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Note de synthèse - mise à jour 2013 : Accès au marché

17 décembre 2013

1.         Contexte et principaux enjeux

La base pour l’accès des pays ACP au marché de l’UE est en train de se fragmenter. Les critères d’accès ont inclus les Accords de partenariat économique (APE)/APE intérimaires, l’initiative Tout sauf les armes (TSA) et le Système de préférences généralisées (SPG). Étant donné la révision proposée du règlement d’accès au marché (RAM) n° 1528/2007 et du SPG de l’UE, il se peut qu’à l’avenir certains pays ACP effectuent leurs échanges commerciaux selon les clauses de la nation la plus favorisée (NPF) ou dans le cadre du SPG+ de l’UE, cela dépendant du résultat des négociations d’APE.

Le processus d’érosion de la valeur des préférences commerciales des pays ACP se poursuit. Alors que les accords de zone de libre-échange (ZLE) existants de l’UE sont en cours de mise en œuvre, d’autres négociations de ZLE sont en passe d’être conclues, et d’autres encore sont lancées ou préparées avec les principaux partenaires commerciaux. La détermination de l’impact de ces accords sur chacun des pays ACP requiert une analyse détaillée. En outre, comme souligné par l’étude de l’Overseas Development Institute (ODI) sur l’impact des ZLE de l’UE avec les pays d’Amérique latine sur le secteur du rhum des Caraïbes, les changements dans les politiques de l’UE ne peuvent être jugés séparément de développements plus généraux. Toute analyse doit prendre en considération les évolutions plus larges des politiques commerciales, agricoles et même fiscales qui ont un impact sur les marchés pour les produits ACP à travers la planète.

Les pays ACP seront confrontés à de nouveaux enjeux à mesure qu’ils progresseront dans la mise en œuvre des engagements politiques de l’APE. Toute une série de dispositions d’APE ont des incidences sur l’utilisation des instruments de politique commerciale par les gouvernements ACP. Dans le cadre des efforts nationaux de sécurité alimentaire, ces instruments sont de plus en plus utilisés en réponse à la hausse des prix, ce qui aggrave la volatilité de ceux-ci. Dans ce contexte, les efforts des gouvernements du CARIFORUM pour résoudre ces incohérences entre l’utilisation actuelle des instruments de politique commerciale agricole et les engagements politiques de l’APE sont d’autant plus importants.

De la même manière, il conviendra de surveiller attentivement les efforts de la Commission européenne visant à renforcer son pouvoir pour faire appliquer les engagements de politique commerciale convenus au niveau international et bilatéral par les pays tiers.

Un autre domaine de développement des politiques de l’UE exigeant d’être suivi de près a trait aux efforts de la CE en vue de lier les exigences en matière de processus de production à l’accès au marché. Bien que cela soit apparu initialement dans le secteur agricole, avec les contingents tarifaires spéciaux pour la production de bœuf élevé à l’herbe, le lien des exigences concernant les processus de production avec l’accès au marché en 2012 a été établi de manière bien plus complète. Des efforts sont maintenant déployés dans le secteur de la pêche pour lier le respect des pratiques de pêche durables à l’accès au marché pour les produits de la pêche de l’UE. Lorsque les fondements juridiques seront en place, il sera possible d’étendre cette approche politique à d’autres secteurs.

Si cet objectif reste relativement éloigné, les bases de cette approche sont actuellement jetées. Le problème des normes des détaillants est plus immédiat. Les normes changeantes des détaillants n’ont pas d’impact sur l’accès au marché au sens large mais sur l’accès à des segments de marché particuliers, et bon nombre de ces normes se généralisent.

C’est dans ce contexte que nous devrions analyser l’évolution des relations commerciales des pays ACP avec les pays non UE dans le secteur agroalimentaire. De nouvelles opportunités de marché se créent dans le monde ; cependant, la manière d’exploiter ces opportunités de telle sorte que cela transforme structurellement les secteurs agroalimentaires ACP et la base de l’engagement ACP dans l’économie mondiale est cruciale.

2.         Récents développements

2.1       Développements dans les négociations et la mise en œuvre des APE

Application de la stratégie de l’UE en matière de commerce et de développement

Dans le courant de 2013/14, certains aspects clés de la stratégie de l’UE en matière de commerce et de développement devraient être mis en œuvre. Cela pourrait englober :

  • l’entrée en vigueur du nouveau règlement SPG de l’UE à compter du 1er janvier 2014 ;
  • l’entrée en vigueur du nouveau cadre financier réduit pour le 11e Fonds européen de développement (FED) ;
  • l’entrée en vigueur d’une politique de « différenciation », ou de retrait de certains pays en développement de la liste des programmes d’aide au développement financés par les subventions de l’UE ;
  • l’expiration de l’accès en franchise de droits et de contingents pour une série de pays ACP en vertu du RAM n° 1528/2007, à compter du 1er octobre 2014.

L’émergence d’une série d’accords différenciés d’accès au marché inquiète tout particulièrement les pays ACP non PMA qui n’ont pas encore conclu un APE. Le traitement différencié de l’aide préoccupe les Caraïbes, qui craignent d’être largement exclues des programmes d’aide futurs financés par les subventions de l’UE. 

En outre, on ne sait pas vraiment quelle contribution la stratégie de l’UE en matière de commerce et de développement apportera à toute une série de questions identifiées dans le rapport des 10 agences préparé dans le cadre des initiatives ministérielles du G20 en 2011. Certains points suscitent des craintes particulières, par exemple les propositions visant à répondre aux problèmes d’insécurité alimentaire, notamment les mesures destinées à gérer les « politiques commerciales des grands pays » qui « augmentent la volatilité des prix mondiaux et créent des externalités négatives pour les plus petits pays », ainsi que les mesures visant à aborder les effets sur les prix alimentaires des politiques en matière de biocarburants (voir article Agritrade «  Le groupe de travail du G20 recommande une action générale pour réduire...», 5 juillet 2011).

Il n’est également pas clair si la nouvelle stratégie de l’UE fournira un leadership aux pays ACP s’agissant des préoccupations internationales telles que l’élimination des subventions au coton, le cycle actuel des réformes de la Politique agricole commune (PAC) étant susceptible de maintenir les paiements couplés dans les secteurs sensibles comme le coton (voir article Agritrade «  Les développements récents du secteur du coton européen examinés par l’U...», 2 mai 2011).

Dans l’ensemble, au niveau ACP, l’évolution de la politique de l’UE en matière de commerce et de développement devrait créer un nouveau contexte pour la coopération ACP-UE dans ces domaines, impliquant une fragmentation supplémentaire de la base sous-jacente de la solidarité et de l’action commune ACP.

Le contexte changeant des négociations actuelles d’APE

Au niveau général des pays ACP, l’analyse publiée dans l’édition d’août 2012 de GREAT Insights du Centre européen pour la gestion des politiques de développement (ECDPM) a souligné l’écart entre les aspirations de l’UE et les attentes des pays ACP tout au long des négociations d’APE. Elle affirme que les gouvernements ACP ont toujours recherché une « solution flexible pour la question de la compatibilité à l’OMC » et mis l’accent sur le renforcement de leurs capacités de production et les efforts d’intégration régionaux. Pour sa part, la CE promeut un agenda ambitieux pour des ZLE complètes, couvrant le commerce de marchandises, la libéralisation des investissements et des « disciplines pour la concurrence, les marchés publics, la facilitation commerciale, les droits de la propriété intellectuelle et la protection des données ».

Bien que les ZLE ambitieuses de la CE ne requerraient aucun changement de politique de la part de l’UE, pour les gouvernements ACP, le concept d’APE de l’UE exigeait des « réformes fondamentales : administratives, juridiques et constitutionnelles », représentant « un gigantesque programme de réformes économiques » (voir article Agritrade «  Écart entre aspirations et attentes dans les négociations d’APE », 28 octobre 2012).

S’agissant des implications de l’écart entre aspirations de l’UE et attentes des pays ACP pour le secteur alimentaire et agricole, l’octroi d’un accès en franchise de droits et de contingents pour les exportations ACP vers le marché de l’UE a été éclipsé par :

  • les effets des réformes de la PAC (plus particulièrement au travers des réductions de prix dans les secteurs du sucre et du riz) ;
  • les développements sur le marché mondial (par ex. dans le secteur sucrier, où, pendant 18 mois, les prix moyens du marché mondial étaient supérieurs aux prix du marché de l’UE) ;
  • l’application plus stricte des normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) et des normes de sécurité des denrées alimentaires (plus particulièrement dans les secteurs de l’horticulture et du bœuf).

Début 2013, une application plus stricte des contrôles SPS a donné lieu au rejet de plus d’un cinquième des exportations de légumes du Kenya vers le marché européen (voir article Agritrade «  Les nouvelles limites maximales de résidus de l’UE touchent les exportat... », 28 avril 2013), et certains appellent à des restrictions sur les importations d’agrumes d’Afrique du Sud (voir article Agritrade «  Le durcissement des contrôles sur la maladie des taches noires des agrum... », 28 avril 2013). Ces développements mettent en lumière l’importance capitale des questions SPS et de sécurité alimentaire pour l’accès au marché accordé aux exportateurs agroalimentaires ACP.

En outre, les préoccupations ACP concernant les effets externes du déploiement des instruments de la PAC réformée (par ex. dans le secteur laitier ; voir article Agritrade «  Les marchés nigérian et ghanéen offrent un potentiel de croissance suppl... », 2 février 2013) et le processus d’érosion des préférences, découlant d’initiatives de politique commerciale de l’UE plus générales, doivent encore être abordées dans les processus de négociation d’APE (voir article Agritrade «  Signature des accords d’association d’Amérique centrale et du Pacte andin », 12 août 2012).

S’agissant de l’UE, les aspirations des exportateurs de produits alimentaires à l’élimination systématique des barrières non tarifaires au commerce, au travers de la mise en œuvre des dispositions d’APE intérimaires sur le retrait des licences d’importation et de mesures similaires, sont restées lettre morte pour la plupart, ces dispositions restant un point d’achoppement majeur dans certains processus de négociation d’APE (voir article Agritrade «  Les défis qui se posent au secteur de la minoterie de l’UE », 11 novembre 2012).

Ces développements et débats doivent être envisagés au regard de l’importance croissante des pays ACP en tant que marché pour les exportations agricoles de l’UE. Entre 2007 et 2010, les exportations alimentaires et agricoles totales de l’UE vers le groupe ACP (sans l’Afrique du Sud) ont augmenté de 35,3 % contre une croissance de 22,2 % des exportations hors UE. Les exportations agricoles vers l’Afrique du Sud ont pendant ce temps progressé de 51 %. Ce qui signifie que la part des pays ACP dans le total des exportations agricoles de l’UE a augmenté de 6,9 % à 7,7 %. Cela peut s’expliquer par la forte croissance des économies africaines ces dernières années, par l’urbanisation et par l’émergence d’une classe moyenne en plein essor, avec des préférences des consommateurs qui évoluent.

Les tendances des exportations agricoles de l’UE, cependant, peuvent être considérées comme étant contraires aux aspirations des pays ACP à développer leurs propres industries de transformation alimentaire à plus forte valeur ajoutée, un domaine qui s’est vu accorder une priorité politique forte dans de nombreux pays ACP. Cela donne d’autant plus d’importance aux discussions concernant certains points litigieux dans les négociations d’APE en cours (voir article Agritrade «  L’examen 2011 de l’UE révèle l’importance croissante des marchés ACP », 13 mai 2012).

Développements relatifs au RAM n° 1528/2007

La présentation en septembre 2011 d’une proposition de la CE pour l’expiration du RAM n° 1528/2007 au 1er janvier 2014 situe le contexte des développements dans les négociations d’APE ACP-UE en 2012/13. Au cours de cette période, les gouvernements ACP ont fait pression pour l’abandon de toute échéance arbitraire pour la conclusion des négociations d’APE. En juin 2012, le Conseil des ministres ACP a appelé la CE à « réduire ses ambitions et à tenir dûment compte du niveau de développement de ses partenaires de négociation ACP, en vue de conclure des APE inclusifs qui susciteront l’adhésion de tous les États appartenant à une région ACP donnée » (voir article Agritrade «  Le PE appelle à plus de temps dans les négociations d’APE », 22 juillet 2012).

En décembre 2012, les chefs d’État et de gouvernement ACP ont réuni une troïka de ministres ACP pour engager une démarche auprès des gouvernements des États membres de l’UE afin d’essayer de sortir de l’impasse sur les questions litigieuses freinant la conclusion des négociations d’APE.

Ces efforts de lobbying ont porté leurs fruits en 2012, le Conseil, la CE et le Parlement européen adoptant des positions différentes sur l’échéance pour la conclusion des négociations d’APE. En conséquence, un dialogue trilatéral a été lancé entre les trois institutions européennes pour réconcilier les positions divergentes. Le 6 mars 2013, ce processus de « trilogue » a convenu que le 1er octobre 2014 devrait être l’échéance pour la conclusion des négociations d’APE, après quoi les accords d’accès au marché transitoires au titre du RAM n° 1528/2007 expireront. La Commission du commerce international et la session plénière du Parlement européen ont approuvé la date, qui représente maintenant une échéance ferme. Ceci devrait donner un élan supplémentaire aux négociations d’APE en cours.

Des progrès au niveau régional dans les négociations d’APE intérimaire

Si les négociations d’APE en Afrique de l’Ouest dans le courant de 2012 ont achoppé sur la question de l’offre d’accès au marché de la région faite à l’UE (70 % de libéralisation proposée par les gouvernements ouest-africains et 80 % souhaitée par l’UE), en mars 2013, il apparaît qu’une réunion des experts de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a soumis une offre qui aboutira à une libéralisation de 75 % sur une période de mise en œuvre accélérée de 15 ans. Les premières discussions ministérielles de la CEDEAO sur cette offre révisée en mars 2013 se sont avérées stériles. Une décision des ministres ouest-africains est néanmoins attendue en juin 2013.

D’après l’organisation intergouvernementale South Centre, cette offre révisée faisait suite à un examen des statistiques mises à jour sur les importations ouest-africaines en provenance de l’UE, qui a révélé que « le niveau global de libéralisation de l’Afrique de l’Ouest serait d’environ 76 %, sur la base des données d’exportation de l’UE pour les années 2008-2010 ».

En Afrique de l’Ouest, cependant, il reste le problème de la finalisation et de la mise en œuvre effective du tarif extérieur commun (TEC) de la CEDEAO, qui constitue la base de tout processus régional de réductions tarifaires. Un accord a été obtenu au plan technique en décembre 2012, les ministres de la CEDEAO approuvant le TEC le 20 mars 2013.

L’organisation régionale de producteurs agricoles ROPPA a dénoncé le TEC proposé pour les produits agroalimentaires car il accorde une protection tarifaire bien trop faible à des produits stratégiques tels que le riz, les produits laitiers, le poisson et les produits transformés localement (voir article Agritrade «  Le TEC de la CEDEAO finalement adopté tandis que les organisations de pr... », 22 avril 2013). Il existe également un problème de cohérence entre le TEC proposé par la CEDEAO et l’évolution actuelle de la politique commerciale agricole du Nigeria, liée à l’agenda de transformation agricole interne (voir articles Agritrade «  Le Nigeria intensifie ses efforts visant à promouvoir un secteur sucrier... », 28 avril 2013, et «  Les importations de riz explosent en prévision de l’augmentation des dro... », 15 avril 2013).

C’est dans le contexte de ces incertitudes persistantes que le gouvernement ghanéen, tout en affirmant son engagement pour une approche régionale des négociations d’APE, s’est réservé le droit de s’appuyer sur son APE intérimaire en cas d’absence d’accord régional pour la conclusion du processus d’APE. Une position similaire semble être adoptée en Côte d’Ivoire.

En Afrique centrale, d’après le South Centre, « sur les 8 pays composant la région d’APE d’Afrique centrale, le Cameroun a été le pays le plus activement engagé vis-à-vis des APE ». Cependant, le Cameroun doit encore ratifier son APE intérimaire signé. En 2012/13, aucun nouveau cycle de négociations régionales n’a eu lieu et l’accès au marché et l’aide au développement continuent d’être des points litigieux.

Dans la région d’Afrique orientale et australe, quatre pays ont signé leurs APE intérimaires et commencé à les mettre pleinement en œuvre à compter du 1er janvier 2013 (Maurice, Seychelles, Zimbabwe et Madagascar). Pourtant, d’après certaines informations de presse, le gouvernement de Madagascar réclamait un report de 5 ans pour la mise en œuvre de ses engagements à la lumière de la crise économique et de la nécessité de « laisser le pays se préparer aux impacts négatifs des réductions tarifaires » (voir article Agritrade «  Report des engagements de mise en œuvre de la ZLE algérienne », 22 octobre 2012).

Il a été rapporté en octobre 2012 que le gouvernement du Malawi renouvelait sa position et envisageait maintenant activement la signature d’un APE intérimaire (voir article Agritrade «  Le gouvernement du Malawi entend signer un APE intérimaire », 16 décembre 2012).

Au niveau de la Coopération d’Afrique de l’Est (CAE), des réunions conjointes ont été organisées en septembre et décembre 2012 et en février 2013, qui ont semble-t-il permis quelques avancées sur les volets coopération au développement et agriculture. S’agissant de l’agriculture, la CAE aurait « abandonné sa demande visant à aborder la question des subventions internes dans les négociations » et « convenu de retirer l’expression “ayant des effets de distorsion des échanges” dans le corps du texte », tandis que la CE était d’accord pour « améliorer la transparence du soutien agricole interne et s’abstenir de subventionner des marchandises libéralisées dans l’accord ».  

Cependant, un accord n’a pas pu être obtenu sur la modification du texte existant sur les taxes d’exportation, qui limite actuellement la portée de l’introduction des nouvelles taxes d’exportation, ni sur la « question du cumul avec l’Afrique du Sud et les pays ACP ». Ces questions seront résolues dans le cadre d’un éventuel « paquet ministériel » qui inclura également d’autres clauses litigieuses telles que la clause NPF.

S’agissant d’un APE complet englobant l’ensemble de l’Afrique orientale et australe, les progrès ont été décrits par le South Centre comme « lents », avec de nombreuses questions non résolues, notamment les taxes d’exportation, les règles d’origine et les sauvegardes agricoles spéciales, la clause NPF et les dispositions en matière de service en Mode 4, ainsi que les dispositions en matière d’aide au développement.

Au niveau de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC), l’impasse de longue date sur l’accès au marché agricole a perduré en 2012/13. Cette impasse concerne plus particulièrement l’accès amélioré pour les exportations agroalimentaires sud-africaines, notamment le sucre, et toute une série de clauses litigieuses qui empiètent sur l’utilisation des instruments de politique commerciale agricole liés au développement du secteur agroalimentaire dans le contexte de l’Union douanière d’Afrique australe. Certains progrès ont été signalés concernant les règles d’origine, avec un accord de principe sur certaines modalités temporaires relatives au cumul dans le secteur des fruits en conserve. Des négociations sont en cours pour des règles d’origine d’approvisionnement global dans le secteur de la pêche.

Par ailleurs, l’impact d’une application plus stricte des exigences SPS de l’UE dans le secteur du bœuf est devenu une source d’inquiétude pour la Namibie, les éleveurs communaux se voyant appliquer une réduction de 25 % du prix de leur bétail non conforme aux exigences de l’UE (voir article Agritrade «  Les implications commerciales des exigences SPS de l’UE entravent le dév... », 4 mai 2013). Il s’agit là d’un point politiquement sensible, qui conduit à une remise en question de la valeur à long terme d’un APE, étant donné l’importance croissance des questions non tarifaires pour les flux commerciaux.

Dans la région Pacifique, aussi bien Fidji que la Papouasie-Nouvelle-Guinée (PNG) ont signé des APE intérimaires afin de consolider un accès pour leurs exportations de sucre et de produits de la pêche sur le marché de l’UE, mais continuent de négocier un APE complet avec d’autres gouvernements ACP du Pacifique. Fidji et la PNG ont obtenu l’approvisionnement global pour le thon, même si les négociateurs du Pacifique ont appelé « l’UE à garantir que les bénéfices déjà obtenus par la PNG et Fidji dans l’APE intérimaire soient également octroyés à tous les autres pays du Pacifique ». Cela n’a pas encore été convenu cependant.

Les défis de la mise en œuvre de l’APE : le cas des Caraïbes

Les pays du CARIFORUM ont été confrontés à de sérieux défis pour mettre en œuvre les engagements d’APE en 2012. D’après le South Centre, alors que « 14 pays caribéens devaient procéder à des réductions tarifaires en janvier 2011, seuls 8 pays l’ont réellement fait ». Compte tenu de ces retards, les responsables de la CE ont annoncé que l’UE « perdait patience » face au défaut de mise en œuvre des réductions tarifaires convenues, menaçant de soumettre l’affaire à l’arbitrage.

En septembre 2012, le Premier ministre de St Kitts et Nevis a évoqué la nécessité de laisser plus de temps pour la mise en œuvre de certains engagements d’APE étant donné le risque d’éventuelles pertes de revenus (voir article Agritrade «  Madagascar et St Kitts & Nevis essaient d’obtenir un moratoire pour... », 15 octobre 2012). Des appels ont été lancés pour que la CE « reconnaisse les difficultés que traverse la région » et que l’UE « s’engage dans un dialogue constructif qui la dispenserait des réductions tarifaires pour le moment ». Il a également été évoqué de renégocier les engagements d’APE dans le cadre du processus de révision 2013 (voir article Agritrade «  La mise en œuvre des réductions tarifaires des Caraïbes sous les project... », 27 août 2012).

Si les préoccupations budgétaires étaient au cœur des débats concernant la non-mise en œuvre des engagements d’APE, l’utilisation des mesures « para-tarifaires » dans le cadre des politiques visant à développer la production alimentaire pourrait être de plus en plus controversée. Par exemple, en juin 2012, le gouvernement jamaïcain a augmenté les droits de timbre sur toute une série de produits alimentaires importés. Cette décision semble aller quelque peu à l’encontre des engagements d’APE CARIFORUM-UE sur l’élimination des « para-droits de douane », prévus pour entrer en vigueur entre 2014 et 2017 (voir article Agritrade «  Le paquet fiscal révisé va faire baisser les importations alimentaires a... », 3 septembre 2012).

Dans ce contexte, le 18 décembre 2012, la CE a présenté des propositions pour renforcer la capacité de l’UE à garantir que les partenaires commerciaux respectent les règles commerciales convenues. La proposition « permettrait à l’UE de prendre des mesures commerciales d’une manière plus rationnelle et efficace afin d’encourager le pays contrevenant à lever les mesures illégales ». Parmi les réponses commerciales envisagées figurent la « suspension des concessions tarifaires (…) l’imposition de nouveaux droits de douane ou de droits plus élevés » ou l’utilisation de restrictions quantitatives. Ces propositions font partie des efforts plus généraux de l’UE pour « faire valoir ses droits dans le cadre d’accords bilatéraux ou multilatéraux afin d’ouvrir les marchés illégalement fermés » (voir article Agritrade «  La CE entend renforcer la conformité des pays tiers avec les engagements... », 21 janvier 2013).

2.2       La révision du SPG de l’UE

Le nouveau règlement SPG de l’UE présenté en octobre 2012 est largement conforme aux propositions de la Commission de 2011 (voir article Agritrade «  La Commission dévoile sa proposition pour le nouveau SPG », 10 juin 2011). À compter du 1er janvier 2014, le système d’accès au marché SPG de l’UE s’en trouvera considérablement modifié, avec une réduction du nombre de pays bénéficiaires, un changement dans les détails de la « graduation des produits » et un élargissement modeste de la portée et de la profondeur des préférences SPG accordées.

Les pays seront exclus du système SPG en fonction de trois critères :

  • Le premier critère est une exclusion incontestable des pays ou territoires étrangers à l’UE qui ont un accès préférentiel au marché de l’UE en vertu d’autres politiques.
  • Le deuxième est l’exclusion potentiellement controversée de pays qui ont un accès au marché européen équivalent ou supérieur en vertu d’un accord commercial alternatif.
  • Enfin il y a l’exclusion controversée de pays ayant été classés comme pays à revenu intermédiaire par la Banque mondiale pendant trois ans, ce qui pourrait affecter des membres ACP tels que la Namibie, le Gabon et le Botswana.

Ceci signifie qu’à partir de 2014, le système SPG de l’UE couvrira uniquement les pays à revenu intermédiaire inférieur, à faible revenu et les pays les moins avancés (PMA). La CE affirme que ces réformes aideront les pays les plus pauvres à se montrer plus compétitifs sur le marché européen, puisque les concurrents seront confrontés à des droits de douane plus élevés. Toutefois, une analyse de l’ODI suggère que peu de pays ACP exportent les produits agricoles ou de la pêche qui seront affectés par le nouveau régime de graduation.

Par ailleurs, les propositions de la CE incluent des dispositions de sauvegarde qui permettent à la CE de retirer temporairement les avantages accordés pour toute une série de raisons. Ces dispositions s’appliquent à tous les bénéficiaires SPG, notamment les PMA couverts par le régime TSA (voir article Agritrade «  L’UE présente le nouveau Système de préférences généralisées », 2 février 2013).

2.3       Développements autour des normes applicables aux processus de production et à l’accès au marché

Les efforts de la CE visant à lier les exigences en termes de processus de production à l’accès au marché de l’UE se sont intensifiés dans le secteur de la pêche dans le courant de l’année 2012, et font maintenant l’objet d’un dialogue trilatéral entre les institutions de l’UE pour établir un nouveau règlement sur l’organisation commune de marché pour les produits de la pêche (voir articles Agritrade «  Le Parlement européen adopte des mesures commerciales contre les pays qu... », 8 octobre 2012, et «  Les institutions européennes préparent leur trilogue sur les conditions... », 7 avril 2013).

Lorsque la base juridique pour l’application de ces instruments commerciaux liés aux processus de production sera en place, l’application pourra être élargie. Par exemple, ces instruments peuvent inclure la conformité aux exigences en matière de bien-être animal lors du transport pour toutes les importations de produits à base de viande ; ou la conformité avec des pratiques agricoles durables pour toutes les importations d’huile de palme ; ou encore l’application d’exigences de certification des importations de cacao comme n’ayant pas eu recours au travail des enfants. Il conviendra de veiller tout particulièrement à l’évolution possible des politiques de l’UE dans ce sens.

2.4       Développements dans les accords commerciaux de l’UE avec les pays tiers

S’agissant des négociations commerciales de l’UE avec les pays non ACP, l’UE a :

  • déjà 28 accords commerciaux en vigueur ;
  • achevé les négociations de huit accords supplémentaires, qui ne sont pas encore entrés en vigueur ;
  • 10 processus supplémentaires de négociations commerciales en cours ;
  • quatre accords d’association existants qu’elle entend approfondir.

L’impact de ces accords sur des domaines présentant un intérêt pour les pays ACP en termes d’exportations doit être évalué au cas par cas.

Par exemple, en 2013, les ZLE avec l’Amérique centrale et les pays du Pacte andin déboucheront sur une réduction de 48 % des droits de douane prélevés sur les importations de bananes par rapport à 2010. Ces économies en droits de douane sont susceptibles d’avoir des effets commerciaux qui pourraient avoir des conséquences importantes pour les exportateurs de bananes ACP individuels. Étant donné l’accent croissant mis par le Pérou sur les exportations de bananes biologiques, un contingent tarifaire, qui entraînera une augmentation de 56 % des exportations ainsi qu’une réduction de 48 % des droits de douane appliqués, est susceptible d’intensifier la concurrence pour les exportateurs de bananes biologiques de la République dominicaine. Cela exigera l’adoption de stratégies d’adaptation par les exportateurs de bananes dominicains s’ils veulent conserver leur position commerciale (voir article Agritrade «  Signature des accords d’association d’Amérique centrale et du Pacte andin », 12 août 2012).

En outre, en février 2013, la CE a entamé un travail préparatoire pour le lancement des négociations avec les États-Unis à propos d’un Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement. Il a été reconnu que l’harmonisation des normes sera cruciale pour un ALE UE-États-Unis. Il a également été reconnu que tout processus d’harmonisation des normes UE-États-Unis aurait des conséquences pour le système mondial d’élaboration des normes de produits. Cela est susceptible d’avoir un impact sur le commerce ACP aussi bien avec l’UE qu’avec les États-Unis, et peut être considéré comme un nouveau domaine d’impact sur les pays ACP des négociations commerciales de l’UE avec les pays tiers (voir article Agritrade «  Les discussions sur les normes dans les négociations commerciales UE-Éta... », 4 mai 2013).

2.5       Relations commerciales des pays ACP avec les pays tiers

En octobre 2012, le Centre international pour le commerce et le développement durable (ICTSD) a publié un examen des systèmes de préférences commerciales pour les pays pauvres. Les systèmes commerciaux du Canada et du Japon favorables aux PMA étaient jugés comme « relativement complets », tandis que le système américain était considéré comme présentant « une couverture moins importante ». Les systèmes commerciaux préférentiels de pays tels que la Chine, l’Inde et la Corée du Sud ont été jugés comme devenant de plus en plus complets et offrant, dans certains cas, des règles d’origine de plus en plus favorables – la question des règles d’origine étant cruciale pour déterminer le bénéfice réel des dispositions d’accès au marché (voir article Agritrade «  Les préférences commerciales des marchés émergents s’améliorent », 9 décembre 2012).

Il convient de noter dans l’analyse de l’ICTSD que l’UE est confrontée à une concurrence croissante de la part des pays en développement avancés qui offrent des préférences commerciales similaires à celles proposées traditionnellement par l’UE à de nombreux pays ACP.

La diversification commerciale des pays ACP est toutefois semée d’obstacles. Par exemple, le salon Trade Pasifika organisé en juin 2012 a mis en évidence un large éventail de débouchés commerciaux potentiels qui s’offrent aux producteurs du Pacifique dans toute l’Australasie. Toutefois, il a également fait apparaître que, dans le secteur agricole, l’absence de protocoles relatifs à l’exportation des produits agricoles (traitant des questions SPS et de sécurité des denrées alimentaires) couvrant l’accès  aux principaux marchés d’exportation comme la Chine représentait un frein important à l’exploitation de ces débouchés potentiels. Pour remédier à ce problème, une étroite collaboration entre les gouvernements ACP et les secteurs privés doit être instaurée pour veiller à ce que ces protocoles soient mis en place.

Entre-temps, les problèmes liés à l’exportation du café Blue Mountain de la Jamaïque vers la Chine mettent en évidence l’ampleur des difficultés posées par la diversification des relations commerciales à la lumière de la modification radicale des schémas de la croissance économique mondiale. En décembre 2012, en raison des difficultés rencontrées pour protéger les marques Jamaica Blue Mountain et Jamaica High Mountain Supreme, il a été annoncé que la Jamaïque allait s’affranchir des accords de commercialisation exclusifs pour pouvoir exporter du café vers la Chine. Bien que cela reflète en partie la complexité culturelle et la nature dynamique des marchés chinois en plein essor, cette décision révèle également les problèmes rencontrés pour le maintien de la différenciation des produits sur la base de la qualité dans un marché où l’application réglementaire des normes et le respect des labels de qualité laisse à désirer. Il s’agira sans doute d’un problème non seulement pour les exportateurs de café jamaïcain différencié en termes de qualité, mais aussi pour les autres producteurs des pays ACP, comme les exportateurs namibiens de bœuf différencié en termes de qualité.

3.         Implications pour les pays ACP

3.1       Les implications du non-respect des engagements relatifs à l’accès aux marchés

La réaction de la CE face au non-respect des engagements tarifaires et la question plus générale de l’utilisation de « para-droits » dans les Caraïbes suscitent un intérêt considérable dans les pays ACP.

Dès lors, des questions se posent :

  • La CE va-t-elle recourir à l’arbitrage pour chaque décision nationale susceptible de violer les engagements d’APE sur les tarifs préférentiels, ou seulement lorsqu’un volume minimum défini du commerce est concerné ?
  • La CE va-t-elle répondre en sanctionnant ces infractions, et, si c’est le cas, à quelle échelle géographique (nationale ou régionale) ?

Les autres gouvernements des pays ACP devront surveiller de près la réaction de la CE face au non-respect des engagements d’APE dans les Caraïbes.

3.2       Évaluer l’impact d’accords spécifiques sur des composantes particulières du marché

Pour que les producteurs des pays ACP puissent s’adapter efficacement à la concurrence croissante découlant du développement du réseau d’ALE de l’UE, des évaluations par secteur de l’impact de chaque ALE conclu entre des pays tiers et l’UE sur des composantes spécifiques du marché desservies par des pays ACP individuels seront nécessaires. De telles évaluations pourraient prendre en compte, par exemple, les effets spécifiques des nouvelles réductions tarifaires pour le Pérou sur la concurrence sur les marchés européens de bananes biologiques actuellement desservis par les exportateurs dominicains, ainsi que l’impact éventuel de telles mesures dans le cadre de l’ALE en cours entre l’UE et l’Inde.

3.3       Faire face aux questions SPS et de sécurité alimentaire et aux exigences et évolutions liées aux normes d’accès au marché

Le respect des normes SPS et de sécurité des denrées alimentaires représente de plus en plus une condition préalable à l’accès aux marchés, qu’ils soient traditionnels (par ex. l’UE et les États-Unis) ou non traditionnels (par ex. la Chine, l’Inde et le Brésil). Toutefois, les problèmes rencontrés sont différents.

Pour l’UE et les États-Unis, le problème concerne :

  • l’établissement de structures de dialogue plus solides ;
  • l’annonce préalable des changements de réglementation ;
  • la mise en place d’un forum de discussion consacré aux modalités d’application en accord avec les réalités de production des pays ACP qui sous-tendent les exigences de l’UE en matière de normes SPS et de sécurité des denrées alimentaires.

Sur les marchés non traditionnels, le problème concerne la négociation des protocoles relatifs aux normes SPS et de sécurité des denrées alimentaires. Il s’agit là d’un domaine où un programme d’assistance pan-ACP pourrait permettre de répondre aux besoins communs, tant pour la négociation de ces protocoles que pour l’établissement des modalités opérationnelles de leur mise en œuvre. Ce programme pourrait être en ligne avec le soutien de type « aide pour le commerce » qui s’étend au-delà de la relation traditionnelle entre les pays ACP et l’UE, et implique notamment des partenaires non traditionnels (par ex. les gouvernements de la Chine, de l’Inde et du Brésil).

L’évolution de la politique européenne visant à établir un lien entre les exigences en matière de processus de production et les accords sur l’accès aux marchés (par ex. le respect d’exigences spécifiques, comme le bien-être des animaux, est une condition préalable d’accès aux marchés) devra être minutieusement surveillée par les gouvernements des pays ACP, afin de s’assurer que de nouvelles barrières commerciales ne sont pas érigées.

Il semblerait dès lors important pour les associations d’exportateurs des pays ACP concernés de surveiller le processus d’harmonisation des normes entre l’UE et les États-Unis, pour veiller à ce que les changements pouvant potentiellement bénéficier aux exportateurs ACP soient automatiquement étendus aux fournisseurs ACP, et à ce que les changements risquant de nuire aux exportateurs ACP soient évités.

3.4       « Trouver son chemin » sur les marchés non traditionnels

L’envolée de la demande chinoise constitue l’un des principaux facteurs du développement économique mondial de ces dix dernières années. Cependant, pour les exportateurs des pays ACP, exploiter cet énorme potentiel de marché de manière à transformer structurellement les bases de leur engagement dans l’économie mondiale représente de sérieux défis.

Si ces défis reflètent en partie les particularités culturelles de la Chine et le retard sur le plan réglementaire, ils traduisent également les difficultés plus générales auxquelles font face les exportateurs alimentaires et agricoles des pays ACP pour se diversifier en dehors des marchés traditionnels. Au vu de la taille relativement petite des entreprises des pays ACP, la mobilisation des ressources humaines nécessaires à la recherche et au développement de nouveaux marchés est souvent compliquée.

Puisque tous les pays ACP connaissent ce genre de difficultés, un programme ACP conjoint gagnerait à être mis en place pour aider les principaux secteurs agroalimentaires à « trouver leur chemin » sur les marchés non traditionnels. Là encore, ce programme pourrait aller au-delà de la relation « aide pour le commerce » traditionnelle entre l’UE et les pays ACP et inclure des relations avec des partenaires non traditionnels.

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