de planter encore 5 à 6 000 ha à proximité de l'usine, ce qui signifie qu'à moyen terme, nous aurons un mix avec 30 % provenant de nos propres plantations et 70 % des petits planteurs. Nous ne voulons pas planter davantage de superficies dans le cadre de notre entreprise car nous voulons que ce soit les petits producteurs qui plantent davantage – nous sommes en mesure de nous porter acquéreur de l'ensemble de leur production. Si nous plantions davantage, nous entrerions en concurrence avec ces petits planteurs, ce qui entacherait nos bonnes relations.

Nous avons également un second projet dans le cadre duquel nous pourrions développer 24 000 ha. Nous envisageons de le démarrer début 2015.

Q : Par rapport à des sociétés ivoiriennes existantes comme Palm-CI, comment vous positionnez-vous en Côte d'Ivoire ?

Le plus important producteur d'huile de palme en Côte d'Ivoire est Palm-CI, qui est détenue conjointement par Olam et Wilmar. Ils produisent à eux deux environ 80 % de l'huile de palme ivoirienne. Leur modèle diffère légèrement du nôtre en ce que 50 à 55 % de leurs fruits provient de leurs propres plantations et 45 % de petits planteurs. Et ils vont vers un accroissement de leur propres plantations. A terme, nous nous attendons à ce que la production de Palm-CI émane essentiellement de plantations détenues par la société, alors que la production de DekelOil sur son premier site industriel proviendra essentiellement de petits planteurs.

Q : Votre production est-elle destinée au marché local, régional ou international ?

Pour l'instant, nous vendons l'intégralité de notre huile à une raffinerie détenue par la SAR (Société africaine de raffinerie) qui a des intérêts dans certaines des plus importantes chaînes de supermarchés en Côte d'Ivoire, et fabrique pour celles-ci des huiles de cuisson, du beurre, du savon. Les produits raffinés en excédent sont exportés. Donc de l'huile de palme raffinée est exportée vers le reste de l'Afrique de l'Ouest où se trouve une demande non négligeable.

Q : Par conséquent, vous n'êtes pas directement sur le marché ?

Non, nous sommes dans la position privilégiée où nous vendons quasiment à la porte de notre usine aux raffineries, et par conséquent nous n'avons pas à nous préoccuper des logistiques d'export.

Q : Pensez-vous vous impliquer dans le processus de raffinage à un moment ou un autre ?

Actuellement, nous venons de démarrer notre opération. Je crois que notre objectif majeur à court terme est de planter dans différentes régions davantage d'hectares appartenant au groupe et de développer des usines d'huile de palme. Mais le raffinage sera à l'ordre du jour à moyen ou long terme.

Q : Les récentes campagnes sur la scène internationale ont été très hostiles à l'huile de palme. Comment cela vous a-t-il affecté –si cela vous a affecté ?

La pression dont vous parlez se réfère essentiellement à la production d'huile de palme dans le Sud-Est asiatique, plus précisément la production en Indonésie où il y a des sensibilités environnementales. Il n'existe pas les mêmes sensibilités en Afrique de l'Ouest en général : de nombreuses superficies plantées en huile de palme sont des terres qui avaient déjà été défrichées ou qui étaient utilisées pour d'autres cultures agricoles.

Dans le cadre de notre projet, 90 % de nos fruits proviennent de fermes existantes. Par conséquent, nous n'avons pas besoin de défricher d'importantes superficies pour approvisionner notre usine, et nous aidons à accroître l'efficience de l'utilisation des terres des domaines d'huile de palme existantes. Quant à nos propres domaines, la majorité des terres a déjà été utilisée pour l'huile de palme, le cacao, l'hévéa. Nous sommes membres du Roundtable on Sustainable Palm Oil (RSPO), et nous nous conformons aux standards du RPSO.

Q : Sur le marché européen du moins, c'était aussi une question de santé...

Des recherches aux Etats-Unis suggèrent que l'huile de palme est une alternative saine aux autres produits acides gras trans. La réalité est que les rendements par hectare sont substantiellement plus élevés que tout autre huile comestible, et donc on peut s'attendre à ce que ce soit un produit phare à l'avenir.

Mais sans aucun doute, nous sommes sensibles au fait que le marché européen veut être associé à l'huile durable.

Nous sommes membres du RSPO et nous suivons tous les éléments clés qui nous sont opposables. L'étape qui consiste à devenir un producteur d'huile de palme certifié est quelque chose sur lequel nous devons encore travailler et cela nous concernera davantage lorsque nous évoluerons vers des activités d'export. C'est un processus que nombre d'opérateurs doivent effectuer partout au monde car peu d'entre eux sont déjà certifiés. Je pense que la façon dont nous produisons notre huile de palme à partir de fermes existantes laisse à penser que nous pourrions être certifiés.

Pour l'instant, nous vendons toute notre production en Côte d'Ivoire. Et lorsque nous nous développerons, je m'attends à ce que nous vendions toute notre huile de palme aux pays d'Afrique de l'Ouest où il existe encore des besoins d'importer. Nous n'exportons pas encore vers l'Europe ou les États-Unis. C'est quelque chose que nous pouvons envisager au fil du temps.

Q : Pensez-vous qu'un jour l'Afrique de l'Ouest puisse devenir un acteur mondial majeur de l'huile de palme ?

Actuellement, l'Afrique de l'Ouest a une demande nette à l'import d'environ 800 000 tonnes de CPO par an. La production en Côte d'Ivoire est de l'ordre de 300 000 t et, avec les autres pays d'Afrique de l'Ouest, la production atteint environ 1,5 million de tonnes de CPO. L'Afrique de l'Ouest représente environ 3 à 5 % de la production mondiale, ce qui est extrêmement faible.

L'Afrique de l'Ouest est parfaitement capable de devenir un acteur majeur de l'industrie de l'huile de palme. Aujourd'hui, quasiment tous des cinq plus grands groupes mondiaux d'huile de palme du Sud-Est asiatique ont démarré des opérations en Afrique de l'Ouest. Evidemment, elles sont plus à l'aise dans leur cour arrière en Asie du Sud-Est. Mais comme il y manque de grandes superficies de terres disponibles, ils regardent vers l'Afrique de l'Ouest pour étendre leur production d'huile de palme. On s'attend à ce qu'au cours des 20 prochaines années, l'Afrique de l'Ouest devienne un acteur plutôt sérieux en termes de production d'huile de palme.

Et nous ne devons pas oublier que l'huile de palme est originaire d'Afrique de l'Ouest – c'est là où tout a commencé. C'est, en réalité, les Malais qui ont piqué l'idée et l'ont reproduite dans leur propre pays, où la pluviométrie est assez semblable. En Afrique de l'Ouest, le marché ne s'est pas vraiment développé pendant des années, mais cela est en train de changer considérablement. Le Liberia, la Sierra Leone, le Ghana, le Nigeria, la Côte d'Ivoire, le Cameroun sont tous en passe de devenir d'importants producteurs d'huile de palme.

Q : L'huile de palme ouest-africaine est-elle compétitive ?

En moyenne, les rendements d'huile de palme en Afrique de l'Ouest sont 15 à 20 % inférieurs aux rendements moyens en Malaisie ou en Indonésie. Le principal facteur est que la pluviométrie en Malaisie ou en Indonésie est plus consistante et mieux répartie tout au long de l'année, d'où les rendements plus élevés.

En termes de coûts de production d'une plantation mature en Afrique de l'Ouest, c'est un peu moins qu'en Malaisie et en Indonésie car le coût de la terre est bien inférieur. En Indonésie ou en Malaisie, un hectare de bonnes terres coûte environ US$ 2 000 et vous devez y ajouter US$ 4 à 5 000 pour que les arbres parviennent à maturité, alors qu'en Afrique de l'Ouest le coût moyen avoisine plutôt les US$ 3 000 l'hectare. Quant au défrichage de la terre, comme vous avez une moins forte pluviométrie, il y a moins à nettoyer en Afrique de l'ouest.

Q : Quels sont les principaux avantages et inconvénients à développer l'huile de palme en Afrique de l'Ouest pour le marché international ?

Il est difficile de généraliser car chaque pays est différent. Mais, globalement, il y a suffisamment de terres pour développer l'huile de palme à grande échelle. Pour les gouvernements, il est intéressant d'attirer des investissements dans l'huile de palme car cela requiert beaucoup de main d'œuvre ; un business modèle rentable est avéré. Peut-être que le principal obstacle pour les acteurs autres que du Sud-Est asiatique, c'est l'accès au capital.

Entre la plupart des pays d'Afrique de l'Ouest, les échanges s'effectuent sans grandes difficultés. Bien sur, chaque pays a ses droits de douane et sa réglementation : par exemple, le Nigeria veut accroître sa production d'huile de palme et donc ses droits d'importation sont élevés. Mais pour la plupart des pays, le commerce de l'huile de palme se fait aisément. C’est véritablement juste une question de temps avant que l'Afrique de l'Ouest ne devienne un producteur très important d'huile de palme et un véritable acteur sur le marché.

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