janvier 1970
La Russie menace de faire appel auprès de l’OMC après que la Mauritanie ait réclamé que la Russie respecte les mêmes conditions que « les flottes subventionnées de l’UE »
01 juillet 2013
Depuis son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce l’année dernière, la Russie a menacé de porter sa première plainte à l’OMC au sujet des subventions versées par l’UE – au titre de l’APP – à ses flottes de pêche opérant en Mauritanie. D’après le directeur adjoint de l’Agence de pêche fédérale de la Russie, Andreï Kraïni, l’UE « verse à la Mauritanie 80 millions d’euros par an afin que les entreprises de l’UE aient le droit de capturer 300 000 tonnes de poisson dans sa ZEE [zone économique exclusive]. Ce niveau de subventions rend la pêche non rentable pour les entreprises russes et non UE ».
La menace de la Russie intervient à un moment où elle négocie un accord d’accès avec la Mauritanie pour ses flottes, pour capturer des petits pélagiques. Bien qu’aucune information officielle n’ait été mise à disposition du public, un journal mauritanien, Le Calame, a obtenu une copie du projet d’accord débattu, qui propose un accord d’accès de 10 ans pour les navires russes, contre un paiement de 100 millions de $US, qui sera investi dans une infrastructure de stockage et de transformation.
Toutefois, le gouvernement mauritanien a insisté pour que les navires russes soient soumis aux mêmes conditions techniques et financières telles que celles appliquées aux navires de l’UE. Les conditions qui s’appliquent aux navires de pêche de l’UE de petits pélagiques au titre de l’APP comprennent une augmentation des paiements aux armateurs, ainsi qu’une redéfinition de la zone de pêche, qui met la sardinelle – jugée surexploitée – hors de la portée des navires de l’UE. Cette décision a été saluée par les pêcheurs artisanaux locaux, qui ont insisté sur le fait que la sardinelle est primordiale pour la sécurité alimentaire locale et régionale.
Face à cette demande, les négociateurs russes ont avancé que contrairement à l’UE, la Russie n’octroie pas de subventions à ses armateurs. Par conséquent, les indicateurs économiques montrent que la flotte russe ne peut travailler dans des conditions techniques aussi strictes que celles imposées aux navires de l’UE, ce qui a poussé la Russie à annoncer son initiative à l’OMC.
En réponse à l’annonce, la commissaire européenne en charge de la pêche Maria Damanaki a souligné que : « nos accords de pêche sont basés sur la transparence, la durabilité et la bonne gouvernance. Tout le monde peut connaître les conditions de nos accords. Ce n’est pas toujours le cas des accords de nos partenaires internationaux. Toute contestation de nos accords [à l’OMC] servirait de catalyseur pour davantage de transparence dans les accords de pêche impliquant d’autres acteurs ».
Ces dernières années, les petits pélagiques ouest-africains sont devenus la cible de diverses flottes étrangères, y compris la Chine, l’UE et la Russie. En 2012, les pêcheurs sénégalais et Greenpeace ont dénoncé l’autorisation illégale accordée par l’ancien gouvernement sénégalais aux énormes chalutiers pillant leurs petits pélagiques. Majoritairement, les chalutiers battent pavillon russe ou des pays d’Europe de l’Est, ou se cachent derrière des pavillons de convenance, y compris des pays ACP tels que le Belize ou les Comores.
Commentaire éditorial
Il existe deux principales variables concernant l’accès des flottes étrangères aux ressources halieutiques des pays ACP : les conditions techniques et les conditions financières d’accès. La question soulevée par la Russie concernant les conditions financières dans l’accord d’accès UE-Mauritanie – de sorte que les conditions financières proposées à la Russie « compensent » ce qu’elle considère comme des « subventions ayant des effets de distorsion de la concurrence » – souligne que les conditions techniques d’accès – l’autre variable des accords d’accès – ne doivent pas changer. Les conditions techniques négociées par la Mauritanie avec l’UE pour l’accès aux petits pélagiques sont basées sur la nécessité, exprimée par la Mauritanie, de conserver ces ressources et de protéger son secteur de pêche artisanal local. Il semble logique que, pour atteindre cet objectif, la Mauritanie insiste pour que les mêmes conditions techniques s’appliquent à toutes les autres flottes étrangères.
Si la menace de la Russie se traduit en une plainte formelle à l’OMC, elle servira de test pour les subventions aux pêcheries et les accords d’accès. Durant le long processus judiciaire à l’OMC, notamment les consultations qui auront lieu entre les parties, il est probable que ces informations sur les accords des flottes russes et non UE soient rendues publiques, et qu’on les compare aux accords de l’UE. Jusqu’à présent, la plupart des accords d’accès ont été plutôt opaques, et cette divulgation en elle-même serait une étape vers davantage de transparence dans l’accès aux ressources ACP des nations de pêche en eaux lointaines.
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