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Note de synthèse - mise à jour 2013 : Secteur du thon : défis et enjeux

16 décembre 2013

1.         Contexte et principaux enjeux

L’UE est le plus grand marché mondial pour le thon, la plupart des produits étant vendus en conserve – avec seulement  environ 4 % des importations de thon vendues en tant que produit frais de qualité –, souvent en provenance de pays où les entreprises de l’UE ont investi dans des installations de transformation et avec lesquels l’UE a signé des accords de pêche bilatéraux (voir article Agritrade «  L’UE reste le marché le plus important pour le poisson », 19 novembre 2012).

L’UE possède une importante flotte de pêche de thon tropical, comprenant environ 50 senneurs à senne coulissante, 260 palangriers de surface et une douzaine de canneurs. Ensemble, la flotte thonière de l’UE représente plus de 40 % de la capacité de pêche des flottes externes de l’UE. Ces navires pêchent dans l’Atlantique, dans l’océan Indien et le Pacifique, opérant à la fois en vertu de cadres réglementaires internationaux – les organisations régionales de gestion des pêches (ORGP) – et dans les zones économiques exclusives (ZEE) des pays côtiers, notamment les pays ACP, au titre d’accords de pêche bilatéraux et de licences privées. Les flottes de pêche thonière de l’UE cherchent à obtenir un accès à de nouvelles ressources halieutiques, notamment au travers des nouveaux accords de pêche de l’UE (par ex. avec les îles Cook et Tuvalu) ou en vertu d’accords privés (avec le Liberia, la Sierra Leone, etc.).

La majeure partie du thon capturé est destinée aux marchés européens, et est transformée dans l’UE (principalement dans les États membres d’Europe du Sud), dans les pays ACP et dans les pays bénéficiaires du Système de préférences généralisées (SPG). Cela rend les discussions sur les règles d’origine dans les négociations d’Accord de partenariat économique (APE) particulièrement sensibles.

Le secteur du thon de l’UE est verticalement intégré, le capital international étant de plus en plus impliqué dans le secteur, en particulier d’Asie. Il s’agit là d’un élément important à considérer par les gouvernements ACP dans leurs efforts pour promouvoir la transformation à plus forte valeur ajoutée.

Les mesures de gestion dans les cinq ORGP de thon tropical sont progressivement harmonisées au travers de ce que l’on appelle le « processus de Kobe ». Cela inclut des discussions sur la mesure, la gestion et l’allocation de la capacité de pêche – un élément important à prendre en compte par les gouvernements ACP désireux de promouvoir le développement de leur propre capacité de pêche thonière.

Dans le cadre de la mise en œuvre de sa Politique commune de la pêche (PCP) réformée, l’UE prend des mesures pour mettre en œuvre des stratégies régionales en faveur de la pêche au thon dans les zones de pêche dans lesquelles sa flotte est active.

2.         Récents développements

2.1       Principaux développements dans les marchés mondiaux du thon

En 2012, le volume des captures thonières mondiales est resté stable. Cela a généré une augmentation des prix de la matière première. Malgré la hausse des prix – la valeur du thon importé a augmenté de 20 % – les importations de thon en conserve vers la zone euro ont encore progressé de 5 % en termes de volume, en dépit de la crise financière.

L’Équateur est devenu un des principaux fournisseurs des grands marchés européens du thon, à savoir l’Allemagne et la Grande-Bretagne. Les pays ACP du Pacifique et les pays africains ont approvisionné des volumes inférieurs de thon en conserve vers ces marchés. En France, le principal fournisseur est devenu l’Espagne, grâce à la promotion fructueuse du thon en conserve haut de gamme espagnol.

Les prix élevés pour les captures de thon ont bénéficié aux flottes de pêche, qui avaient été durement touchées par la hausse des coûts du carburant. En revanche, les transformateurs de thon s’inquiètent de plus en plus de la hausse des coûts du thon, étant donné la réticence des consommateurs à payer plus cher pour leur thon en conserve. 

D’après les Fisheries Trade News de l’Agence de pêche du Forum des îles du Pacifique (FFA), dans les pays ACP du Pacifique, le décalage entre la capacité de transformation et la disponibilité des ressources reste préoccupant. Avec la construction de nouvelles usines, la capacité de transformation des économies émergentes augmente. Parfois, cela implique que le thon de l’océan Pacifique occidental et central est transporté vers le Pacifique oriental pour éviter des déficits d’approvisionnement dans les usines de transformation latino-américaines. Ceci sape les efforts visant à développer la transformation de thon dans les pays ACP du Pacifique (PACP) (voir article Agritrade «  Malgré une hausse des prix, la demande de thon se développe dans une zon... », 27 août 2012).

En 2012, la première pêcherie au thon du Pacifique s’est vue décerner la certification du Marine Stewardship Council (MSC). Bien que l’Europe manifeste un intérêt croissant pour le thon durable, il reste à voir si les consommateurs seront prêts à payer plus pour les produits portant un écolabel, étant donné les difficultés économiques actuelles, ou si les détaillants feront tout simplement de l’écolabel une condition indispensable d’achat (voir article Agritrade «  Thon en conserve : les produits écolabellisés de plus en plus prisé... », 2 juillet 2012). Certains experts ont souligné que, bien que le prix du thon skipjack ait pratiquement doublé sur le marché mondial l’année dernière, il serait encore possible d’obtenir des primes sur les prix pour le skipjack certifié MSC provenant de pêcheries durablement gérées dans le Pacifique (jusqu’à 20 % de prime sur les prix) (voir article Agritrade «  Pacifique : l’industrie thonière ne fournit pas du thon certifié MSC », 19 novembre 2012).

2.2       Augmenter la capacité des pays ACP à aborder les défis des normes SPS et des règlements INN actuels de l’UE

Durant l’année 2012/13, il est devenu évident que, malgré les défis rencontrés pour satisfaire aux exigences réglementaires de l’UE sur les normes sanitaires et phytosanitaires (SPS) et sur la pêche illicite, non déclarée et non réglementée (INN), les pays ACP producteurs de thon se conforment de plus en plus aux exigences.

Ceci était le cas pour la pêche à la palangre du thon albacore de Fidji, la première pêcherie à être certifiée par le MSC. Cependant, en novembre 2012, Fidji a été notifiée qu’elle pourrait se voir imposer des sanctions commerciales par l’UE pour non-coopération dans la lutte contre la pêche INN. Plus particulièrement, des lacunes ont été constatées en matière de suivi, contrôle et surveillance des activités de pêche. D’après la Commission européenne, celles-ci sont dues à un manque d’instruments juridiques adéquats, en particulier de dispositions spécifiques dans le cadre juridique national ayant trait aux mesures pour combattre, prévenir et éliminer les activités de pêche INN (voir article Agritrade «  Le thon albacore de Fidji va obtenir la certification MSC, mais sera-t-i... », 28 janvier 2013). Par ailleurs, en 2007, le thon de Fidji avait déjà été interdit sur le marché de l’UE pour défaut de conformité aux normes SPS de l’UE.

Les autorités et le secteur privé de Fidji ont réagi à cette situation et, en juin 2013, le premier lot de thon portant le label MSC a quitté Fidji pour l’Espagne. Outre l’obtention d’un accès aux nouveaux marchés, les producteurs de thon locaux ont également été en mesure d’ajouter de la valeur à leur thon pour accroître leur compétitivité et augmenter les recettes d’exportation. Les longes de thon albacore certifié MSC sont vendues directement en Europe – soit fraîches, soit congelées pour être servies en tant que steaks – plutôt qu’exportées congelées entières pour être mises en conserve comme avant. Cela crée davantage d’emplois au niveau local pour la transformation des longes et les revenus nets sont plus élevés (voir article Agritrade «  Le premier thon certifié MSC du Pacifique arrive sur le marché européen », 22 juillet 2013).

Un autre exemple de la capacité croissante des pays ACP à faire face aux règlements de l’UE applicables aux importations de thon est la coopération régionale entamée en 2013 dans le contexte de la lutte contre la pêche INN. La CE a informé les importateurs début 2013 du risque que le thon importé d’Afrique de l’Ouest soit du thon provenant de sources INN. C’est ainsi que les pays ACP côtiers ont renforcé leur coopération dans la lutte contre la pêche INN. En décembre 2012, les autorités du Liberia ont été informées qu’un navire de pêche INN était sur le point d’entrer dans un port de Maurice, et le pays ouest-africain a envoyé une requête officielle au gouvernement mauricien pour assistance et inspection du navire. L’inspection a confirmé les suspicions selon lesquelles de la pêche illicite avait lieu dans les eaux libériennes. Lors de l’inspection, les autorités ont également découvert une fausse licence de pêche. Plusieurs pays dans l’océan Indien occidental ont refusé depuis d’accorder une licence de pêche à ce navire ou se sont opposées au débarquement de ses captures (voir article Agritrade «  Préoccupations concernant le thon INN d’Afrique de l’Ouest entrant au Ro... », 7 avril 2013)

2.3       L’industrie européenne fait pression pour durcir les normes de production du thon

S’agissant des discussions sur la réforme de l’Organisation commune des marchés de l’UE dans le secteur des produits de la pêche et de l’aquaculture (voir Note de synthèse – Mise à jour « Pêche ACP-UE : accès au marché et commerce », à venir 2013), durant l’année 2012/13, l’industrie du thon de l’UE a fait pression pour l’application de normes plus strictes aux importations, en particulier en ce qui concerne les négociations sur les accords de libre-échange (ALE).

En 2012, l’ANFACO, l’Association espagnole des fabricants de conserves de poissons et de fruits de mer, a commandé un rapport sur l’utilisation d’une main-d’œuvre forcée dans la chaîne de production de thon aux Philippines. Ses conclusions mettent en lumière des abus sérieux aussi bien dans le secteur de la pêche que de la transformation. Les importateurs espagnols, ainsi que les organisations de senneurs à la senne coulissante, s’opposent vivement à ce que les produits issus de ces opérations aient libre accès au marché de l’UE. Ceci intervient à un moment où l’UE et les pays de l’ANASE (y compris les Philippines) continuent de négocier un ALE. L’ANFACO a clarifié le fait que, même s’ils ne comptent pas arrêter d’importer du thon des Philippines, ses membres exerceront des « contrôles extrêmes sur la matière première provenant des entreprises des Philippines qui ne respectent pas les normes en matière de main-d’œuvre » définies par l’Organisation internationale du travail (voir article Agritrade «  Les transformateurs espagnols vont examiner les conditions de travail de... », 16 décembre 2012).

À la mi-2013, l’UE a entamé des négociations pour un ALE complet avec la Thaïlande, le dernier d’une série avec les pays de l’ANASE. Même en l’absence d’un ALE, la Thaïlande est devenue une source majeure de thon en conserve. EUROTHON a par conséquent demandé à la plate-forme européenne du secteur du thon de traiter le thon comme un produit sensible dans les négociations d’ALE avec la Thaïlande : c’est-à-dire que le thon devrait être exclu des engagements d’élimination tarifaire, ou bien l’accès au marché devrait être lié à « un niveau de conformité plus élevé assorti d’une bonne gouvernance, d’une protection des droits de l’homme et d’une protection environnementale mondiale ». Ceci devrait au minimum être conforme aux normes appliquées au titre de l’accord SPG+ de l’UE. Il semble que cela garantirait des « règles du jeu équitables » entre les entreprises thonières de l’UE et des pays tiers (voir article Agritrade «  Négociations d’ALE avec la Thaïlande pour promouvoir les exportations de... », 3 juin 2013).

2.4       L’intérêt de l’assouplissement des règles d’origine débattu dans le Pacifique

Par le biais de la négociation d’un APE complet, les membres ACP des îles du Pacifique cherchent à obtenir un accès aux marchés européens pour leur thon frais et réfrigéré, sur la base de l’application des règles d’origine pour l’approvisionnement global. D’après certains observateurs, cela donnerait un coup de pouce aux opérations de pêche à la palangre de thon frais/congelé, en créant un nombre important d’emplois – bénéficiant principalement aux petits pays insulaires qui ne disposent pas de conserveries ou d’installations de transformation. Il a été suggéré que l’UE donnerait une suite positive à cette requête, dans le contexte d’un APE complet, si ce dernier est lié à un accès aux ressources thonières PACP pour les flottes thonières de l’UE. Cependant, le directeur des Parties à l’accord de Nauru (PNA) a remis en question les avantages d’un tel accord, puisque la région pourrait finir avec un APE offrant un approvisionnement global pour les poissons frais/réfrigérés, mais devrait, d’un autre côté, supporter les coûts disproportionnés de la conformité avec toute une série d’exigences, telles que les normes SPS, pour accéder au marché de l’UE (voir article Agritrade «  Le directeur des PNA remet en question l’approche des PACP dans le cadre... », 28 janvier 2013).

Dans ce contexte, il convient de noter que la plupart des pays des îles du Pacifique, bien que riches en ressources, ne peuvent soutenir financièrement les conserveries, et ils doivent donc se tourner vers la transformation à plus petite échelle de poisson frais et congelé – provenant habituellement des palangriers. Cependant, les autres flottes – telles que les senneurs à senne coulissante, notamment les opérateurs européens – s’opposent fermement à un tel développement, car elles ont déjà investi dans des entreprises conjointes à l’étranger (par ex. en Équateur) et veulent par conséquent continuer à approvisionner leur matière première à un prix raisonnable depuis la région du Pacifique (voir interview Agritrade «  Si nous arrivons à posséder les flottes étrangères de palangriers, nous... », 6 juillet 2013).

Dans cette interview, le conseiller commercial des PNA a en outre affirmé que, si certaines flottes opérant actuellement dans les eaux des îles du Pacifique étaient possédées par les îles du Pacifique elles-mêmes, il y aurait suffisamment de thon originaire disponible, ce qui rendrait la dérogation liée à l’approvisionnement global inutile. Actuellement, près de 85 % du thon PACP est capturé par les flottes des États-Unis, du Japon, de Taiwan, de la Corée, des Philippines, de la Chine et de l’Espagne. Seule une faible quantité de thon reste dans la région pour transformation – les conserveries asiatiques et latino-américaines sont fortement dépendantes du thon capturé dans les ZEE des PACP. Le conseiller commercial a souligné que la région a besoin d’une participation plus active des partenaires étrangers dans la création d’emplois et la fabrication sur le littoral, et de davantage d’entreprises conjointes de pêche entre les entreprises locales et étrangères, y compris de l’UE.

2.5       Principaux développements dans la gestion des pêcheries de thon

Au sein des ORGP de thon

Les membres de la Commission du thon de l’océan Indien (CTOI) – comprenant notamment plusieurs pays ACP et l’UE – ont convenu d’introduire des limites de pêche basées sur le principe de précaution. Cependant, Greenpeace estime que la CTOI manque des données nécessaires pour gérer correctement sa capacité et ses efforts de pêche, puisque cela exige que tous les navires de pêche actifs dans les pêcheries de la CTOI soient identifiés, ainsi que leurs caractéristiques de capacité de pêche. Selon Greenpeace, du fait de ce manque de données, plusieurs pays côtiers de l’océan Indien – y compris les pays ACP – envisageant de développer leurs flottes thonières le font sans avoir une idée claire de la capacité de pêche actuellement déployée dans la région. Une telle situation met en péril la durabilité et la rentabilité à long terme des pêcheries dans la région CTOI ainsi que les aspirations de développement des pays côtiers à bénéficier davantage de l’exploitation des ressources thonières. Les organisations non gouvernementales (ONG) ont également souligné l’utilisation croissante des dispositifs de concentration de poissons, qui agissent en tant que multiplicateur de capacité et qui font que l’effort de pêche déployé reste élevé même si le nombre de senneurs à senne coulissante a diminué (voir article Agritrade «  Selon Greenpeace, mesurer les capacités de pêche dans l’océan Indien est... », 1er juillet 2013).

La pêche avec des dispositifs de concentration de poissons a été particulièrement critiquée ces 12 derniers mois, non pas parce qu’ils augmentent la capacité de pêche mais parce qu’ils conduisent à des captures accessoires importantes d’espèces sensibles telles que les requins ou les tortues marines. Certaines ONG ont fait campagne et ont mis la pression sur les détaillants européens pour qu’ils ne s’approvisionnent plus en thon auprès des senneurs à senne coulissante utilisant des dispositifs de concentration de poissons et se tournent vers des engins sans dispositifs de concentration.

Lors de l’année 2012/13, un effort considérable a été consenti pour augmenter les approvisionnements de thon auprès des canneurs, qui sont considérés comme utilisant la méthode de capture la plus durable, même si certains mettent en garde contre la durabilité des pêcheries d’appâts. En 2012, l’International Pole and Line Foundation (IPNLF) a été lancée avec l’objectif d’aider à développer des pêcheries à la canne durables et équitables et d’augmenter la part de marché du thon durablement et équitablement pêché à la canne. L’IPNLF est active dans les Maldives et en Indonésie, mais entend élargir son travail à d’autres pays, parmi lesquels des pays ACP producteurs de thon tels que le Ghana, le Mozambique, le Sénégal et les petits pays insulaires de la région du Pacifique. Ce développement devrait aider à satisfaire la demande croissante de thon pêché à la canne en Europe, en particulier au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Allemagne, en France, en Autriche et dans les pays nordiques (voir article Agritrade «  Une nouvelle fondation pour soutenir l’approvisionnement mondial de thon... », 28 mai 2012).

Cependant, une étude a souligné qu’une interdiction totale de la pêche avec dispositifs de concentration de poissons pourrait aboutir au retrait de la flotte de senneurs à senne coulissante tout entière de l’océan Indien. Cela aurait des conséquences majeures pour les économies de ces pays côtiers. Remplacer les senneurs par les canneurs multiplierait par six les captures d’espèces non ciblées, doublerait la consommation de carburant et poserait des problèmes en matière d’exploitation durable des pêcheries d’appâts. L’étude a montré que les débarquements des canneurs ne seraient pas en mesure d’approvisionner le volume de matière première que les senneurs produisent pour les conserveries, et a conclu qu’il y avait peu de chances que la pêche à la canne se développe dans la région à moins qu’il n’y ait une grande différence quant au prix au débarquement entre le thon pêché à la canne et celui pêché à la senne (voir article Agritrade «  Une étude examine les captures accessoires et les rejets des flottes eur... », 29 avril 2013).

Principaux développements dans les accords de partenariat de pêche

Après trois ans sans un accord, Maurice a signé un nouvel accord de partenariat de pêche (APP) et un protocole en 2012. Cet accord a suscité l’opposition des pêcheurs et de la société civile, qui réclamaient davantage de transparence dans le processus de négociation pour garantir que tous les intérêts – ceux des pêcheurs, des transformateurs, des consommateurs et de la société civile – soient correctement pris en compte. Certains ont considéré que les règles régissant les captures accessoires de requins par les flottes thonières de l’UE auraient dû être incluses dans l’accord, comme c’était le cas dans l’APP Madagascar-UE. Les autorités mauriciennes ont ainsi reconnu la nécessité d’améliorer la participation des parties prenantes dans le secteur de la pêche, la création d’un comité consultatif mauricien sur la pêche et les questions maritimes ayant d’ailleurs été proposée (voir interview Agritrade «  Un accord transparent, durable et équitable avec l’UE aura des retombées... », 10 mars 2013).

En 2013, l’UE et la Côte d’Ivoire ont convenu un nouveau protocole de cinq ans pour la mise en œuvre de l’APP sur le thon. L’aide au secteur de la pêche a été augmentée pour tenir compte de la situation de l’administration de la pêche en Côte d’Ivoire après la guerre civile et pour l’aider à accepter ses obligations internationales en termes de contrôle par l’État du port. L’évaluation de l’APP de la Côte d’Ivoire souligne que l’accord avec la Côte d’Ivoire revêt une importance stratégique particulière, car il permet à la pêche à la senne d’être pratiquée en route vers Abidjan, le principal port de débarquement dans la région pour les thoniers européens. Les navires de l’UE sont les principaux fournisseurs des trois conserveries de thon d’Abidjan, apportant près de 70 % de leur matière première. Ils représentent également la moitié des quantités transbordées, fournissant environ 11 000 tonnes de poisson au marché national. La présence des navires de l’UE dans le port d’Abidjan génère des avantages économiques importants, avec environ 21 000 personnes qui dépendent de la présence des flottes européennes (voir article Agritrade «  Nouveau protocole à l’accord de partenariat de pêche UE-Côte d’Ivoire », 24 février 2013).

Au même moment, cependant, a été décidée une date d’expiration du règlement d’accès au marché (RAM) 1528/2007, qui fournit un accès provisoire en franchise de droits et de contingents au marché de l’UE pour les pays ACP dont les gouvernements ont paraphé des APE intérimaires, en attendant la conclusion du processus d’APE complet et l’entrée en vigueur de l’accord d’APE complet. Ceci signifie que, si au 1er octobre 2014 le processus d’APE complet n’est pas conclu (au niveau national ou régional) et que l’accord n’est pas encore entré en vigueur, l’accès en franchise de droits au marché de l’UE sera supprimé et les droits SPG appropriés seront imposés aux importations vers l’UE. Ceci affecte exclusivement les pays ACP non PMA qui ne sont pas éligibles à l’accès en franchise de droits et de contingents au titre de l’accord « Tout sauf les armes » (TSA) de l’UE, y compris la Côte d’Ivoire. Tout retrait des préférences tarifaires de la Côte d’Ivoire sur le marché de l’UE affecterait l’équilibre général de l’APP UE-Côte d’Ivoire (voir article Agritrade «  Date limite mettant fin à l’accès libre au marché de l’UE pour la Côte d... », 13 juin 2013)

En 2012, la CE a paraphé un accord d’accès avec Kiribati qui ignore le système d’allocation d’accès régional – le Vessel Day Scheme (VDS). La commission du développement du Parlement européen a dénoncé l’accord, affirmant qu’il engendrait des tensions significatives, aussi bien entre l’UE et certains pays des îles du Pacifique qu’entre Kiribati et d’autres pays des îles du Pacifique, ces derniers exprimant des craintes quant à la mauvaise foi de l’UE, dont les agissements ont pour effet de rompre la solidarité régionale. La commission du développement a proposé le rejet de l’APP et a appelé la CE à renégocier le protocole pour intégrer les dispositions d’un accord régional et sous-régional ou d’un accord contraignant pour Kiribati, notamment le système VDS (voir article Agritrade «  La dérogation concernant l’approvisionnement global de l’APE ne devrait... », 13 juin 2013).

2.6       Développement des stratégies régionales de l’UE en faveur de la pêche au thon

Dans sa communication sur la dimension extérieure future de la PCP, publiée en 2011, la CE soulignait son intention de développer des stratégies régionales de pêche dans le cadre de ses relations avec les pays tiers.

Dans une interview, un représentant du secteur du thon de l’UE a fait valoir que ces stratégies régionales sont capitales pour la pêche au thon. Certains considèrent que ces stratégies régionales devraient soutenir les efforts déployés par les pays d’une région donnée pour harmoniser leurs politiques, en particulier en ce qui concerne les conditions d’accès des flottes de pêche en eaux lointaines, la coopération scientifique et la lutte contre la pêche illicite. Une autre proposition avancée par le secteur du thon était que les pays partenaires (en particulier ceux qui ont des APP de thon avec l’UE) devraient envisager de développer une « spécialisation » au sein d’une région : unités de transformation, centres de formation régionaux, etc. Cela nécessiterait également un dialogue entre les pays côtiers pour déterminer comment les nombreux bénéfices des opérations des flottes de pêche en eaux lointaines devraient être partagés. Si la mise en place d’usines de transformation est en effet un point capital à aborder, le paiement des coûts d’accès harmonisés, représentant une part équitable de la valeur des captures, est un autre élément important à débattre au niveau régional (voir interview Agritrade «  Les stratégies régionales de pêche de l’UE devraient se centrer sur l’ap... », 11 novembre 2012).

À la mi-2013, la commission de la pêche du Parlement européen est allée plus loin, en présentant une première proposition pour une stratégie européenne complète sur la pêche pour la région du Pacifique. Elle pourrait servir de modèle pour les propositions ultérieures de stratégies européennes dans d’autres régions où les flottes européennes de pêche au thon sont actives.

La proposition de la commission de la pêche du PE invite la Commission à garantir la coordination des politiques de l’UE affectant la région du Pacifique, telles que les politiques en matière de pêche, de commerce et de développement, en vue de maximiser les bénéfices aussi bien pour les pays du Pacifique que de l’UE.

La proposition réitère qu’aucune dérogation supplémentaire aux règles d’origine ne doit être accordée dans les négociations d’APE avec les pays PACP sans l’octroi de bénéfices réciproques à l’industrie de la pêche de l’UE, par exemple un accès aux ressources halieutiques dans les ZEE de ces pays.

Elle appelle la Commission à prévoir la mise en place d’une stratégie à plus long terme sur l’accès de la flotte de l’UE aux ZEE de ces pays de la région, basée sur un accord-cadre régional entre l’UE et les pays de la région occidentale et centrale du Pacifique, négocié avec l’APP, une stratégie qui se concrétiserait dans les accords bilatéraux de coopération de pêche avec les pays concernés.

La proposition va plus loin et suggère que cet accord régional repose sur le système VDS déjà en place, même si cela représente un virage à 180° degrés par rapport aux positions européennes antérieures. La proposition exige néanmoins que des mesures soient adoptées pour assurer la transparence du VDS, qu’il soit mis en œuvre par toutes les parties concernées et qu’il soit conforme aux meilleurs avis scientifiques disponibles.

Enfin, la proposition suggère que la négociation de cet accord régional examine de nouvelles manières de canaliser l’aide du Fonds européen de développement (FED) en faveur de la région à travers la FFA, les pays PACP ne disposant pas des ressources humaines et techniques nécessaires pour utiliser les fonds disponibles du FED (voir article Agritrade «  Le Parlement européen va proposer une stratégie exhaustive pour la pêche... », 5 août 2013).

3.         Implications pour les pays ACP

3.1       Surveiller le développement de stratégies régionales de l’UE complètes en faveur de la pêche

La formulation par l’UE de propositions visant à développer des stratégies régionales complètes en faveur de la pêche pourrait être une étape positive si celles-ci étaient mises en œuvre dans l’esprit des engagements de l’UE envers la « cohérence des politiques pour le développement », puisque cela placerait les aspirations en matière de développement du secteur de la pêche ACP au cœur de ces stratégies. Il est par conséquent crucial que les pays ACP surveillent ces développements et trouvent le moyen de faire entendre ces préoccupations par les institutions européennes.

Les propositions actuelles visant à conditionner l’accès aux pêcheries au déploiement de l’aide du FED sont une source d’inquiétude pour plusieurs pays ACP. Ils jugent cela contraire au Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO.

La préoccupation centrale des gouvernements ACP doit être d’assurer la disponibilité à long terme des ressources halieutiques et de garantir que la capacité de pêche est conforme aux ressources disponibles. Pour les espèces hautement migratoires telles que le thon, cela exige une approche régionale.

Le Plan d’action international pour la gestion de la capacité de pêche de la FAO souligne que les pays en développement doivent être aidés pour s’assurer que leurs droits sont respectés et qu’ils sont en mesure de remplir leurs obligations. Cela inclut la documentation et le partage des données par les États du pavillon sur les opérations de leurs navires et implique une solide coordination entre les pays intéressés pour garantir la durabilité.

Par conséquent, il convient de tenir compte de la manière dont la coordination et la coopération régionale ACP – y compris la gouvernance des pêcheries, la recherche, le suivi, le contrôle et la surveillance (MCS), la lutte contre la pêche INN, et les accords de gestion tels que le système VDS dans le Pacifique – promouvront la pêche durable, et comment cela pourrait être appuyé par l’UE. Jusqu’à présent, l’UE a soutenu plusieurs programmes régionaux axés sur ces questions, tels que le programme régional de l’océan Indien contre la pêche INN (impliquant l’échange automatique d’informations, un système MCS amélioré, des opérations de contrôle conjointes, etc.). Des programmes similaires pourraient être développés dans d’autres régions.

3.2       Augmenter les bénéfices/recettes de l’exploitation durable des ressources thonières ACP

Les coûts supportés par les producteurs de thon en conserve, y compris ceux des pays ACP, sont susceptibles de continuer leur progression du fait de la rareté croissante des matières premières due à des mesures de gestion plus strictes ou, dans certains cas, à la surexploitation des ressources.

D'autre part, la durabilité écologique est en passe d'être érigée en norme régissant tous les produits halieutiques commercialisés sur les marchés de l'UE, indépendamment de la disposition ou non des consommateurs de l'Union à acheter ces produits à un prix supérieur. Dans ce contexte, il sera important de soutenir les pêcheurs, les conserveries et les usines de découpe de longes implantées dans les pays ACP pour les aider à développer leur propre production thonière dans le respect de ces normes, afin de maintenir ou d'accroître leur part sur les marchés de l'UE.

Les gouvernements ACP devront par conséquent investir davantage dans la gestion des pêcheries (par ex. la recherche et les systèmes MCS). Même si les bailleurs de fonds financent une partie de ces efforts, les pays ACP devront trouver le moyen de s’assurer que ces efforts sont soutenus et ne dépendent pas de projets d’aide spécifiques. Si l’on examine les coûts de gestion des pêcheries de l’OCDE, il semble possible pour les pays ACP de revoir le prix d’accès pour les flottes étrangères.

Les préoccupations des pays ACP en matière de création d’emplois doivent cependant également être abordées. Cela pourrait se faire en développant une flotte de pêche ACP employant des effectifs locaux et/ou en développant la transformation du thon sur le littoral. Les gouvernements ACP seront clairement confrontés à des choix importants.

Bien que la réforme des règles d’origine de l’UE, permettant que tous les poissons capturés dans les ZEE des pays ACP se voient accorder le caractère originaire, fasse partie des demandes de longue date des pays ACP, il convient de noter que cela pourrait ne pas être propice au développement ou à la protection des flottes locales. Les gouvernements ACP devront par conséquent envisager de mettre en place des mesures complémentaires pour promouvoir le développement des flottes de pêche locales existantes, tout en s’assurant que seuls des niveaux durables d’effort de pêche sont déployés, dans le cadre de la transition vers l’approvisionnement global.

3.3       Tirer profit de la demande des marchés européens pour la durabilité

La demande croissante des pays de l’UE pour du thon provenant de sources durables pourrait ouvrir de nouveaux marchés diversifiés pour les pays ACP approvisionnant du thon portant un label écologique, du thon pêché à la canne, ainsi que du thon capturé sans dispositif de concentration de poissons. Il convient de noter cependant que les défis devant être relevés par les producteurs ACP, y compris par les producteurs à petite échelle de thon pêché à la canne qui désirent accéder aux marchés européens potentiellement lucratifs, vont au-delà des questions de durabilité. Actuellement, les défis les plus importants restent les exigences SPS et la législation en matière de pêche INN. Un système visant à promouvoir le commerce de « thon durable » qui négligerait ces aspects court le risque que certains produits – capturés eux aussi de manière durable – soient bannis des marchés européens.

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