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Lettre d’information agriculture – décembre 2014

01 janvier 1970

La Tanzanie se tourne vers les marchés étrangers pour écouler son excédent de maïs

23 novembre 2014

D'après certains articles de presse parus fin août 2014, le gouvernement de la Tanzanie envisage d'exporter son excédent de maïs vers les marchés du Moyen-Orient et d’Extrême-Orient. D'après Godfrey Zambi, le ministre adjoint de l'agriculture, de la sécurité alimentaire et des coopératives, « les pays d'Extrême-Orient ont cruellement besoin de maïs ».

La Tanzanie aurait produit « plus de 7 millions de tonnes de maïs cette saison », la National Food Reserve Agency (NFRA) ayant reçu l'ordre de « n'acheter que 200 000 tonnes de maïs auprès des agriculteurs durant cette saison ». M. Zambi « a averti les agriculteurs (...) que la NFRA ne faisait pas des affaires » et achetait uniquement du maïs pour le stocker « comme une sécurité en cas de catastrophes ».

La situation du marché mondial du maïs est loin d'être favorable à ce que la Tanzanie se lance dans la vente de maïs vers les marchés du Moyen-Orient ou d'Extrême-Orient. À la fin août 2014, « l'International Grains Council a revu à la hausse ses prévisions concernant les stocks mondiaux de maïs pour atteindre un record sur 27 ans », de 190 millions de tonnes, soit une augmentation de 17 millions de tonnes par rapport à l'année précédente. Les prix du maïs ont alors chuté au niveau le plus bas de ces quatre dernières années. D'après le site web Indexmundi.com, les prix mensuels moyens du maïs ont reculé de 21 % entre avril 2014 et août 2014 (soit des prix inférieurs de 25 % aux prix en vigueur en août 2013, et de 47 % aux prix d'août 2012).

C'est dans ce contexte qu'à la fin août un éditorial dans le Daily News de Tanzanie s'interrogeait sur la latitude laissée aux agences des NU telles que le Programme alimentaire mondial (PAM) pour acheter l'excédent de maïs tanzanien à destination du Soudan du Sud ravagé par la guerre et d'autres régions à déficit vivrier. L'éditorial suggérait que ces achats par le PAM en Tanzanie pourraient se faire par le bais des pratiques d'achat « que le PAM avait utilisées auprès des coopératives d'agriculteurs locaux en Éthiopie ».

À l’intérieur de la Tanzanie, le maïs est transféré des régions excédentaires vers les régions déficitaires (du sud des Highlands vers le centre et le nord du pays), ce qui contribue à stabiliser le prix des denrées de base. Dans la plupart des régions du pays, les prix connaissent des baisses saisonnières normales, même si, dans les zones intérieures frontalières, des prix plus élevés sont maintenus en raison des mouvements transfrontaliers officiels et non officiels de maïs (pour des détails sur les problèmes structurels auxquels font face les exportations régionales de maïs de la Tanzanie, voir article Agritrade «  En Tanzanie, relier les zones excédentaires aux marchés constitue un défi », 3 novembre 2014).

Commentaire éditorial

On peut faire valoir que de bonnes liaisons en termes d’infrastructure et la centralisation des capacités logistiques pourraient rendre les exportations de maïs au-delà des océans plus simples que le commerce intra-régional. Mais la réalité est que les stocks internationaux et les évolutions de prix sont loin d'être favorables à l'entrée d'un nouvel acteur tel que la Tanzanie dans le commerce de maïs. Par ailleurs, on ne sait pas s'il y a une demande réelle de maïs blanc tanzanien sur les marchés d'Extrême-Orient et du Moyen-Orient.

L'Afrique du Sud, le plus grand exportateur de maïs d'Afrique, est bien établi sur les marchés d'Extrême-Orient – au cours de la saison 2014/15, Taïwan, le Japon et la Corée du Sud ont absorbé quelque 838 170 tonnes de maïs, soit 65,6 % des exportations totales de maïs de l'Afrique du Sud jusqu'à la mi-septembre 2014.

Toutefois, ces exportations de maïs vers les marchés d'Extrême-Orient concernaient quasi exclusivement du maïs jaune, et seul un faible volume de maïs blanc a été exporté vers l'Extrême-Orient (2 188 tonnes vers la Corée du Nord, soit 0,26 % du volume des exportations de maïs jaune).

Dans ce contexte, nul ne sait si des marchés lucratifs pourront être trouvés en Extrême-Orient pour les exportations de maïs blanc de la Tanzanie. Ceci suggère que la grande priorité pour les exportateurs de maïs blanc de la Tanzanie doit être de relever les défis de l'approvisionnement des marchés régionaux en Afrique de l'Est et centrale : jusqu'en septembre 2014, pas moins de 99 % des exportations de maïs blanc d'Afrique du Sud étaient destinées aux marchés d'Afrique subsaharienne. 

L’Afrique orientale et australe s’intéresse de plus en plus à la production de pommes de terre

23 novembre 2014

La production de pommes de terre est en hausse en Éthiopie. Selon un article publié récemment dans le Irish Times, « le nombre de producteurs de pommes de terre en Éthiopie est estimé à un million, cultivant environ 160 000 hectares par an ». La production est essentiellement pratiquée sur de petites parcelles dans les hauts plateaux, sans application d'engrais. D'après l'International Potato Institue, « l'Éthiopie serait le pays présentant le plus grand potentiel de production de pommes de terre parmi tous les pays d'Afrique, 70 pour cent de ses 13,5 millions d'hectares de terres arables étant adaptés » à la culture de la pomme de terre.

Des initiatives pilotes en Éthiopie ciblent 100 000 producteurs de pommes de terre, ces dernières ayant, estime-t-on, le potentiel de contribuer de manière importante à la sécurité alimentaire des ménages. Cette contribution potentielle à la sécurité alimentaire repose sur les propriétés nutritionnelles de la pomme de terre, sur son adaptabilité au changement climatique et sur sa faible vulnérabilité aux changements de prix internationaux. Toutefois, la mauvaise qualité des plants freine sa productivité en Afrique.

C'est dans ce contexte qu'« une initiative de collaboration conduite par l'Irlande, le Potato Centre of Excellence (Centre d'excellence de la pomme de terre), impliquant des partenaires de la science, des entreprises et du développement et Irish Aid », avec le soutien des parties prenantes du secteur de la pomme de terre et des établissements de recherche, entend partager les connaissances sur la production de pommes de terre à travers six pays – Éthiopie, Kenya, Malawi, Mozambique, Ouganda et Tanzanie – qui ne compteraient pas moins de quatre millions de producteurs de pommes de terre. Les experts considèrent que l'introduction de variétés améliorées pourrait potentiellement doubler les rendements.

Des développements considérables dans le secteur sont déjà en cours au Kenya. Un centre de recherche kényan, avec le concours du Centre international de la pomme de terre (CIP), travaille à améliorer les plants locaux de pomme de terre, ainsi quà développer des variétés à maturation rapide et résistantes aux maladies. La mécanisation est également progressivement introduite dans la récolte des pommes de terre, dans le but de réduire les coûts de récolte (jusqu'à 29 %), de limiter les pertes et d’empêcher la propagation des maladies. Le district de Nyandarua a récemment annoncé que des machines avaient été importées et étaient disponibles à l’Agricultural Machinery Service Station, et les représentants du gouvernement local « ont exhorté les agriculteurs à rejoindre les coopératives » afin de bénéficier de l'utilisation des nouvelles machines.

Bien que des avantages considérables semblent pouvoir être retirés d'une coopération régionale dans la recherche sur la pomme de terre, les possibilités d'instaurer un commerce régional sont plus limitées, le caractère volumineux de la production de pommes de terre faisant que ce produit est mal adapté à un commerce intra-régional. 

Commentaire éditorial

Étant donné le caractère volumineux des pommes de terre et l'accent mis sur la production en vue d'améliorer la sécurité alimentaire des ménages pendant la saison creuse, les principaux problèmes commerciaux dans le secteur de la pomme de terre devraient avoir trait au commerce de plants de pomme de terre. Ceci suggère que les gouvernements des six pays impliqués dans le programme Potato Centre of Excellence devraient travailler ensemble pour élaborer des protocoles communs afin de développer de nouvelles variétés de pommes de terre. Cela faciliterait à la fois l'approbation de l'utilisation de nouvelles variétés et le développement d'un commerce régional de plants de pommes de terre.  

L'intégration de ces dimensions commerciales dans les programmes régionaux de recherche agricole spécifiques aux secteurs pourrait donner un coup de fouet à l'utilisation de nouvelles variétés de plants, une fois leur efficacité démontrée. Cela pourrait également contribuer à surmonter les différences réglementaires découlant de la multiplicité des accords commerciaux régionaux en vigueur dans la région d'Afrique orientale et australe (les pays impliqués dans le programme de la pomme de terre soutenu par Irish Aid sont tour à tour membres de la CAE, du COMESA et de la SADC). Ce type d'approche sectorielle pourrait offrir une alternative à l'harmonisation réglementaire dans le cadre du processus de ZLE trilatérale.

Le Guyana cherche à développer ses exportations de riz vers l’Afrique de l’Ouest

23 novembre 2014

Des articles de presse indiquent que le gouvernement guyanien cherche à conclure un accord pour la livraison de 120 000 tonnes de riz au Ghana dans l’année à venir. Des échantillons ont déjà été expédiés, et le défi consiste désormais à trouver un prix compétitif pour fournir le marché ouest-africain. Il est à espérer que cette initiative sera la première d’une série d’opérations avec les pays d’Afrique de l’Ouest. Oryza.com, un site web sur le secteur rizicole, rapportait en septembre des estimations de la FAO selon lesquelles les exportations de riz du Guyana pour la campagne de commercialisation 2014/15 pourraient atteindre environ 460 000 tonnes, « jusqu’à 15 % de plus que les 400 000 tonnes exportées les années précédentes », et que la production de riz devrait augmenter de 6,5 % en 2014, « principalement du fait de l’accroissement des surfaces plantées, des meilleurs rendements, de conditions météorologiques favorables et d’une amélioration des infrastructures agricoles, comme les systèmes de drainage et d’irrigation ». 

La demande ouest-africaine de riz continue de croître. Au premier semestre 2014, les exportations de riz thaïlandaises vers l’ensemble de l’Afrique ont augmenté de 118 %, « d’environ 2,8 millions de tonnes exportées au cours de la même période en 2013 » jusqu’à environ 3,29 millions de tonnes. Les principaux marchés destinataires en Afrique de l’Ouest et centrale sont la République du Bénin, la Côte d’Ivoire, le Cameroun et le Nigeria ; d’autres destinations importantes en Afrique subsaharienne sont le Mozambique et l’Afrique du Sud.

L’expédition de riz pour exporter vers l’Afrique de l’Ouest connaît désormais des difficultés, étant donné l’épidémie d’Ebola dans la région. Selon des articles publiés sur Oryza.com, « les compagnies maritimes hésitent à envoyer leurs navires vers l’Afrique, craignant que leurs équipages n’attrapent le virus ». Selon des représentants de l’Association des exportateurs de riz thaïlandais, « les opérateurs de navires de transport en vrac ne parviennent pas à trouver des équipages pour leurs navires du fait de craintes de contracter le virus mortel Ebola ».

Des exportateurs indiens ont cherché à mettre cette question en perspective, faisant valoir que le riz sera transporté vers des ports alternatifs, d’où il sera acheminé par la route. Cela devrait néanmoins augmenter le coût du riz au débarquement pour les consommateurs. Le journal nigérian Shipping Position Daily a indiqué que « les armateurs européens ont augmenté les coûts du fret pour les marchandises et imposé des surcharges sur les équipages venant de pays ouest-africains luttant contre Ebola ».

Entre février et juin 2014, les prix du riz thaï destiné aux marchés africains ont baissé entre 6,8 % et 9,1 %, avant de remonter en juillet et août entre 5,6 % et 14,6 %. Cependant, les prix du riz thaï sont restés bien inférieurs aux niveaux de prix prévalant en août 2013.

Commentaire éditorial

La région Afrique de l’Ouest joue un rôle de plus en plus important dans le commerce mondial d’importation de riz. Les fournisseurs asiatiques ont de plus en plus dominé ce commerce, mais les difficultés actuelles d’expédition nées de l’épidémie d’Ebola pourraient ouvrir des opportunités pour la livraison de riz du Guyana étant donné la réticence des compagnies maritimes asiatiques à débarquer des cargaisons dans les ports ouest-africains.

Si cette opportunité devait se concrétiser, elle nécessiterait néanmoins des négociations de contrat prudentes pour s’assurer que les bénéfices commerciaux des ventes ne sont pas sapés par l’augmentation des tarifs d’expédition vers les ports d’Afrique de l’Ouest.

Si les tarifs peuvent être négociés sur une base FOB (franco à bord), les problèmes liés à l’augmentation des coûts d’expédition pourraient être évités. Si des prix CAF (coût, assurance et fret) sont négociés, alors une attention particulière devra être portée aux défis logistiques pour livrer du riz aux destinations ouest-africaines.

Ces derniers mois, les prix du riz ont légèrement augmenté, mais ils sont toujours bien inférieurs aux prix d’août 2014, ce qui suggère que le Guyana pourrait devoir lutter pour obtenir les prix rémunérateurs dont il a besoin pour rendre les exportations de riz vers le marché ouest-africain commercialement attractives.

Intégration de marché en Afrique centrale et orientale pour le maïs, le riz et le sorgho

24 novembre 2014

La Banque mondiale a publié un document de recherche sur les politiques qui évalue les « obstacles à l'intégration de marché en Afrique centrale et orientale » pour le maïs, le riz et le sorgho. Le document analyse les données relatives aux prix à la consommation pour 150 villes dans 13 pays. La longueur et l’étendue des routes asphaltées (en tant qu’indicateur de la qualité des routes) semblent avoir un effet substantiel sur l'intégration de marché, la distance étant de loin le facteur le plus important.

En outre, le document révèle « des effets frontaliers importants pour la majorité des pays contigus » et affirme que les « marchés sont plus intégrés au sein des pays qu'entre les pays ». Parmi les causes de ces effets frontaliers importants, il y a l'impact de toute une série d'instruments de politique commerciale, notamment :

  • les interdictions d'exportation et d'importation ;
  • les droits de douane, les licences et les permis ;
  • l'application restrictive des mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) et d'autres mesures non tarifaires ;
  • le manque d'efficacité des services douaniers.

Le rapport note que de nombreux pays d'Afrique orientale et centrale ont « des programmes et des règlements politiques visant à limiter les exportations de (…) biens de première nécessité ».

Il observe que, bien que ces mesures politiques aient pour objectif « de répondre à des problèmes d'insécurité alimentaire, ces politiques réduisent l'intégration de marché entre les pays » et peuvent contribuer à augmenter les prix des denrées alimentaires, amoindrissant ainsi le caractère abordable des denrées alimentaires. Cet effet, cependant, est atténué par l'ampleur du commerce informel. Le document cite :

  • les conclusions d'une étude de l’USAID publiée en 2013 affirmant que les « statistiques officielles en Afrique de l'Ouest pourraient sous-estimer les flux commerciaux de denrées alimentaires de pas moins de 60 % » ;
  • un rapport de l'OCDE notant qu’« en 2006 les exportations informelles de produits agricoles de l'Ouganda vers les cinq pays voisins représentaient 75 % des flux officiels d'exportations agricoles » ;
  • une recherche réalisée en 2005 affirmant que les exportations transfrontalières non officielles de denrées de base dans la Corne de l'Afrique « dépassent (…) le commerce officiel, avec un volume 30 fois supérieur au volume officiel, parfois plus (…), constituant plus de 95 % du commerce total de ces denrées ».

Les accords commerciaux régionaux sont apparus comme contribuant « à estomper considérablement les frontières ». La profondeur du processus d'intégration commerciale était également un facteur déterminant – les pays de la CAE ayant le niveau d'intégration le plus élevé ont enregistré « des effets frontaliers très faibles (parfois insignifiants) ».

L'analyse a confirmé « la corrélation négative entre les barrières à l'intégration de marché et la sécurité alimentaire ». Elle révèle que « les pays ayant des marchés nationaux moins intégrés et des frontières plus marquées (…) sont davantage touchés par l'insuffisance alimentaire ». Les pays « ayant des marchés plus intégrés, aussi bien au niveau national qu'international, ont moins de problèmes d'insécurité alimentaire », l'absence d'intégration de marché semblant freiner « l'approvisionnement de volumes suffisants d'aliments ». Le rapport reconnaît que d'autres facteurs, tels que les conflits, peuvent entrer en jeu.

Le document note également que « les pays ayant de moins bonnes performances logistiques ont également des frontières plus marquées ». Dans ce contexte, le démantèlement des cartels de transport pourrait améliorer l'intégration de marché et la disponibilité alimentaire.

L‘étude a en outre montré que la gestion des barrières à la frontière peut être aussi importante que les dépenses d'infrastructure destinées à améliorer la disponibilité alimentaire. Cela est particulièrement vrai pour les États fragiles, pour lesquels les bénéfices pourraient être considérables.

Globalement, l'analyse confirme l'idée que « l'abolition des barrières liées à la distance, la réduction des coûts de transport et la mise en place d'accords commerciaux régionaux sont des instruments appropriés pour améliorer l'intégration de marché et la sécurité alimentaire ».

Commentaire éditorial

Bien que les améliorations de l'infrastructure routière semblent engendrer des bénéfices économiques plus importants que le retrait des barrières frontalières au commerce, ces améliorations impliquent généralement des investissements financiers très importants et exigent une maintenance permanente. En revanche, l'élimination des barrières au commerce transfrontalier requiert relativement peu d'investissements et peut apporter des bénéfices assez rapidement, en particulier si ces améliorations sont durables et que des réseaux réguliers d'approvisionnement transfrontaliers sont mis en place.  

Le fait d'avoir déjà un commerce en place, pouvant être encore développé, modifie le contexte pour des investissements à grande échelle dans l'infrastructure routière, puisque le volume important d'échanges commerciaux justifie alors un investissement continu dans la maintenance routière. Cet aspect consistant à générer la production et le commerce pour soutenir les améliorations de l'infrastructure routière (et ferroviaire) est un élément central des diverses initiatives de « corridor de transport » lancées en Afrique orientale et australe.

Il convient de noter que les observations du document sur l'ampleur du commerce informel dans certaines régions suggèrent que les contraintes de l'infrastructure routière ne sont pas une barrière absolue au commerce, mais que simplement elles accroissent les coûts de transaction et donc le prix payé par le consommateur final. Il ne s'agit là que d'un des nombreux facteurs qui augmentent les prix à la consommation, et tous doivent être abordés si l'on veut améliorer la sécurité alimentaire. La grande question qui se pose est l’échelonnement des mesures et le renforcement des capacités institutionnelles pour soutenir les améliorations apportées, lorsque l'attention politique se détournera vers d'autres domaines. 

Trouver des marchés commercialement viables pour le manioc s'avère être un véritable défi

29 novembre 2014

Début septembre 2014, les producteurs de chips de manioc nigérians ont exprimé leur frustration au sujet des prix proposés pour les exportations de chips de manioc vers la Chine. Les importateurs chinois proposaient semble-t-il « 250 dollars la tonne aux exportateurs nigérians ». Ceci contraste nettement avec les prix proposés ailleurs – 37,5 % de moins que le prix proposé sur le marché européen (400 $US/tonne) et 30 % de moins que sur le marché israélien (350 $US/tonne), par exemple. Les transformateurs ont averti qu'à un prix « inférieur à 400 $ la tonne » la transformation de chips de manioc pour l’exportation « ne sera pas viable ».

Ces déconvenues quant aux prix viennent s'ajouter aux coûts de financement élevés que connaît le Nigeria ainsi qu'aux coûts logistiques internes et de transport également élevés. Les faibles prix proposés par les importateurs chinois font qu'aucune exportation n'est encore intervenue au titre de l'accord conclu entre le gouvernement nigérian et les autorités chinoises « pour l’exportation de 3,2 millions (…) de tonnes de chips de manioc par an ».

Le marché chinois des chips de manioc n'aura pas été aidé par une deuxième année de production mondiale de céréales extrêmement élevée, qui a fait baisser les prix en août 2014 à un niveau inférieur de 11,7 % à ceux d'août 2013.  Une deuxième excellente année de production de céréales a également été enregistrée en Chine. Cela se traduira par une augmentation de l'utilisation du maïs produit en Chine dans l'alimentation animale et une nette réduction de la demande d'aliments pour animaux importés. Les stocks céréaliers de la Chine – le maïs étant le produit le plus important – sont maintenant à leur niveau le plus élevé de ces 15 dernières années, à 24,7 % de la consommation pour 2014/15, contre un plus bas à 18,4 % en 2007/08.

Le gouvernement nigérian, quant à lui, poursuit ses efforts pour promouvoir la mouture du manioc afin d'augmenter la demande locale de farine de manioc de qualité supérieure. Ceci inclut l’importation de « six minoteries de farine de manioc de qualité supérieure », et s'inscrit dans le cadre des efforts gouvernementaux plus larges pour promouvoir le mélange de farine de manioc de qualité supérieure avec la farine de blé, afin de réduire la facture des importations de blé.

Des informations de presse suggèrent que les efforts plus généraux visant à réduire les besoins en importations de blé du Nigeria rencontrent des problèmes, les agriculteurs abandonnant la culture du blé au profit d'autres cultures, faute d’avoir trouvé des débouchés commerciaux pour leur production de blé stimulée par les recommandations gouvernementales antérieures. Les agriculteurs s'attendaient à une intervention directe du gouvernement à l'appui de la commercialisation de cette hausse de la production de blé et, lorsque cela ne s'est pas produit, ils se sont détournés de la production de blé. Une analyse de presse a suggéré que les dysfonctionnements dans la chaîne de valeur du blé ont contribué à cette issue décevante. D'autres parties prenantes, cependant, ont incriminé la piètre qualité du blé produit localement, par rapport à la qualité du blé importé, comme étant la raison de l'échec à soutenir l’essor de la production de blé sur le long terme.  

Commentaire éditorial

Bien que les accords entre gouvernements puissent potentiellement ouvrir des portes au commerce sur des marchés non traditionnels, ils offrent peu de bénéfices dans le contexte de la chute des prix mondiaux, si la question cruciale des prix reste non résolue. Ceci suggère que, pour cibler de nouveaux marchés internationaux pour les ventes de manioc, une coopération plus étroite entre le gouvernement et le secteur privé s'avère nécessaire. Si cette coopération plus étroite n'est pas en place dès le début, les exportateurs peuvent être vulnérables à la chute des cours mondiaux des céréales, avec un impact direct sur les prix proposés pour les chips de manioc utilisés dans les aliments pour animaux.

Les difficultés rencontrées par l'initiative de mélange du manioc (voir articles Agritrade «  Des négociants nigérians examinent les défis qui se posent à l’initiativ... », 17 février 2014, et «  Le Nigeria va-t-il abandonner sa politique de mélange du manioc ? », 23 mai 2014) ainsi que les revers dans le développement de la production locale de blé pourraient, avec le temps, contraindre le gouvernement nigérian à revoir sa politique tarifaire pour le blé (voir article Agritrade «  L’USDA critique à nouveau implicitement la politique nigériane dans le s... », 19 janvier 2014). Cette révision saperait profondément les efforts déployés pour promouvoir la production de farine de manioc de qualité supérieure pour son mélange dans la production de pain et d'autres produits de boulangerie.

Ceci laisse penser qu'une nouvelle approche pourrait s'avérer nécessaire pour identifier et promouvoir les opportunités de commercialisation du manioc, afin que les efforts du gouvernement pour stimuler la production de manioc ne s'enlisent pas. 

Le gouvernement tanzanien devrait lancer un conseil de l’horticulture pour protéger les intérêts des producteurs

29 novembre 2014

Selon des articles de presse, le gouvernement de Tanzanie propose la création d’un conseil de l’horticulture afin d’aider les producteurs à défendre leurs propres intérêts, y compris en évitant les prix bas pour leurs produits. Selon Uledi Musa, secrétaire permanent au ministère de l’industrie et du commerce, « les produits horticoles sont des cultures à haute valeur pour lesquelles la demande n’a cessé de croître », mais, à ce jour, peu d’initiatives ont été prises pour protéger les producteurs eux-mêmes parmi les efforts du gouvernement pour promouvoir le secteur. C’est dans ce contexte que la proposition de création d’un conseil de l’horticulture semble importante, pour que l’expansion du secteur soit constante et aidée.  

Le secrétaire permanent a fait valoir qu’un tel conseil pourrait se focaliser sur l’ajout de valeur comme clé de voûte de l’expansion du secteur et du renforcement du fonctionnement des chaînes frigorifiques. Les acteurs du secteur horticole ont accueilli favorablement cette proposition.

L’initiative prise par le gouvernement tanzanien doit être considérée dans le cadre d’un intérêt renouvelé pour l’investissement dans le secteur horticole tanzanien, conséquence des retards dans la finalisation de l’APE CAE-UE, qui pourraient avoir des impacts négatifs sur les exportations du plus gros producteur horticole de la région, le Kenya. 

Commentaire éditorial

La mise en place d’un conseil de l’horticulture en Tanzanie pourrait contribuer au développement du secteur horticole de différentes manières, selon la façon dont il est structuré. Au cours des années passées, les conseils des produits de base les plus efficaces ont rassemblé des associations de producteurs organisées, des ministères, des négociants et des détaillants pour faciliter le développement de chaînes d’approvisionnement plus efficaces.

Tandis que les efforts ont souvent été axés sur l’approvisionnement de marchés internationaux à haute valeur, des initiatives peuvent également aider à développer de façon substantielle les chaînes d’approvisionnement horticole locales. L’initiative de développement de l’horticulture du Conseil agronomique de Namibie, visant à accroître l’approvisionnement du marché national en légumes produits localement, est un bon exemple.

Le système namibien était basé sur une évaluation des produits horticoles pouvant être produits commercialement en Namibie. Il a réuni des producteurs, des négociants et des détaillants pour renforcer la sensibilisation sur la nécessité d’augmenter la production locale, et lancé un dialogue sur les domaines pratiques dans lesquels l’approvisionnement local pouvait être amélioré. En utilisant des systèmes d’information de marché, les détaillants et les négociants ont pu savoir ce qui était disponible, tandis que les producteurs étaient informés sur ce qui était nécessaire, quand et en quelle quantité. Cela a encouragé les acteurs à signer des contrats d’approvisionnement, qui facilitent grandement la mobilisation de financements locaux. Les questions de la qualité et des normes ont ensuite été débattues de façon bilatérale entre producteurs et détaillants.

Dans le même temps, le gouvernement a utilisé des réglementations sur les « produits contrôlés », afin de lier l’émission de permis d’importation à l’atteinte des objectifs d’approvisionnement local. La mise en application transparente et responsable de ce système a permis une hausse, de 5 % à 35 %, de l’approvisionnement local des produits concernés en 10 ans (voir articles Agritrade «  Des programmes de développement de l’horticulture en Namibie et en Tanzanie », 29 août 2009, et «  Des efforts en cours pour consolider les bénéfices de la production hort... », 27 septembre 2010).

L’expérience namibienne pourrait être riche d’ enseignements pour le conseil horticole tanzanien en projet, en particulier du fait des défis croissants auxquels il faut faire face pour répondre à la fois aux exigences sanitaires et phytosanitaires (SPS) de plus en plus strictes de l’UE et aux coûts accrus du placement des produits horticoles sur le marché de l’UE (voir article Agritrade «  Le Royaume-Uni adopte le plein recouvrement des coûts pour les inspectio... », 9 juin 2014). « Marcher sur deux jambes » – en développant parallèlement des marchés d’exportation et des marchés domestiques pour les produits horticoles – pourrait s’avérer plus durable sur le long terme, particulièrement dans la mesure où les processus d’intégration des marchés régionaux s’accélèrent.

Evolution de la structure des exportations agroalimentaires africaines et défis de l'intégration dans les chaînes de valeurs mondiales

07 décembre 2014

Le rapport Perspectives économiques en Afrique (PEA) 2014 est paru, couvrant à la fois l'Afrique du Nord et l'Afrique subsaharienne. Publié par la Banque africaine de développement (BAD), l'OCDE et le PNUD, il affirme que « le potentiel de développement des échanges intra-africains de biens agricoles est important ».

Le rapport note qu'en 2012 les exportations agricoles africaines ont été estimées à 57 milliards $US, représentant 9,1 % des exportations de marchandises africaines. Entre 2005 et 2011, le commerce agricole africain s'est développé de 14 % par an en termes de valeur. En 2012, « les échanges intra-africains ont représenté 23,5 % du total (13 milliards $US), contre 4 % en 2005 ». L'Asie a reçu 21,7% des exportations agricoles de l'Afrique (soit 12 milliards $US), contre 16,7 % en 2005. Toutefois, près de la moitié des exportations agricoles africaines (26 milliards $US) étaient destinées aux marchés européens, où elles représentaient 3,9 % des importations agricoles de l'Europe (contre 2,7 % en 2005). Le rapport PEA affirme qu'un « bond stratégique des échanges Sud-Sud et intra-africains » est maintenant en cours.

Pour consolider la croissance des échanges intra-régionaux de produits agroalimentaires, le rapport PEA considère que les groupes régionaux doivent « renforcer leurs capacités pour soutenir les négociations et la mise en œuvre des accords qui les concernent ». Il affirme que « le démantèlement des barrières non tarifaires et la simplification des procédures douanières – facilités par l’amélioration des infrastructures de transport régionales – contribueront à optimiser l’efficacité des échanges ». Il indique cependant qu’il existe également « des lacunes législatives et institutionnelles dans certaines communautés régionales » concernant, par exemple, les politiques de la concurrence, et en particulier les mécanismes pour le règlement des différends (voir article Agritrade «  Soumission sur la nécessité d'activer les dispositions de règlement des... », 8 décembre 2014).

Plus généralement, le rapport affirme que « les multinationales investissent davantage dans l’agriculture africaine » mais que « le boom des investissements dans les produits de base n’a pas encore entraîné la création des industries et des services dont le continent a besoin ». Les multinationales néanmoins « renforcent la production agricole de l’Afrique et sa participation aux chaînes de valeur mondiales à travers l’approvisionnement local, qui leur donne un avantage concurrentiel sur les marchés internationaux ».

Malgré l'investissement des multinationales dans les chaînes de valeur africaines basées sur l'agriculture, « la contribution du continent aux chaînes de valeur mondiales ne ressort qu'à 1,5 % ». Ceci est imputé à « l’absence de planification fiable des activités dans les chaînes de valeur », sans aucun « lien direct avec des politiques novatrices et l’évolution de la réglementation pour permettre au continent de progresser au sein des chaînes de valeur ».

Le rapport suggère que « les avantages comparatifs nationaux et régionaux des pays africains se situent dans les faibles coûts de main-d’œuvre et les activités peu intenses en technologie » dans le « cacao, le riz, le manioc, l’ananas, l’arachide ou le coton », autant de produits qui ont le potentiel pour stimuler le développement des chaînes de valeur sur le continent. Toutefois, pour exploiter cet avantage comparatif, il conviendra d'aborder le problème de « la dépendance extrême à l’égard des investisseurs extérieurs, des technologies et capacités étrangères ». 

Commentaire éditorial

L'absence au niveau régional de mécanismes efficaces de résolution des différends et de procédures formelles de règlement des différends est considérée comme un facteur important freinant le développement de chaînes de valeur agricoles intra-régionales. Parmi ces « différends », figurent :

  • les préoccupations concernant les restrictions imposées par le Nigeria aux importations de riz à travers ses frontières terrestres ;
  • l'application non transparente de procédures d'importation pour les importations de sucre (par ex. au Kenya) ;
  • l'introduction périodique de restrictions d'importation sur les produits laitiers ;
  • l'application aléatoire de restrictions d'importation sur les cultures GM.

Certaines entreprises africaines du secteur agroalimentaire dépassent cependant les frontières nationales pour investir dans la production régionale. Les plus notables sont ces entreprises sucrières qui opèrent en Afrique australe, investissant dans la production pour exporter en dehors de la région (par ex. Illovo Sugar et Tongaat Hulett) et les entreprises de brasserie développant des produits locaux adaptés aux goûts locaux (voir article Agritrade «  Le sorgho et le manioc de plus en plus utilisés dans l'industrie brassic... », 8 décembre 2014).

En Afrique de l'Ouest et en Afrique de l'Est, respectivement, des conglomérats multisectoriels (tels que Dangote Industries) et des entreprises laitières spécialisées (telles que Brookside Dairies) ont suivi le commerce du secteur agroalimentaire régional en investissant dans ce secteur, en vue de consolider leurs positions de marché à travers la région.

Plus rare a été le développement de chaînes d'approvisionnement intra-régionales, utilisant des intrants d'un pays pour ajouter de la valeur dans un pays voisin à destination des marchés régionaux a été plus rare. Le renforcement de la mise en œuvre des accords commerciaux régionaux contribuerait à ce type de développement d'entreprise, en créant des mécanismes efficaces de règlement des différends.

On pourrait assister à l'émergence d'entreprises du secteur agroalimentaire mondialement compétitives qui conserveraient leurs racines dans les économies africaines (contrairement aux entreprises telles que South African Breweries et Illovo, qui ont délocalisé leur siège social en dehors de l'Afrique ces dernières années). 

Le sorgho et le manioc de plus en plus utilisés dans l'industrie brassicole en Afrique

07 décembre 2014

On observe une tendance croissante vers la culture sous contrat du manioc et d'autres intrants pour l'industrie brassicole en Afrique, où sept gouvernements ont établi des régimes fiscaux spéciaux pour stimuler l'utilisation de cultures locales dans la production de bière.

En Ouganda, la culture sous contrat du sorgho à des fins brassicoles a été lancée pour la première fois en 2008 par SABMiller. D'après des informations de presse, les contrats négociés avec les producteurs de boissons permettent aux agriculteurs d'obtenir de bien meilleurs revenus que par les canaux de commercialisation traditionnels. Il semble que « l'agriculture contractuelle ait aidé à augmenter les surfaces cultivées, amélioré le pouvoir de négociation des agriculteurs et élargi l'accès au crédit pour les agriculteurs organisés en groupes ». Les achats annuels totaux de sorgho en Ouganda sont estimés à 11,3 millions $US, certains gros agriculteurs enregistrant des revenus atteignant 18 914 $US par saison et les petits agriculteurs des revenus d'environ 1 891 $US par saison. Quelque 16 000 agriculteurs sont maintenant engagés dans l'agriculture contractuelle pour le sorgho à destination des brasseurs. Toutefois, les contraintes en termes de disponibilité de terres et d'intrants semblent freiner la participation des petits agriculteurs dans l'approvisionnement en sorgho des brasseurs. La bière à base de sorgho représente maintenant la moitié de la part de 55 % du marché ougandais de la bière détenue par SABMiller.

Au Mozambique, Cervejas de Moçambique produit maintenant sa bière Impala, dont l’ingrédient principal est le manioc (60 %). D'après le PDG de l'entreprise, « l'utilisation de manioc produit localement réduit le coût des importations de malt, houblon et d'autres ingrédients utilisés dans la production de bière, en évitant les coûts liés aux processus d'importation et bureaucratiques ». Le nombre d'agriculteurs engagés dans l'approvisionnement de manioc est passé de 2 000 en 2011 à 10 000 en 2014, avec quelque 10 000 tonnes de manioc achetées chaque année pour être utilisées dans la production de 30 millions de petites bouteilles de bière, d'une valeur de 14 millions de meticais (soit 356 000 €).

Si l'utilisation du sorgho et du manioc en Afrique permet de réduire la facture des importations d'orge de pas moins de 40 %, les concessions fiscales négociées se sont avérées capitales pour le lancement de ces nouvelles bières, dont le prix équivaut à 70 % du coût des bières traditionnelles. D'après l'entreprise d'études de marché Canadean Ltd, le marché de la bière en Europe occidentale est stagnant, avec une croissance estimée à – 0,6% par an, tandis que « le volume de bière vendu en Afrique devrait croître de 4,6 % par an en moyenne entre 2012 et 2016, soit une croissance plus rapide que sur n'importe quel autre continent et pratiquement deux fois plus rapide que la croissance mondiale ». L'accès à ce marché en plein essor qu'est l'Afrique, avec une production de bière à bas prix capable de détourner les consommateurs des boissons alcoolisées traditionnelles, est un aspect crucial des stratégies d'entreprise de sociétés telles que SABMiller et Diageo.

Au Mozambique et dans des pays tels que l'Ouganda, la Zambie et le Zimbabwe, SABMiller a obtenu un rabais de 75 % sur les droits d’accise standard prélevés sur la bière. Diageo a conclu un accord similaire en Afrique de l'Ouest pour sa bière Ruut, produite à partir de l'igname. Ces concessions fiscales ont été accordées en se fondant sur deux arguments :

  • leur impact sur la production agricole locale ; et
  • l'impact moins préjudiciable de la bière produite de façon commerciale sur la santé publique, comparé à la bière brassée de façon traditionnelle.

Il convient de noter que, là où des concessions fiscales moins favorables ont été octroyées (par ex. en Tanzanie), la croissance de la consommation de bières à base de sorgho ou de manioc a été moins prononcée. 

Commentaire éditorial

Il ne fait aucun doute que, dans des pays tels que l'Ouganda, la croissance rapide des bières à base de sorgho a stimulé la culture du sorgho sous contrat, en injectant des fonds substantiels dans la communauté agricole. Toutefois, certains se demandent dans quelle mesure cela profite aux petits exploitants dans leur ensemble. Bien souvent, les grands agriculteurs sont mieux placés que les petits producteurs pour satisfaire aux exigences contractuelles. De façon plus générale, bien que les petits agriculteurs soient de plus en plus nombreux à s’engager dans les ventes contractuelles, d'autres petits agriculteurs pourraient être confrontés à une baisse de leurs revenus provenant des activités brassicoles traditionnelles, la bière à bas prix produite de manière commerciale détournant les clients des boissons alcoolisées brassées de manière traditionnelle.  

Ceci suggère que le nombre croissant de gouvernements africains désireux de promouvoir l'utilisation de cultures traditionnelles dans la production de bière commerciale devraient réaliser des analyses coûts-bénéfices régulières des gains en termes de développement retirés des concessions fiscales accordées.

Les concessions fiscales négociées offrent souvent aux gouvernements des garanties de revenu minimum, permettant de s’assurer que les recettes fiscales ne seront pas considérablement réduites par les concessions fiscales accordées. Mais certains ont remis en question les coûts (pour les deniers publics) et les bénéfices (pour les entreprises privées) relatifs découlant de ces systèmes. Ceci est d’autant plus vrai à la lumière des préoccupations de santé liées à l'augmentation de la consommation d'alcool. Un article de presse a cité une étude publiée dans The Lancet qui « considérait la consommation d'alcool comme le principal facteur de risque de décès et de maladie dans les pays du sud de l'Afrique subsaharienne ». 

Soumission sur la nécessité d'activer les dispositions de règlement des différends de la zone de libre-échange de la SADC

07 décembre 2014

En guise de préparation au Sommet de la SADC en août 2014, le Tralac – le Trade Law Centre, basé en Afrique du Sud – a préparé une soumission sur la nécessité de disposer d'un mécanisme efficace de règlement des différends pour la zone de libre-échange (ZLE) de la SADC. La soumission a été préparée au lendemain d’un atelier régional sur le règlement des différends impliquant des responsables des États membres de la SADC, le Secrétariat de la SADC, des universitaires et des représentants du secteur privé.

La soumission a noté qu'un « accord spécial pour le règlement des différends commerciaux (Annexe VI au Protocole sur le commerce de la SADC) a été élaboré dans le cadre du processus de conclusion du Protocole sur le commerce de la SADC », mais que ces dispositions n'ont jamais été mises en œuvre. La non-application de ces dispositions de règlement des différends commerciaux est une conséquence de la suspension du mécanisme de règlement des différends plus général de la SADC (le Tribunal SADC), suite à une décision prise concernant le programme de réforme agraire du Zimbabwe. L'analyse décrit la non-application de l'Annexe VI comme « une lacune systémique sérieuse dans la structure de la ZLE de la SADC ». Alors que des efforts visant à relancer le mécanisme plus large de règlement des différends de la SADC soient en cours, les propositions actuelles ne tiennent pas compte des « besoins spécifiques de la gouvernance commerciale ».

Ceci est considéré comme regrettable car les dispositions de règlement des différends commerciaux pourraient garantir « la prévisibilité et la sécurité pour les négociants et les entreprises », en assurant une meilleure mise en œuvre des engagements convenus. Actuellement, l'article 3 du protocole sur le commerce de la SADC prévoit des dérogations unilatérales relativement faciles par rapport aux engagements de politique commerciale convenus, sans que les partenaires commerciaux régionaux aient la possibilité de faire appel de ces décisions unilatérales.

La soumission du Tralac a proposé un accord distinct pour la résolution des différends commerciaux, séparé du travail plus politisé du Tribunal de la SADC. Elle appelle à la mise en place d'un mécanisme régional de règlement des différends conforme à la pratique actuelle de l'OMC. Celui-ci comprendrait une « procédure de panel » initiale, avec une « cour d'appel ad hoc », séparée et distincte du Tribunal SADC révisé plus général. Ceci, affirme-t-on, offrirait un mécanisme de recours commercial à faible coût, puisque « aucun juge permanent n’a besoin d’être désigné », et les experts commerciaux seraient appelés à agir en tant que membres de la cour d'appel ad hoc.

En août 2004, le Sommet de la SADC a pris la décision de remettre sur pied le Tribunal de la SADC. Cependant, la compétence du Tribunal a été limitée. D'après une autre analyse du Tralac publiée fin août, le Tribunal SADC redynamisé n'a pas été à la hauteur des besoins spécifiques d'un mécanisme régional de règlement des différends et n'est donc vraisemblablement pas en mesure d'offrir « la prévisibilité et la sécurité » requises pour soutenir « les échanges transfrontaliers en plein essor de la région » et le développement des chaînes d'approvisionnement transfrontalières.

L'analyse du Tralac indique que « le droit au recours individuel sera aboli et que, sauf accord spécial, les parties privées ne pourront introduire une action contre les gouvernements qui enfreignent leurs droits ». Puisque le Protocole sur le commerce et ses annexes « traitent de nombreux droits individuels », ce développement pose potentiellement des défis sérieux pour l'établissement de dispositions efficaces de règlement des différends au sein de la ZLE de la SADC. 

Commentaire éditorial

Avec le démantèlement des droits de douane dans la région SADC, l'utilisation des mesures non tarifaires augmente en fréquence et en importance. Ces mesures non tarifaires prennent des formes diverses, depuis les interdictions d'importation et les restrictions quantitatives jusqu’à l'utilisation restrictive des normes sanitaires et phytosanitaires (SPS), des normes de sécurité des denrées alimentaires et de qualité. La définition de règles transparentes et prévisibles pour l'utilisation des mesures non tarifaires – y compris la mise en place d'un mécanisme efficace de règlement des différends – semble être essentielle non seulement au développement ultérieur d'un commerce intra-régional mais aussi à l'investissement transrégional dans la production pour desservir les marchés régionaux élargis formellement créés par une ZLE.

Dans certaines parties de la région SADC (notamment au sein de la SACU), l'absence de mécanismes formels de règlement des différends incite les entreprises privées à utiliser les juridictions nationales pour contester l'application de mesures non tarifaires particulières adoptées par les gouvernements individuels. On observe donc une situation où la jurisprudence générale détermine les modalités d'application des mesures de politique commerciale non tarifaires plutôt que les politiques commerciales du secteur agroalimentaire arrêtées d'un commun accord au niveau national et régional.

Cela pourrait se traduire par des conséquences imprévues en termes de politique commerciale – telles que le renversement des nouvelles réglementations SPS ou la remise en cause d'un élément clé des stratégies de développement du secteur national (voir articles Agritrade «  Réouverture du commerce de bétail entre la Namibie et l'Afrique du Sud p... », 12 octobre 2014, et «  Les mesures pour le secteur laitier namibien remises en question par une... », 11 avril 2014).